SAINT JOHN CHRYSOSTOM

Saturday, 31 July 2010

4me dimanche d'Abib pauline

http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_sur_la_lettre_aux_philippiens.html
HOMELIES IV ET V SUR L'EPITRE DE SAINT PAUL AUX PHILIPPIENS 1:27-2:11 POUR LE QUATRIEME DIMANCHE DU MOIS D'ABIB PAR SAINT JEAN CHRYSOSTOME


HOMÉLIE IV. JE DÉSIRE QUE LES LIENS DE MON CORPS SE BRISENT POUR ÊTRE AVEC JÉSUS-CHRIST. (V. 23.)
Analyse.

1 et 2. Eloge magnifique de saint Paul; il désire la mort, et accepte par charité la vie, la vie qu'il nous dépeint si dure, et si compromettante pour le salut. Paul comparé au soleil. — Son plus grand bonheur est la joie et la vertu des Philippiens.

3. Son voeu, qu'ils soient unis par la charité: un seul coeur, une seule âme. — Son but, qu'ils soient sans peur et se préparent à tous les sacrifices.

4 et 5. La charité, c'est l'homme; c'est presque Dieu, ou tout au moins, c'est l'imitation de sa bonté. — La miséricorde sera notre juge : nous serons traités comme nous aurons traité les autres.

1. Rien de plus heureux que l'âme de saint Paul, parce qu'aussi rien n'était plus généreux. De nôs jours , au contraire , et de nous tous on peut dire : rien n'est plus faible, par suite rien n'est plus misérable. Nous avons tous horreur de la mort, les uns, et je. suis d ii nombre, parce que le poids et la multitude de leurs péchés les accable; les autres, et puisse-je n'en être jamais , parce qu'à tout prix ils veulent vivre et voient dans la mort le souverain mal. L'homme animal seul peut éprouver cette peur. Eh bien ! ce qui nous fait horreur, Paul le désirait, Paul s'y attachait, et ses paroles en font preuve : " Etre dissous, c'est bien le meilleur ! et moi , je ne sais que choisir ! " Que dites-vous? Sûr d'émigrer de cet exil vers le ciel, sûr de posséder Jésus-Christ, vous ne savez que choisir? Ah ! nous sommes loin de comprendre l'âme de Paul. Et qui donc, si pareille condition lui était présentée sérieusement , n'y souscrirait avec empressement ? Pour nous, il n'est en notre pouvoir, ni de mourir, pour aller avec Jésus-Christ, ni de demeurer en cette vie ; mais l'un et l'autre dépendaient de saint Paul, telle était sa vertu. — Que dites-vous donc, bienheureux apôtre? Vous savez, vous êtes assuré que vous serez avec Jésus-Christ, et vous hésitez ! " Je ne sais que choisir " , dites-vous ! Il y à plus, vous préférez rester ici, je veux dire dans votre chair. Et quel est votre attrait? Est-ce que vous n'avez pas toujours mené une vie bien rude, endurant veilles, naufrages, faim et soif, nudité, soins , inquiétudes? infirme avec les infirmes, dévoré de zèle et d'ennui pour ceux qui se laissaient prendre aux scandales? Il nous rappelle, en effet, la " grande patience, les tribulations, les nécessités, les afflictions, les plaies, les prisons, les séditions, les jeûnes, la continence (II Cor. VI, 4, 5) ; par cinq fois " , dit-il, " j'ai reçu trente-neuf coups de fouet ; trois fois j'ai été battu de verges, une fois lapidé; une nuit et un jour au fond de la mer ; périls des fleuves, périls des brigands, périls dans la cité, périls dans la solitude ; périls de la part des faux frères " . (II Cor. XI, 21-26.) — Et quand toute la nation des Galates avait fait un triste retour vers la loi de Moïse, ne vous entendait-on pas crier : " Vous qui cherchez la justice légale , vous êtes déchus de la grâce? " (Gal. V, 4.) Alors, combien ne fut pas profonde votre douleur? — Et c'est cette vie si changeante que vous regrettez ?

D'ailleurs, quand bien même ces traverses ne vous seraient point arrivées; quand même vous auriez saintement joui de vos saintes oeuvres, ne deviez-vous pas, par crainte d'un avenir incertain, entrer enfin dans un port quelconque de salut? Où est le marchand qui ait comblé son vaisseau d'incalculables trésors, et qui, libre d'entrer au port et de s'y reposer, préférerait être battu des vagues ? Quel athlète, pouvant recevoir la couronne, préférerait descendre dans la lice, et présenter encore sa tête aux coups meurtriers? Est-il un général qui , pouvant dire adieu aux combats avec gloire, et vivre heureux au palais avec le souverain, choisira de suer encore et d'affronter la bataille ? Comment donc, astreint à cette vie si dure, désirez-vous demeurer sur la terre? N'avez-vous pas prononcé vous-même : " Je crains qu'après avoir prêché aux autres , moi-même je ne devienne un réprouvé ? " (25) (I Cor. IX, 27.) A défaut d'autre motif, celui-ci devait suffire à vous faire désirer la délivrance. Votre vie humaine aurait -elle été comblée d'un ineffable bien-être, qu'encore alors vous deviez en désirer le terme, à cause de Jésus-Christ, objet de vos voeux ardents.

O grande âme de Paul, que rien n'égala ni n'égalera jamais! Vous craignez à bon droit l'avenir, en restant au monde; des périls sans nombre vous environnent , et vous refusez néanmoins d'être avec Jésus-Christ? — Eh ! sans doute, je refuse, pour Jésus-Christ même; je lui ai préparé des serviteurs, je veux les affermir dans son amour; j'aime à assurer les fruits du champ que j'ai ensemencé. M'avez-vous entendu? J'ai dit que je cherchais les intérêts du prochain et non les miens ! j'ai dit que j'aurais voulu être anathème pour Jésus-Christ, afin de lui gagner un plus grand nombre de fidèles ! Après avoir choisi l'anathème, ne dois-je pas plus facilement encore choisir le dommage d'un retard, la souffrance d'un délai, pour accroître deux autres chances du salut?

" Qui racontera vos puissances " (Ps. CV, 2), ô mon Dieu, qui n'avez pas laissé dans l'ombre ce grand Paul, et qui avez bien voulu montrer à l'univers un tel homme ? Les anges vous ont loué d'un concert unanime, quand vous eûtes créé les astres et le soleil mais plus ardentes furent leurs louanges quand vous avez montré, à nous et au monde, le bienheureux Paul ! En ce jour-là, notre terre effaça les splendeurs du ciel, elle brilla par lui d'un plus vif éclat que cette lumière du soleil; elle lança par lui de plus beaux rayons. Quelle riche récolte il enfanta parmi nous, non pas en fournissant aux épis leur aliment, aux arbres leur nourriture, mais en créant le fruit même de la piété, en lui imprimant vie et force, en ressuscitant même souvent les coeurs flétris ! Car ce soleil ne peut guérir et refaire sur les arbres leur branche ou un fruit gâté. Paul, au contraire, a rappelé du péché, des hommes accablés de mille plaies. Le soleil à chaque nuit se retire : Paul fut toujours vainqueur du démon; rien au monde ne le renversa, rien ne le put vaincre. Placé au sommet des cieux, l'astre des jours envoie ses rayons sur nos basses régions : Paul, au contraire, part d'en bas, et non-seulement il remplit de ses lumières l'intervalle qui sépare le ciel d'avec la terre, mais dès qu'il ouvre la bouche il comble d'une joie ineffable les anges eux-mêmes. Car si telle est la joie du ciel quand un seul pécheur fait pénitence, comment Paul n'aurait-il pas rempli de bonheur toutes les puissances célestes? Que dis-je, en effet ? Il suffisait de la parole de Paul pour réjouir et faire tressaillir le ciel. Car si, au départ des Israélites de l'Egypte , les montagnes bondirent comme des béliers, quelle allégresse devait exciter cette glorieuse assomption des hommes, de la terre au ciel? Il ajoute donc : " Rester dans la chair est plus utile à cause de vous ".

2. Et nous, mes frères, quelle sera l'excuse (de notre lâcheté?) On rencontre très-souvent des hommes modestes que le sort a placés dans quelque petite et chétive cité, et qui n'en veulent point sortir, parce qu'ils préfèrent leur repos à tout le reste : Paul, pouvant aller à Jésus-Christ, a refusé Jésus-Christ, ce Jésus qu'il désirait et aimait, jusqu'à demander à cause de lui l'enfer et l'anathème, il a préféré rester et souffrir dans la lutte pour le bien des hommes. Quelle sera donc notre excuse, à nous? Faut-il donc uniquement louer Paul? — Or, remarquez sa manière d'agir pour persuader aux Philippiens de ne pas trop s'affliger de mourir, il leur a dit qu'il valait mieux passer en l'autre monde que de rester en celui-ci ; ensuite il leur montre que s'il reste ici-bas, il y reste à cause d'eux et en dépit de la malice et des piéges de ses ennemis. Et, pour les mieux convaincre, il leur expose le motif expressément. S'il le faut je demeurerai absolument, et non content de demeurer, je " demeurerai avec vous ". C'est le sens formel de ces paroles : kai sumparameno , je vous verrai et resterai avec vous; et pour quelle raison ?

" Pour votre avancement et la joie de votre foi ". Ces paroles les invitent à veiller sur eux-mêmes. Si je reste pour vous, semble-t-il dire, gardez-vous de déshonorer mon séjour volontaire; car appelé à voir déjà mon Dieu, le seul espoir de votre avancement me décide à rester. C'est parce que ma présence contribue tout ensemble à votre foi et à votre joie que j'ai choisi de demeurer ici-bas. — Que veut-il dire? Ne restait-il que pour le bonheur des Philippiens ? Sans doute, ce motif n'était pas le seul; mais, en parlant ainsi, il voulait les encourager. Et comment ceux-ci devaient-ils avancer dans la foi? C'est moi, répond-il, (26) qui veux vous y affermir de plus en plus, vous qui êtes semblables à une couvée récemment éclose, dont les ailes ne sont pas encore formées, et qui ont besoin jusque-là des soins maternels. — Une grande charité se révèle ici. C'est ainsi que nous-mêmes nous réveillons le zèle de personnes endormies. Allons, leur dirions-nous, c'est pour vous que je suis resté, pour vous rendre meilleur !

" Afin qu'étant de retour chez vous, je trouve de nouveaux sujets de me glorifier en Jésus-Christ ". Vous voyez que l'expression sumparameno a bien le sens que j'ai indiqué. Mais appréciez l’humilité de Paul. Comme il a dit : Je reste " pour votre avancement " , il ajoute qu'il le fait aussi dans son propre intérêt; c'est la même pensée qui lui faisait écrire aux Romains : " Je veux dire pour être aussi consolé en vous voyant " , aussitôt après avoir dit : " Pour vous faire quelque part de la grâce spirituelle ". (Rom. I, 12.) — Mais quel est le sens précis de ces mots : " Pour que votre glorification abonde? " Il veut dire : Pour que les justes sujets de vous glorifier se multiplient; par suite : Afin que votre foi grandisse et se fortifie : car une vie sainte donne seule droit à être glorifié en Jésus-Christ.

Ainsi " votre glorification en moi " redoublera " par mon arrivée chez vous? " Sans doute, " car quelle est mon espérance? Où sera ma glorification? N'est-ce pas vous qui faites ma gloire comme moi la vôtre? " (I Thess. II,19 ; II Cor. I, 14.) Ou plus clairement : Donnez-moi sujet d'être encore plus heureux et plus glorieux de vous ? Et comment? " Qu'en vous abonde la raison d'être glorifié ! " car je trouverai d'autant plus sujet de gloire, que vous ferez plus de progrès. — " Par mon retour chez vous ". Qu'est-ce à dire? L'apôtre leur revint-il? Je vous laisse à résoudre le problème de son retour.

" Ayez soin seulement de vous conduire d'une manière digne de l'Evangile de Jésus-Christ (27) ". Pourquoi ce mot : " Seulement? " c'est équivalemment leur dire : Je ne vous recommande qu'un point, et rien au delà. Si vous y êtes fidèles, mal ne peut vous arriver.

" Afin que soit que je vienne et que je vous revoie; soit même absent de chez vous, je connaisse votre manière d'être ". Il parle ainsi, non pas qu'il ait changé d'avis, et qu'il soit résolu de ne pas revenir à Philippes; mais quand même mon retour n'aurait pas lieu, dit-il, et bien qu'absent, je puis être content de vous.

3. " Si j'apprends que vous êtes fermes dans l'unité d'un même esprit, d'une seule âme". C'est là, en effet, le principe de la communion des fidèles, le principe qui contient la charité elle-même. Aussi Jésus-Christ lui-même prie : " Pour qu'ils soient un ". (Jean, XVII, 11.) Car, ajoute-t-il, " un royaume divisé contre lui-même ne subsistera pas ". (Matth. XII, 25.) De là, toujours dans saint Paul ces exhortations à l'union des coeurs et des pensées. De là cette définition du divin Sauveur : " Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres ". (Jean, XIII, 35.)

Gardez-vous, dit saint Paul, de rester endormis en attendant que j'arrive, et de différer jusqu'au jour de mon arrivée si attendue, jusqu'à l'heure où vous me reverrez, et d'en faire dépendre votre ferveur ou votre tiédeur (1). Je puis, par ouï-dire, être aussi content de vous. Que veut dire ce terme: " En " un seul esprit?" Il signifie dans la même grâce, grâce de concorde, grâce de ferveur. Entendez ainsi l'unité d'esprit, puisque ces expressions se prennent souvent en ce sens. Avoir le même esprit , c'est aussi n'avoir qu'une âme ; ainsi l'unité d'âme marque la concorde, et plusieurs âmes sont dites n'en faire qu'une. Telle était la primitive Eglise. " Tous les fidèles ", dit l'écrivain sacré, " n'avaient qu'un coeur et qu'une âme ". (Act. IV, 32.)

" Combattant tous ensemble pour la foi de l'Evangile ". Puisque la foi subit comme un combat, combattez aussi entre vous; est-ce là ce qu'il veut dire? Evidemment non, car les chrétiens ne se livraient point de combats; le sens est : Aidez-vous mutuellement, dans le combat qui se livre pour la foi de l'Evangile.

" Et que vous ne soyez en rien effrayés par les adversaires : ce qui est le sujet de leur perte, et la cause de votre salut ". Effrayés, c'était le mot vrai; c'est tout ce que peut faire l'homme ennemi : il effraie. — " En rien ", ajoute-t-il : quoi qu'il arrive, par conséquent, en face des périls, en présence des complots.

1. Deux leçons contraires se lisent dans les manuscrits, et nous les avons fait soupçonner dans la traduction : " Gardez de m'attendre pour bien agir ; gardez de ne plus vouloir agir, si vous ne me revoyiez plus ¨ " .

A ce courage, on reconnaît l'intrépidité : ils ne peuvent qu'effrayer, rien de plus. — Vraisemblablement, en effet, les Philippiens étaient fort troublés des tribulations infinies que subissait l'apôtre. Je ne vous dis pas seulement Gardez-vous d'être ébranlés; j'ajoute, ne tremblez pas; allez même jusqu'à les mépriser. Si vous arrivez à cette disposition d'âme, vous donnez la preuve évidente et de leur perte et de votre salut. Après s'être convaincus qu'ils auront épuisé mille moyens pour vous perdre, sans pouvoir même vous effrayer, ils auront acquis par là même la preuve évidente de leur ruine. Persécuteurs , en effet, sans pouvoir triompher de leurs victimes; organisateurs de complots vaincus par ceux mêmes qu'ils tiennent en leur pleine puissance, ne comprendront-ils pas clairement, à cet insuccès, et leur ruine, et leur impuissance, et la fausseté comme la faiblesse de leurs moyens et de leurs croyances? Il continue: " Et cet avantage vient de Dieu ; car c'est une grâce qu'il vous a faite, non-seulement que vous croyez en Jésus-Christ , mais aussi de ce que vous souffrez pour lui (29) ". — Il les rappelle de nouveau à la sainte modestie, rapportant tout à Dieu , et témoignant que souffrir pour Jésus-Christ , c'est une grâce, une faveur , un don du ciel. Et ne rougissez pas de cette grâce; elle est bien plus admirable que le pouvoir de ressusciter les morts et d'opérer tout autre miracle. Avec ce dernier pouvoir, je suis le débiteur de Jésus-Christ; mais par la souffrance en son nom, je fais de Jésus-Christ mon débiteur. Donc loin d'en rougir, il faut vous en réjouir : c'est une grâce l Saint Paul appelle grâces et dons nos vertus elles-mêmes, comme toutes les autres faveurs gratuites , bien qu'il y ait une différence. Ces dernières viennent tout entières de Dieu seul; dans les autres, nous avons notre part. Mais comme, dans la vertu même , la part de Dieu est la plus grande, il la lui rapporte en entier, non pour renverser notre libre arbitre , mais pour rappeler à ses disciples l'humilité et la reconnaissance.

" Vous trouvant dans les mêmes combats où vous m'avez vu... (30) ", c'est-à-dire, vous avez reçu l'exemple. Et toutefois, c'est encore un éloge qu'il leur adresse. Car partout il montre qu'en tout semblables à lui, et avec lui, ils subissent mêmes combats, supportent mêmes assauts , jusque chez eux et pour leur compte, soumis aux mêmes épreuves que leur apôtre.

" Comme vous m'avez vu ", dit-il, et non par ouï-dire seulement: car il avait combattu chez eux , dans la ville même de Philippes. Voilà la preuve d'un grand courage. Au reste, Paul rappelle volontiers ces faits. Ainsi : — aux Galates : " Quoi ! vous avez souffert ainsi inutilement, si toutefois c'est inutilement! " (Gal. III, 4.) — Aux Hébreux : " Or, rappelez en votre mémoire ce premier temps, où après avoir été illuminés par le baptême, vous avez soutenu de grands combats dans les diverses afflictions, ayant été d'une part exposés devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements; et de l'autre, ayant été les compagnons de ceux qui ont souffert de semblables indignités ". (Hébr. X, 32.) — Aux Macédoniens , c'est-à-dire aux Thessaloniciens : " Tout le monde raconte quel a été le succès de notre arrivée parmi vous " ; et plus bas : " Vous n'ignorez pas vous-mêmes , mes frères , que notre arrivée vers vous n'a pas été vaine et sans fruit ". (I Thess. II, 9 et II, 1.) Et il rend à tous et toujours le même témoignage de luttes et de combats.

C'est là ce qu'on ne trouverait plus chez nous : bienheureux, si nous trouvons par hasard quelque sacrifice d'argent, bien que sur ce point même et en ce genre de sacrifices, Paul leur paie aussi un tribut d'éloges , lorsqu'il dit des uns : " Vous avez souffert avec joie le pillage de vos biens " (Hébr. X, 34) ; et à d'autres : " La Macédoine et l'Achaïe ont résolu de faire une collecte pour les pauvres " (Rom. XV, 26); — ailleurs enfin : " Votre exemple " de charité " a excité le même zèle dans l'esprit de plusieurs ". (II Cor. IX, 2.)

4. Entendez-vous quels éloges méritaient les premiers chrétiens ? Ali ! nous sommes loin de supporter comme eux jusqu'aux soufflets et aux coups, nous n'endurons pas même les outrages ni les pertes d'argent. Saintement rivaux, martyrs courageux , ils étaient tous de vrais soldats à la bataille : mais nous comme nous sommes devenus froids pour Jésus-Christ

Me voici réduit encore à faire le procès de mon époque. Que résoudre, enfin ? Je ne voudrais pas accuser, et j'y suis contraint. Si mon silence, si le soin de ne point redire de tristes faits , pour détruire les graves abus que chaque jour voit éclore , je (28) n'aurais qu'à me taire. Mais si le contraire a lieu, si notre silence, loin de détruire le mal, ne fait que l'aggraver, il faut parler. Celui qui se porte accusateur du crime, n'eût-il point d'autre succès, aura du moins celui d'en suspendre les progrès. Car si impudente, si hardie que soit une âme, à force d'entendre des reproches continuels, il ne se peut que la honte enfin ne l'arrête et ne rabatte un peu de sa malice excessive. Un reste, oui, un faible reste de honte et de pudeur habite encore dans une âme effrontée. C'est un sentiment naturel que cette honte, et Dieu l'a gravée dans nos cœurs. Puisque la crainte filiale ne suffisait pas pour nous contenir, sa bonté divine nous a préparé plusieurs autres motifs d'horreur pour le mal. Ainsi le blâme de nos semblables, la crainte des lois humaines, l'amour de la gloire, le besoin d'amitié: autant de mobiles qui nous déterminent à ne point pécher. Souvent, ce qu'on ne ferait pas pour Dieu, par honte on le fait; ce qu'on ne ferait point par crainte de Dieu, on le fait par crainte des hommes.

L'important est premièrement d'éviter le péché; l'éviter en vue de Dieu est un degré de perfection auquel nous nous élèverons plus tard. En effet, pourquoi saint Paul, exhortant les fidèles à vaincre leurs ennemis par la patience, n'emploie-t-il pas, pour les persuader, la crainte de Dieu, mais l'idée du supplice qu'ils attireront sur ces méchants ? " En faisant ainsi ", dit-il, " vous amasserez sur sa tête des charbons de feu ". (Rom. XII, 20.) Parce qu'il veut déjà, en attendant, leur faire faire ce premier pas dans la vertu qui consiste à épargner son ennemi.

Nous avons donc, comme je l'ai avancé, nous avons en nous un principe de pudeur, ainsi que d'autres motifs naturels et honnêtes de vertu. Tel est cet instinct de la nature, qui nous porte à compatir; c'est bien le plus noble qui habite en notre coeur. On pourrait même demander pourquoi notre humanité possède de préférence cette faculté de se briser à l'aspect des larmes, de se laisser fléchir, d'éprouver un penchant à la miséricorde. Par nature, en effet, personne n'est brave; par nature, personne n'est insensible à la vanité; par nature, personne n'est supérieur à l'envie. Mais il est dans notre nature à tous de compatir à la souffrance; l'homme le plus cruel, le plus féroce éprouve encore ce sentiment. Et. quoi d'étonnant, si nous le montrons envers les hommes? les bêtes mêmes nous inspirent la piété; tant la pitié surabonde en nous; la vue même d'un lionceau non émeut: combien plus celle de nos semblables! Hélas, disons-nous parfois: voyez donc que d'aveugles! que d'estropiés ! Nous savons que cette réflexion suffit pour exciter en nous la compassion.

Rien ne plaît à Dieu autant que la miséricorde. Aussi l'huile servait à la consécration des prêtres, des rois et des prophètes, parce que l'huile était regardée comme l'emblème de la miséricorde de Dieu. Elle rappelait aussi que le chef, le premier entre les hommes, a besoin plus que personne d'être compatissant; et l'onction montrait assez que l'esprit de Dieu descendrait en lui pour le rendre ainsi miséricordieux. Dieu, en effet, a pitié des hommes et les traite avec bonté. " Vous avez pitié de tous ", dit l'Ecriture , " parce que vous pouvez tout ". (Sag. XI, 24.) Telle était la raison de l'onction. Le sacerdoce lui-même était, de par Dieu, une institution de miséricorde. Les rois aussi recevaient l'onction de l'huile ; et quand on fait l'éloge d'un souverain, on ne peut en trouver qui lui convienne mieux que la clémence : le propre de la souveraineté est, en effet, la miséricorde.

A la miséricorde même, sachez-le, nous devons la création du monde, et imitez votre Seigneur : " La miséricorde de l'homme ", est-il dit, " s'exerce sur son prochain : celle de Dieu se répand sur toute chair ". (Eccl. XVIII, 12.) Sur toute chair, qu'est-ce à dire ? C'est que justes ou pécheurs, nous avons tous besoin de la miséricorde de Dieu, tous nous en jouissons, s'appelât-on Paul, Pierre, Jean.

Au reste, qu'est-il besoin de nos paroles? écoutons plutôt ces grands saints. Que dit notre bienheureux : " Mais j'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi dans l'ignorance ". (I Tim. I, 13.) Mais quoi? n'eut-il pas dans la suite besoin de miséricorde? Ecoutons-le : " J'ai travaillé plus qu'eux tous, non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi ". (I Cor. XV, 10.) — Et parlant d'Epaphrodite : " Il a été malade jusqu'à devoir mourir " , mais Dieu " lui a fait miséricorde, non-seulement à lui, mais à moi aussi, pour que je n'eusse pas chagrin sur chagrin". (Philip. II, 27.) — Et ailleurs : " Nous avons été affligés au-delà de nos forces, tellement que la vie même nous était à charge. Mais nous avons eu dans nous-mêmes une réponse de (29) mort, afin que nous ne soyons plus confiants en nous, mais en Dieu qui nous a délivrés de tant de morts et qui nous en délivrera". (II Cor. I, 8-10.) Et enfin : " J'ai été délivré de la gueule du lion; le Seigneur encore me délivrera ". (Il Tim. IV, 17.) Ainsi partout nous le trouvons se glorifiant d'une seule chose : c'est qu'il a trouvé le salut par miséricorde.

5. Tel était aussi Pierre , objet d'une si grande miséricorde, et Jésus-Christ le lui avait signifié par cet oracle : " Voici que Satan a demandé de vous cribler, comme le froment; mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point " . (Luc, XXII, 31.) Saint Jean de même n'était ce qu'il était que par miséricorde, ou pour mieux. dire, tous les apôtres, puisque Jésus-Christ leur disait : " Ce n'est pas vous qui m'avez choisi; c'est moi qui ai a fait choix de vous". (Jean, XV, 16.) En effet, nous avons tous besoin de la miséricorde de Dieu : " La miséricorde de Dieu ", dit l'Ecriture, " est sur toute chair ".

Si de tels hommes ont eu besoin de la miséricorde de Dieu, que dirons-nous des autres? Quelle autre cause, dites-moi, fait lever le soleil sur les bons et sur les méchants ? Si pendant une année seulement elle enchaînait les pluies, le genre humain tout entier n'aurait-il pas péri? Et qu'arriverait-il si Dieu multipliait les orages, s'il faisait tomber le feu en pluie, les moucherons en nuées? Mais que dis-je ?Qu'il amène seulement la nuit continuelle, comme il l'a fait déjà, tous les hommes ne seront-ils pas perdus? Qu'il secoue la terre, tous ne devront-ils pas périr? " Qu'est-ce que l'homme ", ô mon Dieu, " pour que vous daigniez vous souvenir de lui? " (Ps. VIII, 5.) L'heure n'est-elle pas venue de dire, qu'une simple menace de Dieu contre la terre suffit pour que tous les hommes ne soient plus qu'un tombeau ? " Ce qu'est une goutte d'eau dans l'urne, les nations le sont à ses yeux, elles ne sont pour lui qu'un peu d'écume, qu'une inclinaison d'une balance ". (Isaïe, XL, 15.) Autant il nous est facile d'imprimer le mouvement à une balance, autant il lui est aisé de tout anéantir et de tout refaire à nouveau. Puisqu'il nous tient dans sa main avec une telle puissance, et que chaque jour il nous voit l'offenser sans nous punir, ne nous supporte-t-il pas dans sa miséricorde? Les animaux mêmes sont et subsistent par sa miséricorde : " Vous sauverez, Seigneur", s'écrie le Prophète, " les hommes et les animaux ". (Ps. XXXV, 7.) Dieu a regardé le monde, et l'a rempli d'êtres vivants : pour qui? Pour vous; et vous-mêmes, pourquoi vous créa-t-il? Par sa bonté.

Rien n'est comparable à cette huile de la miséricorde. Elle est la cause et l'aliment de la lumière ici-bas et plus haut. " Un jour ", en effet, dit le Prophète, " votre lumière éclatera comme l'aube du matin " (Isaïe, LVIII, 8), si vous pratiquez la miséricorde envers le prochain. Et ce sera justice : comme l'huile alimente le phare qui éclaire les navigateurs, ainsi pour l'autre vie l'aumône nous allume et nous procure une grande et admirable lumière. Cette huile, Paul en parlait souvent et grandement. Ecoutez-le nous dire tantôt : " Seulement souvenons-nous des pauvres ! " (Gal. II, 10.) Tantôt : " S'il vaut la peine, j'irai moi-même ". (I Cor. XVI, 4.) Partout, toujours, en toute manière, cette vertu fait l'objet de sa sollicitude. C'est ainsi qu'il dit encore : " Que les nôtres aussi apprennent à surpasser tout le monde par les bonnes oeuvres " ; et ailleurs : " Toutes ces choses sont bonnes et utiles aux hommes ". (Tit. III, 14, 8.) Ecoutez un autre écrivain sacré : " L'aumône délivre de la mort ". (Tob. XII, 9.) "Seigneur ", dit un autre Prophète, " Seigneur, si vous écartez votre miséricorde, " qui donc pourra subsister ? " Et encore : " Si vous entrez en jugement avec votre serviteur ". (Ps. CXXIX, 3 et CXLII, 2.) Et enfin " Une grande chose, c'est l'homme ; une merveille d'honneur, c'est l'homme miséricordieux ". (Prov. XX, 6.)

Faire miséricorde, c'est tout l'homme, disons mieux, c'est déjà Dieu. Voyez quelle est la puissance de la divine miséricorde. Elle a fait toutes choses, et spécialement elle a créé le monde et les anges eux-mêmes, tout cela, je le répète, par le seul effet de sa bonté. Il ne nous a menacés de l'enfer qu'afin que nous possédions son royaume, et ce royaume aussi nous le devrons à la miséricorde. Pourquoi Dieu, bien qu'heureux dans sa solitude, a-t-il voulu donner l'existence à tant de créatures ? N'est-ce pas par bonté? n'est-ce pas par amour? Oui, si vous demandez pourquoi telle créature, pourquoi telle autre, de toutes parts vous découvrirez la bonté divine.

Ayons donc pitié du prochain, afin que sur (30) nous aussi s'exerce la divine pitié. C'est autant pour nous que pour lui que nous provoquons la miséricorde ; l'heure suprême du jugement doit sonner ; alors que menacera ce feu effroyable, la miséricorde se trouvera prête à l'éteindre, prêté aussi à nous ouvrir le règne de l'éternelle lumière. Grâce à elle, nous serons délivrés des flammes de l'enfer; grâce à elle, Dieu nous ouvrira son sein miséricordieux. Et pourquoi aura-t-il à notre égard des entrailles de pitié? Ah ! c'est que la charité, l'amour se prouve par la miséricorde. Rien n'irrite le Seigneur autant qu'un coeur fermé à la pitié. Un jour, on lui offrait un homme qui lui devait dix mille talents; touché de compassion, il lui remit sa dette. Mais dès que ce méchant se prit à saisir à la gorge son compagnon de service pour lui faire payer une dette de cent deniers; aussitôt le Seigneur livra aux exécuteurs cet être inhumain, jusqu'à complet paiement de sa dette. Après une telle leçon, soyons donc miséricordieux pour nos débiteurs, soit d'argent, soit de péché que chacun oublie les, injures, à moins que par hasard il ne préfère se blesser lui-même, puisque, en ne pardonnant pas, vous faites moins de tort à l'adversaire qu'à vous-même. Si vous le punissez, Dieu ne le punira pas; si vous lui pardonnez, ou bien Dieu le punira, ou bien il vous remettra vos péchés. Comment donc osez-vous espérer le royaume céleste, si vous ne pardonnez pas aux. autres? Evitonsun si grand malheur que de perdre le ciel; remettons à tous, car c'est remettre à nous-mêmes; pardonnons pour que Dieu nous pardonne nos péchés, et qu'ainsi nous puissions gagner ces biens à venir, etc.












HOMÉLIE V. SI DONC IL Y A QUELQUE CONSOLATION EN JÉSUS-CHRIST, S'IL Y A QUELQUE CONSOLATION DANS LA CHARITÉ; SI L'UNION DES ESPRITS ET DES CŒURS, SI LA TENDRESSE, SI LA MISÉRICORDE A CHEZ VOUS QUELQUE EMPIRE, RENDEZ MA JOIE PARFAITE, EN VOUS TENANT PLUS UNIS ENCORE DE PENSÉE, DAME, DE SENTIMENTS. (CHAP. II, 1-4.)
Analyse.

1. Il les invite à l’unité de coeur, au nom des motifs les plus sacrés de la religion. — Il les détourne de l'orgueil par d'instantes prières; éloge de l'humilité.

2 et 3. L'orgueil, passion ridicule et injuste devant Dieu. — Exemples d'humilité dans Joseph, Daniel et les saints apôtres.

1. On n'est pas meilleur, on n'est pas plus tendre que ce Docteur spirituel; aucun père selon la nature ne montre une plus grande affection. Remarquez plutôt quelle prière notre bienheureux adresse aux Philippiens pour leurs plus chers intérêts. Car il les exhorte à la concorde, source de tous les biens, et que ne dit-il pas? Qu'il est abondant ! qu'il est véhément ! qu'il est tendre et sympathique ! Reprenons ses paroles : " S'il y a quelque consolation en Jésus-Christ ", oui, si vous avez en lui. quelque consolation; c'est comme s'il disait : Si vous avez pour moi quelque égard, si vous me portez quelque amitié, si je vous ai rendu quelque service, faites ce que je demande. — Cette figure de langage nous est familière, quand nous voulons obtenir une faveur à laquelle nous attachons le plus haut prix. Si cette faveur n'avait pour nous une valeur incomparable, nous ne voudrions pas la recevoir seule en retour de tout ce qui nous est dû, nous ne dirions pas qu'à elle seule elle représente tout le reste. Toutefois, de notre côté, ce sont toujours des bienfaits temporels que nous alléguons : un père dira par exemple à son fils : Si tu as quelque respect pour ton père, s'il te souvient encore de ton éducation si coûteuse, si tu me gardes quelque amour, si tu as mémoire encore de l'honneur du nom que je t'ai légué et du bon vouloir que je t'ai montré, ne sois pas l'ennemi de ton frère; en un mot, pour tous ces bienfaits je te demande ce seul acte de reconnaissance. Du côté de Paul , la prière est bien différente; il ne leur rappelle (31) aucun motif charnel, mais tous motifs spirituels. Voici, en effet, ce qu'il dit : Si vous voulez me donner quelque consolation dans mes épreuves, et quelque rafraîchissement en Jésus-Christ; si vous voulez me témoigner en quelque chose votre charité, et l'union intime, l'union et la communauté d'âme avec moi ; si vous avez des entrailles et quelque sentiment de miséricorde , mettez le comble à ma joie.

" Si vous avez des entrailles de miséricorde ". La miséricorde envers Paul, c'est d'après lui-même la concorde entre ses disciples; montrant que sans cette concorde parfaite, les dangers sont extrêmes. Si donc, continue-t-il, je dois attendre de vous quelque consolation; si j'ai droit à quelque preuve touchante de votre affection; si je puis prétendre à une communauté d'âme avec vous; si , dans le Seigneur, nous ne faisons qu'un; si vous me devez quelque miséricorde et quelque compassion, montrez, par votre charité mutuelle, comment vous payez toutes vos dettes ; car j'ai tout retrouvé, si vous vous aimez les uns les autres.

" Comblez ma joie ". Voyez comme, tout en les pressant, il se garde de faire croire que ses chers disciples aient abandonné le devoir. Il ne dit pas : " Faites ", il dit : " Comblez ma joie " ; c'est-à-dire, vous avez commencé à semer les bienfaits sur moi; vous m'avez donné de quoi vivre en paix, mais j'aime à vous voir pousser jusqu'au bout. — Que désirez-vous donc, ô apôtre? Faut-il vous délivrer de vos chaînes? Faut-il vous envoyer encore quelque aumône? — Je ne demande rien de pareil, répond-il : mais seulement que " vous ayez un seul esprit, ayant cette même charité ", dans laquelle vous avez débuté ; " n'ayez qu'une âme, qu'une pensée ". Dieu ! comme sa tendresse extrême toujours réclame la même vertu !

Oui, " que vous ayez les mêmes pensées ", disait-il d'abord ; mais plutôt , ajoute-t-il , " une seule pensée " ; car les paroles qui suivent vont jusque-là : " Pensant une seule et même chose ", c'est son expression, plus forte encore que " pensant la même chose ". " Ayez une seule et même charité ", c'est-à-dire, ne l'ayez pas seulement dans la foi, ayez la en tout et toujours. Car nous pourrions avoir entre nous une même pensée, une même croyance et n'avoir pas la charité. " La même " charité, encore : c'est donner et rendre l'amour au même degré. Si vous jouissez, de la part d'autrui, d'une charité vraiment grande, gardez-vous de lui en témoigner une moindre, et par là de vous montrer avare. S'il est des gens de cette trempe, gardez-vous de leur ressembler.

" Soyez unanimes ". Une seule âme, semble-t-ildire, doit animer tous vos corps , non par une fusion de substance, puisque c’est impossible, mais par une communion de volontés et d'idées; comme si une seule âme commandait tous vos mouvements. Qu'est-ce à dire encore, " unanimes ? " Il l'explique en ajoutant: N'ayez qu'une manière de sentir; il voudrait que le sens et la pensée de tous ne fussent qu'un, comme produit d'une seule âme.

" Rien par esprit de contention ". Il nous fait cette prière et nous l'explique en ajoutant: Rien par un esprit de contention " et de vaine gloire ", lequel, je vous le dis, est la cause de tous les maux; de là, en effet, combats et discordes; de là jalousies et luttes acharnées; de là ce refroidissement de la charité , suite fatale et de notre ambition pour la gloire humaine, et de notre servilisme à l'égard de ceux qui la dispensent : l'homme asservi à cette gloire charnelle , ne sera jamais le vrai serviteur de Dieu. — Mais comment échapper à ce désir de vaine gloire? Paul, vous n'en avez pas encore indiqué le moyen. Ecoutez les paroles qui suivent: " Que chacun, par humilité, croie " les autres supérieurs à soi-même ". Dieu ! quelle maxime de haute sagesse et d'admirable utilité pour le salut vient-il de nous exposer t Si vous admettez, dit-il, que tout homme, quel qu'il soit, est plus grand que vous; si vous en êtes persuadés; ou plutôt, si non contents de le dire, vous en avez la pleine conviction, volontiers vous lui rendez honneur, loin de vous indigner des honneurs qu'on lui rend. Au reste, ne le regardez pas seulement comme plus grand que vous; voyez en lui " un supérieur ", parole qui montre une grande prééminence, et dès lors, le voyant honoré, vous n'éprouverez ni tristesse, ni colère; s'il vous outrage , vous patienterez généreusement , puisque vous reconnaissez sa grandeur; s'il vous insulte, vous l'endurerez; s'il vous maltraite , vous le supporterez en silence. Qu'une bonne fois votre âme soit pénétrée de la conviction qu'il est plus grand que vous : dès lors, (32) il aura beau vous maltraiter, elle sera inaccessible à la colère, à la jalousie. Nul n'oserait envier le sort de ceux dont la supériorité est écrasante; on subit tout, comme conséquence naturelle d'une supériorité avouée.

2. Telle est la grandeur d'âme que nous enseigne l'apôtre. Que si votre frère, à son tour, dit-il, objet de tant d'honneur de votre côté, revêt à votre égard les mêmes sentiments, songez quelle sûreté acquerra votre mutuelle bienveillance ainsi munie comme d'un double rempart. Tant que vous garderez, en effet, l'un pour l'autre , ce profond respect, tout incident fâcheux est impossible. Car s'il suffit, pour anéantir toute rivalité, que d'un seul côté déjà l'on rende à l'autre partie cet honneur, quand il est rendu de part et d'autre, qui pourra faire brêche à une si solide fortification? L'assaut est impossible au démon lui-même ; l'enceinte est triple , quadruple, incomparablement fortifiée.

L'humilité, en effet, est la cause de tout bien, de tolite vertu. Pour l'apprendre mieux encore, écoutez le prophète : " Si vous aviez " voulu un sacrifice, je vous l'eusse offert, ô mon Dieu; mais les holocaustes ne peuvent vous plaire. Le vrai sacrifice à Dieu , c'est un esprit pénitent : Dieu ne méprisera jamais un coeur contrit et humilié ". (Ps. L, 19.) Le prophète ne veut pas simplement l'humilité, il lui faut un degré avancé d'humilité : " Un brisement ". De même que dans un objet matériel une partie broyée ne peut lutter contre un corps solide , mais qu'elle se détruit à chaque coup qui lui est porté avant même de lui avoir rendu le choc, ainsi en est-il d'une âme vraiment humble : elle choisira les mauvais traitements et la mort même, plutôt que d'attaquer, plutôt que de se venger.

Ah ! jusqu'à quand respirerons-nous cet esprit d'orgueil si ridicule? Quand nous voyons de pauvres enfants s'emporter; s'enfler, jusqu'à s'armer de pierres, jusqu'à les lancer, le rire nous prend; or tel est l'orgueil de l'homme, il vient de la puérilité et de la sottise. " Pourquoi la terre et la cendre s'élèvent-elles d'orgueil? " (Ecclés. X, 9.) Tu conçois des pensées orgueilleuses , ô homme ! Pourquoi? Dans quel intérêt, dis-moi ? D'où vient cette hauteur envers tes semblables? N'es-tu donc plus de même nature qu'eux? N'ont-ils pas une âme comme toi ? une âme qui a reçu de Dieu la même gloire? — Tu es un sage ? je le veux; alors tu dois être reconnaissant, et non enflé de vanité. C'est l'ingratitude au premier chef, que cette démence d'esprit; et elle détruit et méconnaît la générosité du bienfaiteur. En s'élevant, on le fait pour s'attribuer le mérite de la bonne oeuvre ; et en s'attribuant ce mérite , on prouve son ingratitude envers celui de qui on a reçu ce bienfait. As-tu quelque bien? Rends-en grâces à l'auteur de tout bien. Ecoute ici la parole et de Joseph et de Daniel.

Le premier sort de prison, par ordre du roi d'Egypte ; en présence de toute sa cour ce prince l'interroge sur un point où la sagesse Egyptienne, malgré son habileté en ces sortes de question , était restée muette ; Joseph vase montrer bien supérieur en tout; il va manifester une science qui efface astrologues, devins, thaumaturges, magiciens, et sages de toute sorte, bien qu'il ne soit qu'un enfant sorti à peine de prison et d'esclavage. La gloire n'est que plus grande, en pareille circonstance, puisque autre chose est qu'un homme illustre déjà brille une fois de plus, autre chose qu'un inconnu se révèle; moins on soupçonnait la réponse qu'il allait faire, plus il en devait être admiré. Or, que dit Joseph présenté à Pharaon? Répond-il : Oui l 'je sais tout ! Tant s'en faut. Quoi donc? sans influence de personne, uniquement inspiré par sa profonde reconnaissance, que dit-il enfin? " N'est-ce pas à Dieu qu'appartient semblable interprétation? " (Gen. XL, 8.) Voyez comme il s'empresse de rendre gloire à Dieu, et comme Dieu aussitôt le glorifie lui-même, par une faveur qui doit compter dans l'appréciation de la vraie gloire. Car il est bien plus beau pour lui de recevoir le don d'interprétation par la révélation de Dieu , que d'y arriver par son effort personnel, outre que les paroles de Joseph lui gagnaient la confiance publique, et devenaient un témoignage irrécusable de sa familiarité avec Dieu. Or, aucun bien n'est comparable à cette divine familiarité. Car, dit saint Paul, " si l'homme est justifié par ses propres oeuvres, il en a la gloire, mais non pas devant Dieu ". (Rom. IV, 2.) Celui, en effet, qui a trouvé grâce devant Dieu, se glorifie aussi devant Dieu, parce qu'il est aimé de lui, puisque sa bonté a daigné se rapprocher d'une créature pécheresse. L'homme de ses oeuvres, au contraire, trouve la gloire, mais non pas comme l'autre, la gloire devant Dieu preuve certaine de notre grande misère ! — (33) Combien est plus admirable celui qui reçoit de Dieu la sagesse ! Il rend gloire à Dieu, il en reçoit la gloire en retour. " Car je glorifie ", dit-il, " ceux qui me glorifient ".

Mais écoutons un des descendants de Joseph, un sage que personne n'a surpassé, puisqu'il est écrit : " Etes-vous donc plus sage que Daniel? " (Ezéch.XXVIII, 3.) Ce Daniel devait partager le sort de tous les sages qui avec lui étaient à Babylone :astrologues, devins, magiciens, faiseurs de prestiges; toute l'école de sagesse était non-seulement réprouvée, mais déjà exécutée : la peine capitale prononcée contre eux tous par le roi, prouvait assez qu'il se regardait comme trompé de longue date. Daniel donc se présente au roi, pour résoudre la question proposée; loin de se donner à lui-même un regard complaisant, il commence par reporter à Dieu tout honneur : " Ce n'est pas dans la sagesse que je posséderais plus qu'aucun autre homme, que révélation m'a été faite, ô prince!... Alors le roi adora Daniel et dit : Qu'on fasse venir les victimes et les offrandes ! (Dan. II, 30.) Avez-vous compris tant d'humilité, cette reconnaissance, ce caractère ennemi de tout orgueil?

Ecoutez aussi le langage des apôtres, tantôt " Pourquoi nous regardez-vous ", disent-ils, " comme si c'était par notre puissance ou notre piété que nous avons fait marcher cet homme? "Tantôt : "Et nous aussi ", s'écrient-ils, a nous sommes des hommes mortels, semblables à vous! " (Act. III, 12 et XIV, 14.) Voilà comment ils répudiaient des honneurs spontanément offerts, ces hommes qui, grâce à leur humilité en Jésus-Christ, grâce à sa puissance, opéraient des prodiges plus grands que ceux de Jésus-Christ lui -même; car " celui qui croit en moi ", avait-il dit, " fera de plus "grandes choses que moi-même je n'en fais " comment donc ne pas nous appeler des malheureux, des misérables, nous qui ne pourrions chasser je ne dis pas des démons, mais des moucherons, nous qui n'avons pas même le pouvoir d'obliger un de nos semblables, bien loin d'être les sauveurs du monde entier, et qui cependant portons si haut nos pensées, que le démon même n'atteindrait pas à notre orgueil ?

3. Rien de plus étranger à l'âme chrétienne que l'orgueil. Je dis l'orgueil, et non pas la franchise et le courage. Leur faux air de famille ne les empêche pas d'être essentiellement différents. Autre est l’humilité, autre le servilisme, l'adulation, l'esprit rampant. Voulez-vous de tout cela des exemples frappants ?Les contraires parfois sont étrangement rapprochés, comme l'ivraie du froment, comme la rose des épines; tin enfant s'y laisse tromper; mais l'homme fait, celui qui est habile dans la culture spirituelle, saura distinguer le bien d'avec le mal. Et, tenez; proposons à vos réflexions quelques exemples tirés des saintes Ecritures mêmes.

Qu'est-ce que flatterie, servilisme , esprit rampant? Siba profite d'un mauvais moment pour flatter David et accuser son maître; Achitophel fait pis encore auprès d'Absalon. David ne leur ressemble pas, il est humble. Les trompeurs sont nécessairement flatteurs, comme ces mages de Babylone, qui s'écrient : "Vive le roi dans les siècles ! " Saint Paul, dans les Actes, par exemple, discute avec les juifs, sans jamais les flatter, mais aussi sans oublier l'humilité. Il sait parler avec liberté : " Mes frères", dit-il, "je n'ai rien fait ni contre la nation, ni contre les coutumes de nos pères, et cependant j'ai été enchaîné à Jérusalem et livré à la justice ". (Act. XXVIII, 17.) Et pour mieux reconnaître ici le langage de l'humilité, écoutez comment il parle quand il veut les reprendre avec force : " C'est avec raison que l'Esprit-Saint a dit de vous : Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez pas ; vous verrez de vos yeux, et vous n'apercevrez pas". (Act. XXV, 26.) Reconnaissez-vous là le courage?

Considérez encore avec quelle fermeté héroïque Jean-Baptiste traite le roi Hérode : " Il ne vous est pas permis d'avoir la femme de votre frère ". (Marc, VI,18.) Voilà la confiance, voilà la force ! Ainsi ne parlait pas un Séméi : " Sors ", criait-il à David, " sors, homme de sang". (II Rois, XVI, 7.) Il parlait hardiment sans doute; mais la hardiesse n'est pas le courage; ici, c'était audace, outrage, excès de langue. De même quand Jésabel insultait Jéhu Voilà, s'écriait-elle, l'assassin de son maître ! C'était audace et non pas franchise. Elie aussi, mais par franchise et fermeté, trouvait un vif reproche : " Ce n'est pas moi qui trouble le peuple; c'est vous et la maison de votre père ! " ( III Rois, XVIII, 18.) Le même Elie traitait avec une égale fermeté tout le peuple réuni : " Pourquoi", disait-il, " boiter ainsi des deux jambes et entre deux partis? " Frapper (34) ainsi donnait la preuve d'un franc parler, d'un vrai courage.

Vous faut-il d'autres exemples à la fois d'humilité et de liberté? Entendez cette phrase de Paul: " C'est le moindre souci que celui d'être jugé par vous ou par tout homme mortel; je ne voudrais pas me juger moi-même, car bien que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas pour cela justifié ". (I Cor. IV, 3.) Voilà les inspirations qui conviennent aux chrétiens. Ajoutez-y celle-ci : " Comment ! un d'entre vous, ayant une affaire litigieuse contre un de ses frères, ose se faire juger auprès des infidèles et non par-devant les saints ! " (Ibid.) — Préférez-vous connaître à quelle basse flatterie se dégradent les juifs insensés? Ecoutez ce qu'ils disent: " Nous n'avons point d'autre roi que César". (Jean, XIX, 15.) — Aimez-vous mieux connaître l'humilité? Ecoutez de nouveau les protestations de saint Paul. " Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, nous prêchons Jésus-Christ comme Seigneur, et nous comme vos serviteurs en Jésus-Christ ". (Ibid.) — Voulez-vous voir, à l'égard du même homme, l'audace et la flatterie? David subit l'audacieux langage de Nabal; et bientôt la basse adulation des Ziphéens; celui-là lui jetait des paroles de malédiction; ceux-ci le trahissaient, au moins par leur volonté et leur complot. — Verrez-vous plus volontiers, non plus l'adulation, mais la sagesse en action? Considérez David épargnant Saül qui était tombé dans ses mains. — Vous plaît-il de retrouver la vile flatterie? Rappelez-vous les misérables qui assassinèrent Isboseth (1), crime affreux pour lequel David les fit mourir. Enfin, pour abréger, définissons l'audace, comme aussi la franchise et la force. La première a lieu quand on s'irrite, quand un reproche violent se formule sans une cause grave et juste; quand on se venge, quand de toute autre injuste manière on s'emporte : la seconde se trouve à braver les périls et l'a mort, à mépriser les amitiés ou les ressentiments quand il s'agit de la volonté de Dieu. L'adulation et le servilisme se reconnaissent à servir certaines personnes bien au-delà de leurs besoins et des convenances, par convoitise de quelque avantage temporel; l'humilité se manifeste par les mêmes services, mais qu'on rend uniquement pour des motifs agréés de Dieu; l'homme humble descendant ainsi de sa dignité, pour accomplir une oeuvre grande, admirable et parfaite.

Heureux, si nous savons, si nous pratiquons ces maximes ! Les savoir, en effet, ce n'est pas assez : " Ce ne sont pas ceux qui entendent la loi ", dit saint Paul, " mais bien ceux qui la pratiquent, qui seront justifiés ". (Rom. II, 13.) Bien plus la connaissance du précepte vous condamne, quand les oeuvres manquent, et la pratique du devoir. Abordons la pratique aussi, afin de gagner la récompense, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.

1 Le manuscrit porte Miphiboseph, soit inadvertance de l'orateur, soit faute des copistes. (Note des Bénédictins.)








HOMÉLIE VI. QU'ON RECONNAISSE EN VOUS LES SENTIMENTS DE JÉSUS-CHRIST MÊME, QUI ÉTANT L'IMAGE DE DIEU... ET SON ÉGAL,... S'EST ANÉANTI EN PRENANT LA FORME DE SERVITEUR, ETC. (CHAP. II, 5-9.)
Analyse.

1-4. Exorde : Jésus-Christ proposé par lui-même et par saint Paul comme modèle de charité. — Les ennemis de l'Incarnation nommés, leurs hérésies dévoilées, leurs impiétés d'avance réfutées par le texte de saint Paul.- Réfutation spéciale de Sabellius et d'Arius. — Le Fils n'est pas un petit Dieu, inférieur au Père. — Jésus-Christ a pu se croire Dieu, " sans rapine ", puisqu'il l'est: l'orateur profite de ce texte, pour établir à la fois la nature divine de Jésus-Christ, et l'essence de l'humilité. — Il explique les mots : " In forma Dei ".

4-6. Judas perverti par l'avarice : craignons de succomber sous cette passion.— Mammon et Jésus-Christ se disputent le monde. — L'enfer au bout de l'avarice. Pourquoi l'orateur parle de l'enfer.

1. Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ veut élever ses disciples aux plus grandes vertus, il propose en exemple, les prophètes, son Père et lui-même, disant tantôt : "Ainsi ont-ils traité les prophètes qui ont vécu avant moi ". Tantôt: " Apprenez de moi que je suis doux. " (35) (Matth. V, 12 et XI, 29) ; et ailleurs : " Soyez miséricordieux comme votre Père qui est dans le ciel ". (Luc, VI, 36.)

Paul ne suit pas une autre méthode. Pour décider les Philippiens à la pratique de l'humilité, il met en scène Jésus-Christ; et ce n'est pas seulement pour cette vertu, c'est aussi pour expliquer la charité envers les pauvres, qu'il rappelle ce grand modèle en ces termes " Vous connaissez la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui pour nous s'est fait pauvre, lorsqu'il était si riche ! " (II Cor. VIII, 9.) Il n'est rien, en effet, qui excite une âme grande et sage à la pratique du bien, comme de lui faire comprendre que ses oeuvres la rendront semblable à Dieu. Quel motif vaudra jamais celui-là pour décider une volonté? Paul le savait, aussi pour amener ses lecteurs à l'humilité, il a commencé par les prier et par les conjurer; puis il a employé les paroles encourageantes: " Vous persévérez", disait-il, "dans un seul esprit " ; et encore : " Ce qui est une preuve de leur perdition, et de votre salut". (Philip. I, 27.) Mais il arrive enfin à son grand moyen de persuasion: " Soyez dans la même disposition et dans le même sentiment où a été Jésus-Christ, qui étant dans la forme de Dieu, n'a point cru que ce fût pour lui une rapine et une usurpation d'être l'égal de Dieu, mais qui cependant s'est anéanti, prenant la forme de l'esclave (5, 6) ".

Mes frères, appliquez-vous, je vous en prie, élevez vos âmes. Comme un glaive à double tranchant, de quelque côté qu'il frappe, au milieu même d'innombrables bataillons, les rompt facilement et les détruit, parce que, tranchant des deux côtés, il présente d'ailleurs sa pointe à qui rien ne résiste : ainsi en est - il des paroles du Saint-Esprit. Oui, par la force de ces paroles, les sectateurs d'Arius d'Alexandrie, de Paul de Samosate, de Marcel le Galate, de Sabellius l'Africain, de Marcion le Pontique, de Valentin, de Manès, d'Apollinaire le Laodicéen, de Photin, de Sophronius, tous les hérétiques, sans exception, sont tombés sous les coups de Paul.

Invités à ce noble spectacle de leur défaite, conviés à voir toutes leurs phalanges abîmées d'un seul coup, réveillez-vous, pour ne pas perdre un seul trait de ce spectacle divin. Car enfin, si dans les courses des chevaux et des chars, le plus beau coup de théâtre pour vous est de voir un des vaillants écuyers vaincre d'un élan triomphal tous les chars et tous les écuyers ses rivaux, et parmi ces véhicules renversés, et au milieu de ses adversaires encore sur le siège, arriver seul jusqu'à la borne, jusqu'à la barrière du combat, alors que de toutes parts éclatent les applaudissements, et que les clameurs s'élèvent jusqu'aux cieux; alors que le vainqueur, à qui la joie et les applaudissements semblent donner des ailes, achève avec ses coursiers de parcourir le stade : combien plus n'éprouverez-vous pas de bonheur, après qu'aidés de la grâce de Dieu, nous aurons culbuté les bataillons des hérésies et les machines de guerre du démon avec leurs écuyers eux-mêmes, qui ne seront plus ensemble qu'un monceau de ruines?

Mais, s'il vous plaît, plaçons en ordre toutes ces hérésies. Quel ordre adopterons-nous, celui de leur impiété, ou celui des temps? Suivons plutôt celui des temps; car, au point de vue de l'impiété, il serait difficile de les classer.

Vienne d'abord Sabellius l'Africain. Que dit-il? " Père, Fils, Esprit-Saint, trois noms et rien de plus, désignant une seule personne ".

Marcion le Pontique nie la bonté de ce Dieu qui a créé toutes choses; il ne veut pas qu'il soit père du Christ, qui est bon; il en imagine un autre qui est juste, selon lui; quant au Fils, il ne s'est pas incarné pour nous.

Marcel, Photin, Sophronius prétendent que le Verbe est une " énergie ", et que cette énergie habite dans cet homme qui est né de la race de David, mais que ce n'est pas une substance hypostatique. Arius le reconnaît comme Fils, mais de nom seulement. C'est une créature, dit-il, et bien inférieure au Père. Les autres hérétiques refusent une âme à Jésus-Christ. Voyez -vous tous les chars en ligne? Considérez aussi leur ruine complète; voyez bien comment Paul les choque et les renverse, mais tous, vous dis-je, d'un seul coup, d'un seul élan ! Et comment les a-t-il renversés? " Prenez en vous ", dit-il, " les sentiments de Jésus-Christ, qui étant dans la forme de Dieu a cru, sans usurpation aucune, être l'égal de Dieu ". C'est assez pour briser Paul de Samosate, et Marcel; et Sabellius. Car il le déclare : " Jésus-Christ était dans la forme de Dieu ". S'il était dans cette forme, comment donc, impie, oses-tu dire qu'il a commencé en Marie, et qu'auparavant il n'était pas? Comment encore ne serait-il qu'une (36) " énergie? " Car s'il dit: a Dans la forme de Dieu", il dit aussi: " Dans la forme d'esclave ". L'esclave en bonne forme, n'est-il que l'esclave en énergie, ou l'esclave en nature? Certainement, réponds-tu, l'esclave formel, c'est l'esclave en nature. Donc aussi la forme de Dieu, c'est la nature de Dieu, et non une simple " énergie ". Ainsi succombent Marcelle Galate, Sophronius et Photin.

2. A Sabellius, maintenant. L'apôtre dit " Comme il était dans la forme de Dieu, il n'a pas cru que ce fût une usurpation pour lui, que d'être l'égal de Dieu ". Qui dit égal, dit égal à un autre : l'égalité ne peut se dire d'une personne seule. Vous voyez donc ici la substance, l'hypostase de deux personnes, et non pas de vains noms qui. ne s'appliquent pas à des réalités. Par là même, le Fils unique vous apparaît existant avant tous les siècles. Mais cela suffit contre ces adversaires.

Contre Arius, que dirons-nous? Il fait le Fils d'une autre substance que son Père. — Hérétique, réponds-moi : que veut dire cette proposition : " Il a pris une forme d'esclave? " Il s'est fait homme, me répond-il. Donc aussi, puisqu'il était dans " une forme de Dieu ", il était Dieu; car dans les deux textes se trouve cette expression de " forme ". Si ce mot est vrai dans un cas, il l'est aussi dans l'autre: la forme d'esclave ici, c'est l'homme en sa nature donc aussi la forme de Dieu, c'est Dieu dans sa nature. L'apôtre ne s'en tient pas là ; mais comme Jean l'Évangéliste, il atteste la parfaite égalité de Jésus-Christ avec Dieu, et montre qu'il n'est en rien inférieur au Père " Il n'a pas regardé comme une usurpation d'être l'égal de Dieu".

Toutefois, n'ont-ils pas ici quelque subtilité à nous opposer?Le texte, disent-ils, affirme précisément le contraire, puisqu'il dit: Etant dans la forme de Dieu, il n'a pas voulu être usurpateur de la nature de Dieu. — Mais s'il était Dieu même, comment pouvait-il ravir la nature divine? Se peut-il entendre un langage plus absurde? Dirait-on jamais ceci, par exemple Etant homme, il n'a pas ravi la navire humaine? Quelqu'un pourrait-il ravir ce qu'il est essentiellement?

Vous ne comprenez pas, répondent-ils; entendez ainsi le texte : Le Fils étant un Dieu moindre, n'a pas usurpé l'égalité avec le Dieu grand, avec celui qui est plus grand que lui. — Ainsi, pour vous, il y a un Dieu grand : et un Dieu petit ! Voilà que vous introduisez le paganisme dans l'Église. Chez les païens, en effet, il y a petit et grand Dieu; en est-il de même chez vous? Je l'ignore. Dans les Écritures, du moins, vous ne trouverez nulle part rien de pareil : partout le grand, nulle part un petit. Car dès qu'il est petit, comment est-il Dieu ? S'il n'y a pas, à vrai dire, d'homme petit et d'homme grand, mais une seule nature d'homme; si tout ce qui n'a pas cette nature, n'est pas homme, comment s'est-il trouvé un Dieu grand et un Dieu petit en dehors de la nature divine? Qui est petit, n'est pas Dieu: car partout nos saints livres le proclament grand :"Le Seigneur est grand", dit David, " et dépasse toute louange ". Il le dit du Fils aussi, car partout il l'appelle son Seigneur. — Ailleurs il s'écrie : " Vous êtes grand, vous faites des merveilles, vous êtes le seul Dieu ". Et encore : " Notre Seigneur est grand, grande est sa puissance; sa magnificence est sans limites ". (Ps. XLVII, 1; LXXXV, 10; CXLIII, 3.)

Tout cela se dit du Père, répliquent-ils; le Fils est petit. — Vous le prétendez, vous : mais contre votre dire, l'Écriture affirme du Fils ce qu'elle prononce du Père. Écoutez la parole de Paul : " Nous attendons la bienheureuse espérance, et l'avènement de gloire du Dieu grand ". (Tit. II, 13.) L'avènement ! Est-ce du Père qu'on dit cela? Or, pour vous condamner mieux encore, il a ajouté . L'avènement " du Dieu grand". Cette phrase a-t-elle jamais été dite du Père? Jamais ! Au reste, ce qu'il ajoute ne permet point un tel sens "L'arrivée du Dieu grand et notre Sauveur, Jésus -Christ ". Voilà donc le Fils aussi déclaré grand ! Comment parlez-vous donc de grand et de petit? — Écoutez encore un prophète qui l'appelle : " L'Ange du grand conseil ". Qu'est- ce que l'Ange du grand conseil? N'est-il pas grand lui-même? Celui qui est le " Dieu fort ", ne serait pas grand, mais petit? Comment ces impudents et criminels sectaires osent-ils abuser des mots, jusqu'à dire. Un petit Dieu ? Souvent je rapporte leurs propres termes, pour que vous en ayez horreur. — C'était un petit Dieu, disent-ils; et il n'a pas été jusqu'à usurper le même rang que le grand. — Qu'est ceci? dites-moi; (cependant, n'allez pas croire que ces paroles absurdes soient de moi !) Mais d'après leur opinion, le Fils était petit, et bien inférieur (37) en puissance à son Père : dès lors, comment aurait-il usurpé l'égalité avec Dieu le Père? Une nature inférieure ne peut, quelque usurpation qu'elle fasse, devenir une nature supérieure. Ainsi l'homme ne pourra jamais se faire l'égal de l'ange; le cheval ne pourrait, le voulût-il, arriver à être selon la nature égal à l'homme.

Mais, laissant ce moyen, j'ai une question à vous faire. Par cet exemple de Jésus-Christ, que veut établir saint Paul? Vous me répondrez qu'il veut conduire les Philippiens à l'humilité. Alors, pourquoi nous proposer ce modèle? Dès qu'on veut exhorter à l'humilité, on ne s'exprime pas ainsi. On ne dit pas Soyez humble, n'ayez pas de vous-même des sentiments aussi avantageux que de vos égaux; prenez modèle sur cet esclave; il ne s'est pas révolté contre son maître; imitez-le ! A un tel propos, vous répondriez : Ce n'est pas là un type d'humilité ! Sa révolte serait de l'arrogance! — Or, apprenez, impie, dont l'enflure est diabolique, apprenez ce que c'est qu'humilité:

En quoi consiste l'humilité? A n'avoir que d'humbles sentiments. Or, l'homme humble par nécessité n'a pas pour cela d'humbles sentiments; le vrai humble s'humilie lui-même. Je veux vous éclaircir ce point, appliquez-vous. Si, pouvant avoir des sentiments élevés de soi-même, un homme n'en veut avoir que des idées modestes, il est humble de coeur. Mais quiconque n'a d'humbles pensées que parce- qu'il ne peut en avoir de magnifiques, n'est pas humble très-certainement. Par exemple , que l'empereur se soumette à son sujet, voilà l'humilité de coeur, puisqu'il descend de son rang suprême; que le sujet s'incline devant lui, au contraire, il n'est pas humble pour cela; car il ne s'est pas abaissé d'une plus haute position. Il n'y a vraiment aucune place au sentiment de l'humilité, si vous ne pouvez même pas être humble. Qu'un homme soit rabaissé malgré lui et par nécessité, cette soumission, bonne en elle-même, n'est pas attribuable à ses sentiments, à sa volonté, mais à la nécessité. Or tapeinophrosune, est un mot qui, par lui-même, dit abaissement volontaire de l'esprit.

3. Voudrez-vous, dites-moi, louer pour son amour de la justice , l'homme qui se contient dans les limites de ses propriétés , mais qui n'a aucun moyen de ravir celle d'autrui? Non; et pourquoi ? c'est que la nécessité, l'impossible empêche qu'on ne juge de sa volonté. Dites-moi encore: vanterez-vous, comme tranquille et paisible, le citoyen qui reste dans la vie privée, lorsqu'il ne pourrait aucunement s'emparer d'un pouvoir, d'un trône? Non encore, il n'y a pas place au mérite. Car le mérite, sachez-le, ignorants, ne consiste pas à s'abstenir en pareil cas, mais à pratiquer son devoir. L'abstention ainsi entendue ne mérite pas le blâme, mais n'arrive pas non plus jusqu'à mériter l'éloge. Voyez plutôt comment Jésus-Christ lui-même motive la louange des élus : " Venez, les bénis de mon Père; possédez le royaume qui vous a été préparé dès la création du monde; car j'ai eu faim , et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ". (Matth. XXV, 34,35.) II ne dit pas: Car vous n'avez pas désiré le bien d'autrui; car vous n'avez pas volé; ce serait trop peu de chose; mais: Vous m'avez vu avoir faim, et vous m'avez nourri. — Qui donc a jamais parlé de la sorte de ses amis ou de ses ennemis? Quelqu'un a-t-il jamais loué Paul, mais que dis-je? Paul l Quelqu'un a-t-il jamais fait d'un homme vulgaire, l'éloge que vous, hérétique, vous faites de Jésus-Christ, quand vous dites : II n'a pas usurpé une dignité qui ne lui appartenait pas? — Louer quelqu'un de cette façon, c'est lui donner certificat de malice achevée. Pourquoi? C'est qu'on donne ordinairement aux malfaiteurs des compliments négatifs, tels que celui-ci : " Que ce lui qui volait, ne vole plus désormais ". (Ephes. IV, 28.) On ne parle pas sur ce ton aux honnêtes gens. On ne s'avise pas de louer celui qui n'a pas ravi une dignité qui ne lui appartenait pas: quelle folie serait-ce de le vanter ainsi?

D'ailleurs..... Mais appliquez-vous, je vous prie, mon raisonnement se prolonge... Qui voudrait, surtout de cette manière, exhorter à l'humilité? Un exemple ne doit-il pas toujours être plus grand et plus beau que la chose même, objet de votre exhortation? Ira-t-on jamais le prendre dans une sphère obscure et inférieure ? Non. Voyez plutôt Jésus-Christ exhortant à faire du bien même à ses ennemis; il se sert d'un grand exemple, celui du Père " qui fait lever son soleil sur les bons et " sur les méchants, et tomber sa pluie sur le "juste et sur l'injuste ". (Matth.V, 45.)Veut-il exhorter à la douceur, il se pose en exemple : " Apprenez de moi que je suis doux et (38) humble de coeur " (Jean, XIII, 14) ; et ailleurs : " Si j'ai fait ainsi pour vous, moi votre Seigneur et votre Maître, combien plus devez-vous le faire vous-mêmes? " (Matth. XI, 29.) Voyez-vous quel modèle il choisit? Il ne faut pas en effet qu'un modèle soit inférieur : c'est là une règle que nous gardons nous-mêmes.

Or, dans la question présente, l'exemple, entendu comme les hérétiques, n'approche même pas du terme où il doit nous conduire. Comment cela? C'est que, si vous me proposez un esclave comme modèle, c'est un être inférieur, soumis par droit à un plus grand que lui : je n'y reconnais point d'humilité. C'est le contraire que vous deviez faire; il fallait nous montrer un plus grand obéissant à un plus petit. Mais comme l'apôtre ne trouvait en Dieu rien de semblable, je veux dire, une personne plus grande et une autre moindre, il a établi leur parfaite égalité.

Si le Fils avait été inférieur au Père, son exemple ne valait plus et ne pouvait servir à saint Paul, pour commander l'humilité. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas d'humilité à ne pas attaquer plus grand que soi, à ne pas usurper une dignité, à obéir jusqu'à la mort.

Souvenez-vous, d'ailleurs, d'une recommandation qui accompagne cet exemple. Saint Paul disait tout à l'heure : " Que chacun de vous par esprit d'humilité croie les autres au-dessus de soi ". — " Que chacun croie ", dit-il; en effet, puisqu'à l'égard de la nature vous êtes une même chose, et que la grâce que vous avez reçue de Dieu vous rend tous égaux, l'humilité ne peut plus être que dans les sentiments. Mais quand il parle de plus petits et de plus grands, il ne dit plus : Supposez et croyez; mais : Honorez ceux qui sont au-dessus de vous; c'est sa parole dans un autre passage : " Obéissez à vos supérieurs et soyez-leur soumis ". (Hébr. XIII, 17.) Au cas actuel, saint Paul demande la soumission d'après la nature même des choses; tandis qu'au cas précédent, elle doit venir de notre libre jugement. " Que chacun par un sentiment d'humilité croie les autres au-dessus de soi " :et c'est bien là ce qu'a fait Jésus-Christ lui-même.

Ces réflexions suffisent à renverser le système hérétique. Il nous reste à exposer notre doctrine. Auparavant résumons ici cette controverse: Non, saint Paul, conviant les fidèles à la pratique de l'humilité, n'a pas dû produire en exemple un inférieur obéissant à un supérieur. S'il avait voulu prêcher simplement l'obéissance, celle que des serviteurs doivent à leur maître, à la bonne heure ! Mais lorsqu'il s'agit de conseiller à l'homme libre de s'abaisser devant l'homme libre, que peut faire en pareil cas la soumission de l'esclave à son maître? de l'inférieur envers son supérieur? — Aussi bien n'a-t-il pas dit que le plus petit obéisse au plus grand; mais obéissez-vous les uns aux autres, bien que vous soyez d'égale dignité. " Croyez les autres au-dessus de vous ". Pourquoi n'a-t-il pas cité plutôt l'obéissance imposée à la femme? Ainsi que la femme obéit au mari, aurait-il dit, ainsi vous-mêmes obéissez. S'il n'a pas apporté l'exemple des époux, entre lesquels, après tout, se trouve égalité et liberté; s'il l'a évité, parce qu'il s'y rencontre cependant une certaine dépendance, combien moins aurait-il mis en avant l'exemple de l'esclave ? — Au reste, j'ai commencé par faire remarquer qu'on ne louera personne, qu'on ne voudra pas même citer qui que ce soit, pour le seul mérite de ne pas être un criminel. Pour célébrer, la chasteté d'un homme, on ne dira jamais qu'il ne fut point adultère; on le vantera, par exemple, de n'avoir pas même usé de son épouse. S'abstenir d'actions honteuses ne sera jamais à nos yeux un sujet de gloire; la gloire ici serait ridicule.

J'ai ajouté que " la forme de l'esclave " était vraie, et rien moins que l'esclave lui-même par conséquent que " la forme de Dieu " est parfaite et rien moins que Dieu. Mais pourquoi est-il dit, non pas qu'il a été fait dans la forme de Dieu, mais qu' " il y était? " Cette expression équivaut à celle-ci : " Je suis celui qui suis ". La forme, en tant que forme, annonce identité de nature; il ne se peut que la forme soit la même quand l'essence est différente; que, par exemple, l'homme ait la forme angélique; que la brute ait la forme humaine. Alors, concluez : Qu'est-ce que le Fils?

En nous, il est vrai, en nous qui sommes composés de deux substances, la forme appartient au corps : mais en CELUI qui était parfaitement simple et sans composition, la forme, évidemment, appartient à son essence et la désigne.

Que si, parce que le texte porte " en forme de Dieu (1) ", en morphe Theou, sans article, vous

1. Les ariens prétendaient que le mot Dieu, qui en grec admet l'article " le Dieu " signifiait le Père; mais que, sans l'article, Dieu simplement indiquait le Fils. Le saint les réfute victorieusement.

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prétendez que le Père n'est pas désigné ici, je vous montrerai en maints passages le Père désigné par le mot Dieu sans article. Pourquoi vous annoncé-je d'autres textes; d'abord, celui-ci m'en donne une preuve immédiate : il n'a pas cru être usurpateur, quand il s'est cru l'égal " de Dieu", et non pas " du " Dieu (Theo simplement); il n'a pas mis l'article, bien qu'il parlât du Père. — Volontiers j'ajouterais mes autres citations ; mais je crains de fatiguer vos esprits. Du moins que vos mémoires retiennent ce que nous avons dit pour renverser les systèmes ennemis. Arrachons les épines (du doute et de l'erreur), puis nous sèmerons la bonne semence, après avoir détruit les ronces maudites et rendu à la terre de nos coeurs un champ libre et reposé; il lui faut, en effet, dépouiller toute la végétation vicieuse des doctrines étrangères, pour qu'elle puisse ensuite recevoir avec pleine vertu les divines semences.

4. Rendons grâces à Dieu pour l'instruction que nous venons d'entendre; demandons-lui qu'il nous accorde de la garder et de la retenir, afin que, peuple et prédicateur, en recueillent la joie , et les hérétiques la confusion. Supplions-le qu'il daigne aussi, pour la suite de ce discours, nous ouvrir la bouche, et nous inspirer pour l'instruction des moeurs. Prions-le qu'il nous donne une vie digne de notre foi, afin que, vivant pour sa gloire, nous ne fassions jamais par notre faute blasphémer son saint nom. " Malheur à vous ", est-il écrit, " parce qu'à cause de vous le nom de Dieu est blasphémé ".

Si, lorsque nous avons un fils, (et que pouvons-nous avoir de plus proche qu'un fils?) et que nous sommes, à cause de lui, en butte aux outrages, nous le renions, nous le détestons, nous le rejetons; combien plus voyant des serviteurs ingrats, blasphémateurs et outrageux, Dieu ne devra-t-il pas les rejeter et les haïr? Et devenus les objets de cette aversion, de cette haine de Dieu, qui donc recevra, qui protégera ces misérables? Personne, Satan et les démons exceptés. Et cette proie du démon, quel espoir de délivrance lui reste? Quelle consolation dans sa triste vie?

Tant que nous sommes dans la main de Dieu, nul ne peut nous en arracher, tant elle est puissante. Mais une fois tombés hors de cette main, de cette puissance secourable, nous sommes perdus, exposés en proie à tous les ravisseurs, jetés sous tous les pieds qui voudront nous fouler , pareils à des murs croulants, à une haie renversée. Quand la muraille est faible, chacun facilement lui donne l'assaut ; et ce que je vais dire de Jérusalem, ne s'applique pas seulement à la cité sainte, mais, sachez-le, à tout homme. Or, qu'est-il écrit de Jérusalem ?

"Je chanterai au peuple que j'aime le cantique que mon bien-aimé a composé pour sa vigne. — Mon bien-aimé avait une vigne sur une colline, dans un lieu fertile. — Je l'ai close, je l'ai environnée d'un fossé, et j'ai planté un cep de Sorech ; j'ai bâti une tour au milieu, j'y ai construit un pressoir, et j'ai attendu qu'elle me produisît des raisins, et elle n'a produit que des épines. — Maintenant donc, vous, habitants de Jérusalem , et vous, hommes de. Juda, soyez juges entre moi et ma vigne. — Qu'ai-je dû faire de plus à ma vigne, et que je n'aie point fait? Car j'ai attendu qu'elle produisît du raisin; elle n'a produit que des épines. — Maintenant donc je vous montrerai ce que je veux faire à ma vigne. J'en arracherai la haie, et elle sera exposée au pillage; j'en détruirai la muraille, et elle sera foulée aux pieds. — Et j'abandonnerai ma vigne; elle ne sera plus taillée ni labourée; les épines y monteront, comme dans une terre inculte, et je commanderai aux nuées de ne plus lui épancher leurs ondes. — La vigne du Seigneur des armées,. c'est la maison d'Israël, c'est l'homme de Juda, autrefois son plant choisi. — J'ai attendu qu'ils fissent des actions de droiture, ils n'ont en faute que l'iniquité; et au lieu de la justice que j'attendais, j'entends la clameur qui les accuse ". (Isaïe, V, 1-7.)

Toute âme trouve ici sa leçon. Car lorsque le Dieu de toute bonté a comblé la mesure de ses bienfaits ; et que l'âme, au lieu de raisin, a produit les épines, Dieu arrache la haie, détruit le mur, et nous sommes en proie aux ravisseurs. Ecoutez comment et avec quelle douleur un autre prophète a dépeint cet état : " Pourquoi, mon Dieu, avez-vous détruit sa muraille? Pourquoi est-elle ravagée par tous les passants du chemin? Le sanglier de la forêt l'a dévastée; toute bête sauvage y a pris sa pâture ". (Ps. LXXIIX, 13, 14.) Sans doute, il parle plus haut du Mède et du Babylonien ; mais ici il ne le (40) désigne même pas. Ce sanglier, cette bête solitaire et sauvage, c'est le démon et ses puissances infernales. " Solitaire et sauvage sanglier " désigne et dépeint son impureté et sa férocité. Pour donner une image de ses instincts rapaces, les saints livres le comparent au " lion qui rôde en rugissant, cherchant qui il pourra dévorer". (I Pierre, V, 8.) Pour nous signaler ses poisons dangereux et mortels, ils l'appellent serpent et scorpion. " Foulez aux pieds ", est-il dit, " les serpents, les scorpions, et toute la puissance de l'ennemi ". (Luc, X,19.) Pour nous faire comprendre à la fois son poison et sa force , ils le nomment dragon ; ainsi dans ce passage : " Le dragon que vous avez fait pour s'y jouer". (Ps. CIII, 26.) Au reste, dragon, serpent, aspic, sont des noms que l'Ecriture lui donne partout; comme à une bête tortueuse, d'aspects variés et de force redoutable, qui agite, trouble, bouleverse toutes choses dans les hauteurs comme dans les abîmes.

Toutefois ne craignez pas, ne perdez pas courage; veillez seulement, et il ne sera plus qu'un faible passereau. " Foulez aux pieds ", a dit le Seigneur, "les serpents et les scorpions ". Lui-même, si nous le voulons, le jettera sous nos pieds comme une vile poussière.

5. Mais qu'il est ridicule, ou plutôt qu'il est malheureux de voir qu'un être destiné à ramper sous nos pieds, plane en vainqueur sur nos têtes ! Et comment cela se fait-il? Par notre faute ! Il grandit, si nous -voulons; et si nous voulons, il se rapetisse. Soyons bien à nos intérêts, serrons-nous autour de notre Roi : dès lors, il s'amoindrit, et n'a pas plus de pouvoir contre nous qu'un petit enfant. Mais si nous nous éloignons de notre Roi suprême, il se redresse, il frémit, il aiguise ses dents homicides, parce qu'il nous trouve privés de ce puissant auxiliaire. Il n'attaque , en effet, que dans la mesure que Dieu permet. S'il n'osait, par exemple , envahir un troupeau de pourceaux, avant que le Seigneur ne lui en eût donné permission , bien moins le ferait-il sur les âmes humaines. Dieu permet ses attaques, d'ailleurs, ou pour instruire, ou pour punir, ou même pour glorifier davantage ses élus. Voyez-vous, par exemple, que loin de provoquer Job, le démon n'osait même approcher de lui, qu'il le craignait, qu'il tremblait ?

Mais que parlé-je de Job? Judas, Judas lui-même ne devint la proie du démon et son entière conquête; que quand Notre-Seigneur eut retranché ce traître du collège sacré des apôtres. Jusque-là Satan le tentait au dehors, et n'osait faire irruption jusque dans son âme. Mais dès qu'il le vit retranché du saint bercail, il l'attaqua plus furieusement qu'un loup ne ferait jamais , et il ne lâcha cette proie qu'après lui avoir donné une double mort.

Ce douloureux chapitre a été, du reste, écrit pour notre instruction. Ne demandez pas ce que nous avons gagné à savoir que Jésus-Christ ait été trahi par l'un des douze intimes quel est ici notre profit , quel est notre avantage? Il est grand, vous répondrai-je. Si nous comprenons bien le motif, qui détermina ce perfide à un pareil complot, nous veillerons à ne pas nous laisser entraîner par une cause semblable.

Comment donc Judas en vint-il à se perdre? Par avarice. Il était voleur, et cette maladie le rendit fou au point de lui faire livrer Notre-Seigneur pour trente pièces d'argent. Quelle plus honteuse folie ! rien au monde n'égalait, rien ne pouvait valoir l'objet sacré de cette trahison; et " Celui " devant qui les nations sont comptées comme un néant, il le livre pour trente pièces d'argent! Tant est lourde la tyrannie de l'avarice, tant elle est capable de dégrader une âme! L'ivresse même produit clans l'âme un délire moins grand que l'avarice. La folie, l'idiotisme frappent moins fort que la passion de l'argent. Car, dis-moi , aveugle apôtre, quelle raison a déterminé ta perfidie ? Obscur et inconnu, tu fus, par le Seigneur, appelé, placé même au rang des douze; il te communiqua sa doctrine, il te promit des biens inappréciables, il te fit produire des miracles même; sa table, ses voyages, sa conversation, il partageait tout avec toi, comme avec tes collègues de l'apostolat. Tant de bienfaits ne suffirent donc pas à t'arrêter ? Quel si grand mobile alors te rendit traître? Avais-tu, scélérat, le moindre sujet de plainte; ou plutôt de quels biens ne t'avait-il pas accablé? Connaissant ton infâme dessein , il ne cesse de te donner tout ce qu'il a. Souvent il répète : " Un de vous me trahira" (Matth. XXVI, 21); souvent il te désigne, en t'épargnant toujours; il sait ce que tu es, et ne te chasse pas du sacré collège. Il te supporte encore, et comme si tu étais toujours un membre légitime de ce corps (41) vénérable, un des douze intimes, il t'honore, il te chérit. Enfin, ô crime, tu le vois ceint d'un linge, et de ses pures mains lavant tes pieds impurs; rien ne t'arrête; tu continues à voler le bien des pauvres ; et le Seigneur le supporte encore pour t'empêcher de faire le dernier pas; mais rien ne peut changer ta détermination. Et pourtant, quand tu serais une bête féroce, une pierre même, tant de bienfaits reçus, tant de miracles opérés, cette doctrine sublime de l'Evangile enfin, ne devait-elle pas te fléchir? Hélas! jusque dans cette dégradation bestiale , le Seigneur te poursuit de ses appels; malgré cette pétrification de ton coeur plus dur que les rochers, ses oeuvres merveilleuses t'invitent au retour: mais en vain. tout cela ne peut amender Judas.

Peut-être, mes frères, cet excès de folie dans un traître vous étonne; ah! que sa plaie honteuse vous fasse trembler! La cupidité, D'amour de l'argent l'a fait ce que vous voyez. Arrachez de vos coeurs cette passion, qui enfante de telles maladies de l'âme, qui fait les impies, qui nous conduirait, même après mille bienfaits de la bonté de Dieu, à le méconnaître et à le renier. Arrachez cette passion, je vous en supplie; ce n'est pas une maladie légère; elle sait produire mille morts très-cruelles. Nous avons vu le mal de Judas craignons d'y succomber nous-mêmes. Son histoire a été écrite pour nous préserver de tels malheurs ; tous les évangélistes l'ont racontée, pour nous apprendre le désintéressement. Fuyez donc, et de loin, le vice contraire : l'avarice se reconnaît non-seulement dans le désir de beaucoup d'argent, mais dans le simple désir de l'argent. C'est déjà avarice grave, que de demander au-delà du besoin. Sont-ce des talents d'or qui ont poussé Judas à la trahison? Trente deniers lui ont suffi pour livrer le Seigneur. Ne vous souvient-il plus de ce que j'ai dit déjà, que le désir exagéré de l'argent se manifeste non pas seulement en acceptant une somme considérable, mais plus encore en recevant une somme chétive? Voyez quel grand crime commet Judas pour un peu d'or ! que dis-je pour un peu d'or, pour quelques pièces d'argent !

6. Non, non, jamais l'avare ne contemplera Jésus-Christ face à face; c'est là, je le répète, une impossibilité. L'avarice est la racine de tous les péchés. Que. s'il suffit d'un seul, pour perdre la gloire éternelle, où donc sera placé celui qui apportera, au jugement de Dieu, la racine de tous les péchés? Le serviteur de l'argent ne peut être le vrai serviteur de Jésus-Christ. C'est lui-même qui a proclamé cette incompatibilité absolue. " Vous ne pouvez ", a-t-il dit, " servir Dieu et Mammon "; et encore : " Nul ne peut servir deux maîtres " (Matth. VI, 24), car leurs volontés sont contraires. Jésus-Christ vous dit : Pitié pour les pauvres! Mammon reprend : Prenez ce qu'ils possèdent. Jésus-Christ : Donnez-leur ce que vous avez ! Mammon : Ravissez même ce qu'ils ont. Voyez-vous le combat? Voyez-vous la guerre? Faut-il vous montrer comment personne ne peut servir ces deux maîtres, mais comment l'un des deux sera nécessairement méprisé? N'est-ce pas là une vérité d'une clarté qui n'a pas besoin de commentaire Comment ? c'est qu'en fait nous voyons Jésus-Christ méprisé et Mammon en honneur ! Sentez-vous déjà l'amertume de ces paroles? Et si les paroles sont amères , que ne sont pas les faits eux-mêmes? mais la maladie qui nous travaille, nous empêche de sentir la gravité des faits. Dès que nous commencerons à nous dégager des étreintes de cette passion, notre esprit jugera sainement des choses. Mais une fois sous l'empire de cette fièvre de l'or, notre âme se complaît dans son mal, perd absolument la faculté de juger, et voit se corrompre le tribunal même de sa conscience. Jésus-Christ prononce: " Si quelqu'un ne renonce pas à tout ce qu'il possède, il ne peut être mon disciple ". (Luc, XIV, 33.) Mammon réplique : Arrache le pain à l'indigent. Jésus-Christ Habillez sa nudité ! Mammon : Volez-lui jusqu'à ses haillons. Jésus-Christ : Ne méprisez pas votre propre sang et ceux de votre maison. Mammon : Pour ton sang et ta maison, point de pitié; quand ce serait un père, quand ce serait une mère, méprise-les. Et que parlé-je de père et de mère ? Sacrifie, je le veux, jusqu'à ton âme. Il commande, on l'écoute. Hélas! hélas ! ce maître qui vous impose des lois si cruelles, si inhumaines, si sauvages, nous trouve obéissants, plutôt que Celui dont le joug est léger et les commandements si salutaires. De là, l'enfer; de là, le feu; de là ce fleuve de flammes et ce ver qui ronge éternellement.

Je le sais : beaucoup ici ne sont point charmés de nous voir traiter ce sujet menaçant; mais moi-même, c'est malgré moi que j'y touche : (42) qu'ai-je, enfin, à y gagner? Ah ! bien mieux aimerais-je à vous entretenir continuellement des biens du royaume céleste, de ce repos, de ces ondes qui désaltèrent pleinement, de ces pâturages verdoyants et joyeux, comme les appelle le prophète : " Il m'a élevé auprès des eaux rafraîchissantes, il m'a placé au milieu de gras pâturages ". (Ps. XXII, 2.) Oui, j'aimerais à vous parler de ce lieu, d'où sont bannis la douleur, le deuil, les chagrins. J'aimerais à. raconter le bonheur qu'on goûte dans un séjour avec Jésus-Christ, bien qu'il dépasse tout langage et même toute pensée. J'aimerais néanmoins à user toutes mes forces sur cet éternel et délicieux sujet, mais que ferais-je alors? Car il n'est pas possible de parler de royaume à un malade brûlé par la fièvre. Tant que dure son périlleux état , il faut traiter de sa guérison; tant que la peine et le châtiment le menacent, il messiérait de lui parler de gloire. On n'a qu'un but, en ce cas; c'est de le sauver de la peine, du supplice; si nous n'atteignons ce premier résultat, comment espérer l'autre? Continuellement donc je vous entretiens du mal à redouter, pour vous faire arriver au bien que vous désirez. Car si Dieu lui-même nous a menacés de l'enfer, c'est pour que personne ne tombe en enfer; c'est pour que tous nous arrivions à la couronne. Ainsi nous-mêmes nous ne cessons pas de vous parler d'enfer, pour vous relever jusqu'à l'espoir d'un trône, pour fléchir d'abord vos coeurs sous la crainte et les décider à pratiquer ce qui fait mériter la palme.

Veuillez donc supporter sans chagrin le poids de nos paroles. Ce poids de ma parole aura l'avantage d'alléger vos âmes du fardeau de leurs péchés. Le fer, aussi, les marteaux ont du poids; et cependant on fabrique avec eux les vases d'or et d'argent; on redresse les objets tors; si les outils étaient moins lourds, ils deviendraient impuissants à redresser un corps tordu. Ainsi le poids de nos reproches peut façonner vos âmes au bien. Ne cherchez donc pas à éviter ni leur pesanteur, ni leurs coups salutaires; on ne vous blesse jamais pour briser et déchirer vos âmes, mais pour les corriger.Nous savons, en effet, grâce à Dieu, dans quelle mesure il faut frapper , et quelle doit être l'intensité de nos coups, afin que, sales jamais briser le 'vase, ils puissent le guérir, le restaurer, le remettre en état de servir au divin Maître; de telle sorte que la réparation le présente avec un nouveau lustre, avec une forme et une ciselure irréprochable, au grand jour où doit couler le fleuve de feu , et qu'il ne devienne pas la pâture du bûcher que l'éternité entretiendra.

Si vous ne passez ici-bas par le feu de la parole , vous passerez infailliblement dans l'autre vie par le feu de l'enfer, puisque " le jour du Seigneur se révèlera par le feu ". (I Cor. III, 13.) Mieux vaut qu'un instant notre parole vous brûle, que la; flamme dont parle ici l'apôtre. Cet avenir éternel, en effet, est d'une certitude absolue; souvent je l'ai prouvé par des raisons sans réplique; les saintes Ecritures suffiraient pour vous en donner la pleine conviction. Mais plusieurs étant portés à la discussion, nous y avons ajouté maints raisonnements. Rien n'empêche que maintenant même nous ne les apportions encore. — Qu'avions-nous dit? Dieu est juste, nous l'avouons; gentils et juifs, hérétiques et chrétiens. Or, bien, des pécheurs sortent de ce monde sans être punis; bien des hommes de vie vertueuse en sont sortis de leur côté après avoir subi mille calamités. Donc, si Dieu est juste, en quel lieu donnera-t-il aux uns la récompense, aux autres le supplice, s'il n'y a pas d'enfer, s'il n'y a pas de résurrection? Ce raisonnement, répétez-le toujours aux autres et à vous-mêmes; il ne vous laissera pas un doute sur la résurrection. Or, quand on croit à la résurrection, sans ombre de doute, on apporte tous les soins, toute l'attention possible à mettre son âme en état de gagner les biens éternels. Puissions-nous tous y parvenir, par la grâce et bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, en l'unité du Père et du Saint-Esprit, la gloire, l'empire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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