SAINT JOHN CHRYSOSTOM

Monday 13 September 2010

LES BEATITUDES




LES BEATITUDES

EXPLANATION BY SAINT JEAN CHRYSOSTOM
http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_evangile_saint_matthieu_0.html
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/frame.html
http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-10/npnf1-10-21.htm#P1331_455240
http://www.newadvent.org/fathers/200115.htm


TEXTS
Matthew 4:23-5:16 (New King James Version)
http://www.biblegateway.com/passage/?search=Matt%204:23-5:16&version=NKJV
Matthieu 4:23-5:16 (Louis Segond)
http://www.biblegateway.com/passage/?search=Matt%204:23-5:16&version=LSG

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Matthew 4:23-5:16 (New King James Version)
http://www.biblegateway.com/passage/?search=Matt%204:23-5:16&version=NKJV


Jesus Heals a Great Multitude

23 And Jesus went about all Galilee, teaching in their synagogues, preaching the gospel of the kingdom, and healing all kinds of sickness and all kinds of disease among the people. 24 Then His fame went throughout all Syria; and they brought to Him all sick people who were afflicted with various diseases and torments, and those who were demon-possessed, epileptics, and paralytics; and He healed them. 25 Great multitudes followed Him—from Galilee, and from Decapolis, Jerusalem, Judea, and beyond the Jordan.
Matthew 5
The Beatitudes
1 And seeing the multitudes, He went up on a mountain, and when He was seated His disciples came to Him. 2 Then He opened His mouth and taught them, saying:
3 “ Blessed are the poor in spirit,
For theirs is the kingdom of heaven.
4 Blessed are those who mourn,
For they shall be comforted.
5 Blessed are the meek,
For they shall inherit the earth.
6 Blessed are those who hunger and thirst for righteousness,
For they shall be filled.
7 Blessed are the merciful,
For they shall obtain mercy.
8 Blessed are the pure in heart,
For they shall see God.
9 Blessed are the peacemakers,
For they shall be called sons of God.
10 Blessed are those who are persecuted for righteousness’ sake,
For theirs is the kingdom of heaven.
11 “Blessed are you when they revile and persecute you, and say all kinds of evil against you falsely for My sake. 12 Rejoice and be exceedingly glad, for great is your reward in heaven, for so they persecuted the prophets who were before you.
Believers Are Salt and Light

13 “You are the salt of the earth; but if the salt loses its flavor, how shall it be seasoned? It is then good for nothing but to be thrown out and trampled underfoot by men.
14 “You are the light of the world. A city that is set on a hill cannot be hidden. 15 Nor do they light a lamp and put it under a basket, but on a lampstand, and it gives light to all who are in the house. 16 Let your light so shine before men, that they may see your good works and glorify your Father in heaven.









Matthieu 4:23-5:16 (Louis Segond)
http://www.biblegateway.com/passage/?search=Matt%204:23-5:16&version=LSG

23Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.
24Sa renommée se répandit dans toute la Syrie, et on lui amenait tous ceux qui souffraient de maladies et de douleurs de divers genres, des démoniaques, des lunatiques, des paralytiques; et il les guérissait.
25Une grande foule le suivit, de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et d'au delà du Jourdain.

Matthieu 5
1Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne; et, après qu'il se fut assis, ses disciples s'approchèrent de lui.
2Puis, ayant ouvert la bouche, il les enseigna, et dit:
3Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux!
4Heureux les affligés, car ils seront consolés!
5Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre!
6Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés!
7Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde!
8Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu!
9Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu!
10Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux!
11Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi.
12Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous.
13Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes.
14Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée;
15et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.
16Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.


EXPLANATION
http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_evangile_saint_matthieu_0.html
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/frame.html
http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-10/npnf1-10-21.htm#P1331_455240
http://www.newadvent.org/fathers/200115.htm

BY SAINT JOHN CHRYSOSTOM

1

http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_evangile_saint_matthieu_0.html



EXTRAIT DE L’HOMELIE XIV
" Et Jésus allait par toute la Gaulée enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l’Evangile du royaume, et guérissant toutes sortes de maladies et de langueurs parmi le peuple (23). " Aussitôt que Jésus-Christ eut pris ses disciples il commença à faire des miracles en leur présence, pour autoriser ce que saint Jean avait dit de lui. Il entrait souvent dans les synagogues pour montrer aux Juifs qu’il n’était point un séducteur ni un ennemi de Dieu, mais qu’il n’était venu en ce monde que pour suivre l’ordre et le dessein de son Père. Il ne se contentait pas de prêcher dans les synagogues, mais de plus il faisait des miracles.
3. Car, règle générale, lorsque Dieu veut faire quelque chose d’extraordinaire, et introduire dans le monde quelque établissement nouveau, il a coutume de faire des miracles, afin qu’ils soient comme un gage et une preuve de sa puissance à ceux qui doivent recevoir ses lois. Ainsi, veut-il faire l’homme, il commence par créer l’univers, et ce n’est qu’ensuite qu’il impose à l’homme la loi qu’il lui a donnée dans le paradis. De même, avant que d’imposer aucun commandement à Noé, il opère ce grand prodige par lequel il a renouvelé le monde en l’inondant durant un an sous les eaux d’un effroyable déluge, et conservé ce juste dans le naufrage de tout l’univers. C’est ainsi encore qu’il fait plusieurs miracles en faveur d’Abraham, par exemple cette grande victoire qu’il lui fit remporter sur les cinq rois; cette plaie dont il frappa Pharaon pour sauver Sara; et cette protection par laquelle il l’a tiré de tant de périls. Quand il a voulu aussi se rendre le législateur et le conducteur des Juifs, il leur a fait voir auparavant des prodiges et des miracles extraordinaires; et ce n’est qu’ensuite qu’il leur a donné sa loi. C’est pour se conformer à la même conduite, que, sur le point de publier la loi sublime de l’Evangile, et d’introduire une forme de vie toute nouvelle et inconnue à tous les hommes, il l’autorise par avance par de grands miracles : comme le royaume éternel qu’il annonçait était invisible, il voulait en établir la vérité par des miracles visibles.
Mais admirez, je vous prie, la divine brièveté de l’évangéliste, et comme, sans raconter chaque guérison en particulier, il nous fait voir en un mot une foule et comme une nuée de miracles! " Et sa réputation s’étant répandue par toute la Syrie, ils lui présentèrent, tous ceux qui étaient malades, et qui étaient diversement affligés de maux et de douleurs, les possédés, les lunatiques, et les paralytiques, et il les guérit (24). " Vous me demanderez peut-être pourquoi Jésus-Christ n’obligeait point ces malades qu’il guérissait de croire en lui. Car il ne leur dit point ici ce qu’il dit ensuite presque à tous les autres " Croyez-vous que je vous puisse guérir? " Il ne le fait pas encore parce qu’il n’avait pas donné de marques de sa puissance. Ce n’était pas d’ailleurs une médiocre preuve de leur foi, que de venir ainsi s’adresser à lui et de lui apporter de loin leurs malades. L’eussent-ils fait s’ils n’avaient eu une grande idée de sa puissance?
" Et une grande multitude de peuple le suivit de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et d’au delà le Jourdain (23). " Suivons aussi nous-mêmes Jésus-Christ, mes frères. Car nous ne sommes pas moins malades dans l’âme que ces peuples l’étaient dans le corps : et ce sont nos langueurs spirituelles que Jésus-Christ désire principalement de guérir, puisqu’il ne guérit les corps qu’afin de passer ensuite à la guérison des âmes; Approchons-nous donc de lui pour lui demander, non des choses temporelles, mais le pardon de nos fautes. Et il nous le donnera sans doute si nous le lui demandons avec instance.
La réputation de Jésus-Christ n’était alors répandue que dans la Syrie; et elle l’est maintenant par toute la terre. La seule vue de la guérison de quelques possédés faisait courir après lui les hommes de toutes parts; et vous, après avoir vu de bien plus grands effets de sa puissance, vous ne vous mettez pas même en état de venir à lui? Ces peuples quittaient leurs pays, leurs amis et leurs proches pour le suivre; et vous ne voulez pas quitter même , votre maison pour aller le trouver, et pour recevoir de lui beaucoup plus que vous n’aviez quitté. Mais nous ne vous obligeons pas même à cela, quittez seulement vos mauvaises habitudes, et en demeurant chez vous avec votre famille, vous ne laisserez pas de vous sauver.
Hélas! quand nous sentons quelque maladie dans notre corps, nous faisons tout, nous souffrons tout, nous dépensons tout, pour nous eu (108) délivrer, et lorsque notre âme est dans une langueur mortelle, nous hésitons et nous différons toujours? C’est pourquoi nous ne sommes pas même guéris de nos maladies corporelles : c’est parce que nous tenons pour superflues les choses nécessaires, et pour nécessaires les superflues. Nous entretenons la source des maux qui nous accablent, et nous voulons en purifier les ruisseaux. Car les maux du corps sont souvent la peine des maux de l’âme. Nous le voyons assez par ce paralytique de trente-huit ans; et par cet autre qu’on descendit du toit pour le présenter devant Jésus-Christ. Nous le voyons encore dès le commencement du monde, par ce que l’Ecriture dit de Caïn; et en un mot, il y a mille preuves de cette vérité.
Pensons donc premièrement à tarir la source du mal, et après cela nous en tarirons les ruisseaux, qui sont les maladies corporelles. La paralysie n’est pas la seule langueur que nous devions craindre; le péché en est une autre bien plus grande, et qui surpasse autant cette première, que l’âme, est plus noble que le corps. Approchons-nous, mes frères, de Jésus-Christ, aussi bien que ces peuples, et conjurons-le qu’il fasse cesser la paralysie de nos âmes. Bannissons toutes les pensées d’ici-bas, et n’estimons que les choses spirituelles.
Que si vous ne pouvez quitter tout à fait les soins de cette vie, ne vous y appliquez au moins qu’après avoir pensé à votre salut. Ne négligez pas vos fautes, parce que vous n’êtes aiguillonnés d’aucun remords lorsque vous les faites. Gémissez au contraire de ce que vous ressentez si peu de douleur de vos péchés. La cause de cette insensibilité ne vient pas de ce que le péché n’a rien qui pique et qui blesse, mais de ce que votre coeur est assez endurci pour n’en point sentir la plaie. Pour bien comprendre ce que je vous dis, considérez ceux qui sont touchés de la douleur de leurs fautes. N’est-il pas vrai qu’ils jettent souvent de plus grands cris que ceux même que l’on coupe et que l’on brûle? Que ne font-ils point, que ne souffrent-ils point pour se délivrer des remords de leur conscience? Comment pourraient-ils agir de la sorte, si leur âme n’était percée de douleur?
4. Ainsi le premier bonheur de l’homme est de ne point pécher, mais le second est de sentir au moins et de pleurer son péché. Si ce sentiment nous manque, comment prierons-nous Dieu de nous pardonner, dans l’insensibilité où nous sommes ? Lorsque vous, qui avez péché, vous ne vous mettez pas seulement en peine de savoir si vous avez péché, comment pourrez-vous implorer la miséricorde de Dieu? Le prierez-vous de vous pardonner des péchés que vous ne connaissez pas? Et dans cette ignorance comment pourrez-vous être touché de la grandeur de ses bienfaits? Considérez donc en vous-même quels sont vos péchés, afin de savoir au moins ce que Dieu vous pardonne et de n’être pas ingrat envers votre bienfaiteur.
Lorsque vous avez offensé un homme qui a du pouvoir et du crédit, vous priez ses amis et ses proches, vous gagnez les bonnes grâces de ses domestiques, vous leur donnez beaucoup, vous employez plusieurs jours à redoubler vos prières. Quand celui que vous avez offensé vous rejetterait une ou deux, ou même mille fois, vous ne vous rebutez pas et vous renouvelez au contraire vos importunités et vos instantes prières.
Nous agissons de la sorte pour apaiser un homme, et lorsque nous avons irrité Dieu contre nous, nous continuons à notre ordinaire à passer le temps dans les divertissements, dans les délices, dans la bonne chère, et nous ne changeons rien à notre genre de vie accoutumé. Est-ce là le moyen de nous le rendre favorable?Et ne l’irritons-nous pas plutôt encore davantage contre nous? Cette insensibilité que nous témoignons après avoir péché, l’offense sans comparaison davantage que le péché même. Nous devrions nous enfouir sous terre, ne plus oser ni regarder le soleil, ni respirer, nous qui, ayant un si bon Maître, osons l’irriter, et qui n’avons même aucun regret des offenses par lesquelles nous l’irritons.
La bonté de Dieu est si grande, que lors même qu’il se met en colère contre nous, bien loin de nous haïr, il ne le fait que pour nous attirer à lui par ses menaces. Lorsque vous l’outragez par vos crimes, s’il continuait de vous témoigner de l’amour, ne vous porteriez-vous pas à le mépriser de plus en plus? Pour éviter donc un si grand mal, il vous témoigne de l’aversion pour un peu de temps, afin de vous sauver pour jamais.
Ayons confiance en sa miséricorde et témoignons par nos actions que nous nous appliquons sérieusement à la pénitence; avant que d’être surpris par ce jour effroyable, où tous (109) nos regrets seront inutiles. Car maintenant tout dépend encore de vous; mais alors votre arrêt sera irrévocable, et il ne dépendra plus que de votre Juge : " Prévenons sa face, " comme dit l’Ecriture, " en confessant nos péchés. Pleurons et soupirons en sa présence. "(Ps. XCIV, 6.) Si nous sommes assez heureux pour fléchir notre Juge et le porter à nous pardonner avant qu’il prononce la sentence, nous n’aurons plus besoin ensuite d’intercesseur auprès de lui, comme au contraire si nous négligeons cet avis, il nous fera paraître un jour en présence de toute la terre, il examinera toutes nos fautes aux yeux de toute la terre, et il ne nous restera plus alors aucune espérance de pardon. Si nous ne nous guérissons maintenant de nos péchés, nous ne pourrons pas éviter alors d’en être punis.
Comme nous voyons que ceux qu’on tire ici des prisons sont présentés tout enchaînés devant le Juge ; ainsi les âmes sortant de ce monde paraîtront chargées des chaînes de leurs péchés devant ce redoutable tribunal. Car dans la vérité cette vie n’est point différente d’une prison. Et comme, lorsque nous entrons dans ces tristes lieux, nous voyons de tous côtés des personnes chargées de chaînes; de même si nous retirions notre esprit des apparences du dehors pour sonder les âmes des hommes, et pour en pénétrer les replis, nous les verrions chargées de chaînes beaucoup plus pesantes et plus dures que le fer. Les riches sont dans ce malheur encore plus que les autres. Car plus ils ont de biens, plus ils ont de chaînes.
Que si vous ne pouvez voir sans compassion un prisonnier qui a le cou et les mains et souvent même les pieds chargés de fers ; de même quand vous voyez-un homme dans l’abondance de toutes sortes de biens, plaignez son état et ne l’en estimez pas plus riche, mais plus malheureux. Car non-seulement il est chargé de liens, mais il a un geôlier dans sa prison qui le garde sans cesse et qui l’empêche d’en sortir, l’amour des richesses. C’est cet amour qui le charge de mille chaînes, qui multiplie ses gardes; qui ferme sur lui porte sur porte et serrure sur serrure, et qui le renfermant dans une prison encore plus noire et plus intérieure, lui fait trouver sa joie et ses délices dans ses liens même, afin qu’il ne lui reste plus aucune espérance de se délivrer de tous ces maux.
Que si vous voulez pénétrer encore plus avant dans l’âme de ce riche, vous verrez que non-seulement elle est liée de toutes parts, mais qu’elle est affreuse, horrible à voir et toute pleine de vers. Car les délices de cette vie ne sont pas moins pernicieuses que ces animaux. Elle le sont même encore davantage, puisqu’elles corrompent en même temps le corps et l’âme, et qu’elles causent à l’un et à l’autre une infinité de maux.
C’est pourquoi, mes frères, conjurons le libérateur de nos âmes, de rompre nos liens et d’éloigner de nous ce tyran si cruel, afin que nous ayant dégagés de ces pesantes chaînes, il donne des ailes à notre âme pour élever à lui toutes nos pensées. Mais offrons-lui nos prières et joignons-y tout ce qui dépend de nous, zèle et bonne volonté. C’est ainsi que nous pourrons nous délivrer en peu de temps des maux qui nous assiégent, que nous reconnaîtrons enfin dans quel triste état nous avons été, et que nous jouirons de cette liberté divine où je prie Dieu de nous établir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, avec le Père et le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.





HOMÉLIE XV
" JÉSUS VOYANT TOUT CE PEUPLE, MONTA SUR UNE MONTAGNE, ET S’ETANT ASSIS, SES DISCIPLES S’APPROCHERENT DE LUI. " (CHAP. V, 1, JUSQU’AU VERSET 17.)
ANALYSE
1. L’orateur réfute les Manichéens – Ce que le Christ dit à ses disciples, il le dit à tout l’univers.
2. et 3. Qu’il y a plusieurs sortes d’humilité. – De la consolation qui vient de Dieu, sa vertu.
4. 5. et 6. De la justice prise dans le sens général de la vertu. – Le Fils est égal au Père.- Vous êtes le sel de la terre.
7. Quelle gloire Jésus-Christ ose promettre dans l’avenir à ces pêcheurs, inconnus en leur pays durant leur vie.
8. Qu’une grande perdu ne peut rester cachée. - Egalité du Père avec le Fils.
9. et 10. Que tout cède à la vertu après qu’elle a cédé à la violence. – Comme on doit aimer et assister les pauvres.- Qu’on doit séparer ceux qu’on voit se battre dans les rues; et que si on était tué en le faisant on serait martyr.


1. Considérez je vous prie, mes frères, combien Jésus-Christ méprisait l’honneur et la vaine gloire. Il ne mène point ces multitudes avec lui dans ses voyages. Lorsqu’ils ont besoin de son assistance dans leurs maux, il va lui-même parcourir leurs villes et leurs provinces. Mais lorsqu’il les voit venir en foule après lui, il demeure dans un même lieu; et non dans une place publique, mais sur une montagne et dans un désert. Il nous apprend par cet exemple à ne rien faire par vanité, et à nous retirer du bruit et du tumulte du monde, principalement lorsque nous voulons nous appliquer à la contemplation de la Vérité, et nous entretenir des choses saintes et éternelles.
" Jésus voyant tout ce peuple, monta sur une montagne, et s’étant assis, ses disciples s’approchèrent de lui (l). " Voyez-vous leur progrès dans la vertu? Voyez-vous comme ils sont devenus tout à coup meilleurs? Plusieurs d’entre ce peuple désiraient de voir ses miracles, mais pour eux ils souhaitaient de lui entendre dire des vérités grandes et élevées. C’est ce qui excita le Sauveur à leur faire ce long discours. Car il ne guérissait pas seulement les corps, mais encore les âmes et, après les soins donnés à celles-ci, il revenait à ceux-là. Il diversifiait ainsi les grâces Qu’il répandait sur les hommes, et il mêlait à la prédication de sa parole les guérisons miraculeuses des corps pour fermer la bouche à l’insolence des hérétiques et pour montrer, par le soin qu’il témoignait de l’une et l’autre de ces deux substances qui composent l’homme, qu’il était le créateur de l’une et de l’autre. C’est la raison pour laquelle sa providence partageait si souvent ses grâces tantôt au corps et tantôt à l’âme, comme il le témoigne même en cet endroit.
" Et ouvrant sa bouche, il les enseignait (2). " Pourquoi l’Evangile marque-t-il cette circonstance, " et ouvrant sa bouche " ? C’est pour nous apprendre que Jésus-Christ n’instruisait pas seulement les hommes par ses paroles, mais par son silence. Il les enseignait quelque fois en leur parlant, et il leur parlait aussi quelquefoispar la voix de ses œuvres, et par l’exemple de sa sainte vie. Mais, parce qu’il est dit que Jésus-Christ enseignait ses apôtres, il ne faut pas croire qu’il ne parlât qu’à eux seuls. II enseignait en eux généralement tous les hommes. Comme cette foule était composée de gens du peuple, âmes grossières et rampantes, le Sauveur , plaçant devant lui le chœur de ses disciples, leur adresse à eux directement ses discours, mais en leur parlant il n’oublie pas cette multitude qui avait un extrême besoin de sa parole; seulement il fait en sorte que l’enseignement de la divine sagesse soit pour elle sans fatigue. C’est ce que saint Luc fait entendre lorsqu’il dit que Jésus-Christ adressa son discours à ses apôtres; et saint Matthieu marque la même chose en disant que " ses disciples s’approchèrent de lui, et qu’il " les enseignait. " C’était un meilleur moyen pour exciter leur attention que s’il se fût adressé à tous.
Mais que leur dit-il d’abord, et quels sont les fondements de la nouvelle doctrine? Ecoutons attentivement ces divins oracles. S’ils ont (111) été dits alors pour ceux qui étaient présents, ils ont été écrits pour tous ceux qui devaient venir dans la suite. C’est pourquoi, bien que Jésus-Christ s’adresse à ses disciples, il ne détermine pas néanmoins ce qu’il dit à leurs seules personnes, mais parlant d’une manière indéterminée, il propose en général ces béatitudes pour tout le monde. Il ne dit pas: Vous êtes bienheureux si vous êtes pauvres: mais il dit en général : " Bienheureux sont les pauvres! "
Quand même Jésus-Christ aurait appliqué ces béatitudes à ses disciples en particulier, elles n’auraient pas laissé de regarder tous les hommes. Ainsi lorsqu’il a dit: " Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle, " il ne l’a pas dit seulement à ses apôtres, mais il l’a dit en leurs personnes à toute la terre. De même en leur disant qu’ils seront heureux lorsqu’ils seront persécutés, tourmentés et affligés d’une infinité de maux; il ne le dit pas seulement pour !es apôtres, non, c’est pour tous ceux qui auront triomphé des mêmes épreuves qu’il tresse la couronne de gloire. Pour vous montrer encore plus clairement que tout ce que dit ici le Sauveur, vous regarde vous-mêmes, et généralement tous les hommes qui voudront lui obéir, écoutez de quelle manière il commence cet admirable discours.
" Bienheureux, dit-il, les pauvres d’esprit; parce que le royaume du ciel est à eux (3). " Qui sont ceux qu’il appelle " pauvres d’esprit "? Ce sont les humbles et ceux qui ont le coeur contrit. Car par le mot d’esprit, il entend le coeur et la volonté. Comme il y en a beaucoup qui sont humiliés non par leur volonté, mais seulement par la nécessité de leur état, il ne les comprend point dans cette béatitude, puisque l’involontaire ne saurait être méritoire, et il ne l’étend que sur ceux qui s’abaissent et s’humilient volontairement. C’est à ceux-là qu’il donne le premier rang entre tous ceux qu’il appelle heureux.
Mais pourquoi Jésus-Christ ne dit-il pas bienheureux les humbles d’esprit, mais " bienheureux les pauvres d’esprit " ? C’est parce que ce mot de pauvres, dit beaucoup (Le mot pauvres ne traduit que très imparfaitement le grec (ptokos) qui signifie étymologiquement (ptoso) craintif, timide, tremblant, et par extension chétif, misérable, pauvre. C’est au sens étymologique que saint Chrysostome s’attache ici, de sorte que selon lui l’expression (oi ptoxoi to pneumati) veut dire ceux qui ont l’esprit, la conscience timide, tremblante.) plus que celui d’humbles. Car il entend ici cette sorte de personnes qui sont tout abattues devant Dieu, et qui écoutent avec frayeur tout ce qu’il leur dit. Ce sont ces personnes que Dieu regarde favorablement, comme il dit lui-même par le prophète Isaïe : " Sur qui jetterai-je les yeux, sinon sur celui qui est humble et paisible, et qui tremble à la moindre de mes paroles? " (lsaïe, LXVI, 2.)
2. L’humilité a plusieurs degrés. Les uns ne sont que médiocrement humbles; les autres le sont parfaitement. David loue cette humilité parfaite, qui ne consiste pas seulement dans un abaissement, mais dans un entier brisement de coeur, lorsqu’il dit : " Le sacrifice agréable à Dieu, est un esprit abattu d’affliction et de repentir, ô Dieu, vous ne mépriserez point un coeur contrit et humilié. "(Ps. L, 19.) C’est cette humilité que les trois enfants de là fournaise offrirent à Dieu comme un grand sacrifice, lorsqu’ils lui dirent: " Recevez-nous, Seigneur, dans un esprit contrit, et dans un coeur humilié. " (Dan. III, 39.)
C’est à cette humilité que Jésus-Christ donne le premier rang dans ses béatitudes, parce que ce déluge de maux qui inonde toute la terre n’a point d’autre source que l’orgueil. Le diable n’était pas tel d’abord : c’est par l’orgueil qu’il est devenu le diable. Saint Paul l’assure lorsqu’il dit d’un néophyte: " De peur que s’élevant d’orgueil il ne tombe dans la même condamnation que le démon. " (1 Tim. III, 6) C’est ainsi que le premier homme, pour s’être laissé enfler par les orgueilleuses espérances que le démon lui avait fait concevoir, tomba dans le précipice, et devint sujet à la mort. En s’imaginant qu’il deviendrait Dieu, il perdit l’état qu’il possédait. Dieu même lui reprocha sa folie, et lui dit en lui insultant: " Voilà Adam devenu comme l’un de nous. " (Gen. III, 22.) Cet ange orgueilleux fait tomber depuis tous les ambitieux dans la même impiété, en les abusant de l’illusion qu’ils deviendront semblables à Dieu.
Comme donc l’orgueil était, pour ainsi dire, le mal culminant de l’homme, et la racine et la source de tous les péchés du monde, Jésus-Christ, pour le guérir par un remède contraire,
établit d’abord cette loi d’humilité , comme le fondement inébranlable de l’édifice qu’il veut bâtir. (112) Quand ce fondement sera posé, celui qui bâtit pourra sans crainte élever le reste de l’édifice; mais s’il vient à manquer, quand l’édifice monterait jusqu’au ciel, il faut nécessairement qu’il se renverse et qu’il tombe en ruine. Jeûne, prière, oeuvres de miséricorde, chasteté, réunissez toutes les vertus, si vous exceptez l’humilité, tout vous échappe, tout périt.
Le pharisien de l’Evangile est une preuve de ce que je dis. Après s’être déjà élevé jusqu’au plus haut degré de la vertu, il tomba et il perdit tout, parce qu’il n’avait point en lui cette mère de tous les biens. Car comme l’orgueil est la source de toute malice, l’humilité est le principe de toute sagesse. C’est pourquoi Jésus-Christ commence par elle ce discours, afin d’arracher de nos coeurs jusqu’aux moindres racines de la vanité.
Mais d’où vient, me direz-vous, qu’il parle de l’humilité à ses disciples qui étaient dans un état si humble ? Quel sujet avaient-ils de s’élever, étant pêcheurs, pauvres, grossiers, et méprisables? Je vous réponds que si Jésus-Christ ne disait pas ces paroles pour ses disciples, il les disait pour les autres qui étaient présents, et pour tous ceux qui devaient écouter un jour ses apôtres, afin que personne ne méprisât leur humilité. Mais plutôt, c’était aussi pour ses disciples qu’il disait ces choses. Car en admettant qu’ils n’eussent pas besoin alors de cette instruction, elle leur était néanmoins bien nécessaire pour l’avenir, lorsqu’ils feraient tant de prodiges et de miracles, qu’ils seraient si honorés de toute la terre, et qu’ils auraient tant de crédit et de confiance auprès de Dieu. Ni les richesses, ni la puissance, ni même la royauté ne seraient en état d’enfler le coeur autant que .toutes les grâces qui furent dans la suite accordées aux apôtres. Et avant même que de faire des miracles, n’avaient-ils pas dès lors quelque sujet de s’élever en voyant cette multitude de peuple, et ce concours de monde qui venait écouter leur Maître? Ne pouvaient-ils pas ressentir déjà quelque effet de la fragilité humaine? C’est pourquoi Jésus-Christ commence d’abord par les porter à l’humilité.
Il ne prend pas la forme de l’exhortation, ni le ton impératif pour introduire sa révélation, il la propose sous forme de béatitude, manière plus attrayante de présenter sa parole et d’ouvrir à tous le stade de la doctrine. Il ne dit pas en particulier: Celui-ci, ou celui-là; mais généralement tous ceux qui feront ce que je dis, seront bienheureux: quand vous seriez misérable, pauvre, esclave, étranger, ignorant, rien ne vous empêchera d’être heureux si vous êtes humble.
Ayant donc commencé par où il convenait surtout de le faire, il passe à une autre béatitude qui semble opposée au sentiment naturel de tous les hommes. Car au lieu que tout le monde appelle heureux ceux qui se divertissent et qui se réjouissent, et malheureux ceux qui sont dans l’affliction, dans la pauvreté et dans les larmes, Jésus-Christ déclare au contraire que ceux-ci sont heureux et les autres malheureux. " Bienheureux, dit-il, ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés (4)." Le monde, au contraire, ne trouve rien de plus malheureux. Aussi avait-il commencé par faire des miracles afin d’acquérir l’autorité qui lui était nécessaire pour porter ces lois.
Il n’appelle pas heureux généralement tous ceux qui pleurent, mais ceux qui pleurent pour leurs péchés. Car les larmes que l’on répand pour le siècle et la vie présente, non-seulement ne sont pas heureuses, mais elles nous sont même interdites comme dangereuses et mortelles, selon cette parole de saint Paul : " La tristesse de ce monde produit la mort, mais la tristesse qui est selon Dieu produit une pénitence stable pour le salut. "
C’est cette sorte de tristesse que Jésus-Christ appelle heureuse, et il ne marque pas seulement une tristesse commune, mais une profonde tristesse et qui aille jusqu’aux pleurs, lorsqu’il dit: " Heureux, non pas ceux qui sont tristes, mais ceux qui pleurent. " Ce précepte, mes frères, nous mène au comble de la vertu et de la sagesse chrétienne. Car si ceux qui pleurent la mort d’un fils, d’une femme ou d’un de leurs proches, ne sont agités d’aucune passion durant tout le temps de leur douleur, s’ils n’ont alors aucun mouvement ni d’avarice, ni d’impureté, ni d’orgueil, ni d’envie, ni de vengeance, ni d’aucun autre vice semblable, parce qu’ils sont tout entiers livrés à leur tristesse; combien ceux qui pleurent leurs péchés avec un regret sincère se montreront-ils plus dégagés de toutes les passions de l’âme? Mais quelle sera leur récompense? dit le Sauveur.
" Parce qu’ils sont consolés, " dit le Sauveur. Dites-nous donc où ils recevront cette consolation? Sera-ce en ce monde ou en l’autre? Ce sera dans tous les deux. Comme cette obligation de pleurer pouvait paraître dure et (113) fâcheuse, Jésus-Christ l’adoucit par la promesse qui était la plus propre pour en ôter toute l’amertume. Si vous voulez donc être consolé, pleurez. Et ne pensez point que ceci soit une énigme. Quand vous seriez accablé d’un déluge d’afflictions, si Dieu vous console lui-même, vous vous trouverez au-dessus de tous vos maux.
Dieu donne toujours à nos travaux de plus grandes récompenses qu’ils ne méritent. Cette promesse qu’il fait ici en est une preuve. Quand il appelle heureux ceux qui pleurent, ce bonheur n’est point un bonheur proportionné au mérite de celui qui le reçoit, mais à la bonté de Dieu qui le donne. Ces personnes qui pleurent, pleurent leurs péchés, et elles seraient déjà trop bien récompensées de leurs larmes, si elles pouvaient apaiser la colère de Dieu et recevoir de lui le pardon de tous leurs crimes. Mais comme l’amour de Dieu envers nous n’a point de bornes, il ne le termine pas à nous pardonner nos péchés ou à nous délivrer des peines qu’ils méritaient, mais de plus il nous rend heureux et nous comble de ses consolations divines.
Jésus-Christ ne nous commande pas de pleurer seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux de nos frères. C’est la disposition où ont été toutes les âmes saintes, comme Moïse, David et saint Paul. Tous ces hommes ont souvent versé des larmes pour les péchés que les autres avaient commis.
" Heureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre (5). " Quelle est cette terre qu’ils posséderont? Ce n’est pas, comme disent quelques-uns, une terre intelligible et spirituelle, puisque nous ne trouvons point que l’Ecriture ait jamais parlé d’une terre de cette sorte. Que devons-nous donc entendre par cette terre? Premièrement il promet une récompense sensible, comme saint Paul a dit:
" Honorez votre père et votre mère, afin que vous viviez longtemps sur la terre. " (Ephés. VI, 2.) Et comme Jésus-Christ même dit au bon larron: "Vous serez aujourd’hui avec moi dans le paradis. " (Luc, XXIII, 43.) Jésus-Christ ne promet pas seulement les biens à venir, mais encore les biens présents pour condescendre aux personnes plus grossières, qui souhaitent d’être heureuses dans ce monde, avant que de l’être dans l’autre. C’est dans ce même esprit qu’il dit un peu après: "Accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire;" et qu’il ajoute ensuite: "de peur qu’il ne vous livre au juge et le juge au ministre de la justice. " (Ibid. 25.) Il menace non pas d’une peine future, mais d’un supplice présent; comme il fait encore lorsqu’il dit: " Quiconque dira à son frère, Raca, méritera d’être condamné par le conseil. " (lb. 22.).
C’est ainsi que saint Paul promet souvent des récompenses sensibles, comme il tâche aussi de nous détourner du péché par des peines présentes. Par exemple, lorsqu’il traite de la virginité, et qu’il y invite ses auditeurs, il ne leur dit rien encore des biens du ciel, mais il prend ses motifs dans la vie présente: " Je crois, " dit-il, " qu’il est avantageux à l’homme de ne se point marier, à cause des fâcheuses nécessités de la vie présente. " (I Cor. VII, 26.) Et ensuite: "Les personnes mariées sentiront dans la chair des afflictions et des maux. Or je voudrais vous les épargner. " (Ibid. 28.) Et au- même endroit : " Je désire vous voir dégagés de soins et d’inquiétudes. " (Ibid. 32.) Jésus-Christ mêle de même ici les considérations temporelles aux éternelles. Et comme l’homme doux passe d’ordinaire pour laisser perdre ses biens, le Seigneur promet au contraire qu’il les possédera plus sûrement que l’homme violent et orgueilleux, lequel perdra souvent son patrimoine et jusqu’à son âme. D’ailleurs comme le Prophète avait dit dans l’Ancien Testament que " les doux hériteraient de la terre, " Jésus-Christ fait, entrer dans le tissu da son discours ces paroles familières aux. Juifs, pour ne pas paraître leur tenir un langage trop nouveau. Toutefois Jésus-Christ, en promettant la terre, ne termine pas là ses récompenses, mais il y joint celles de l’autre vie. Lorsqu’il promet des biens spirituels, il ne nous ôte pas les temporels; et d’un autre côté lorsqu’il promet les biens de ce monde, il ne s’en tient jamais là, mais il complète toujours sa promesse par les biens futurs : " Cherchez premièrement le royaume de Dieu, " dit-il, " et toutes ces choses vous seront données par surcroît. "(Matth. VI, 33.) Et ailleurs: " Quiconque abandonnera pour moi sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs ou son père, ou sa mère, ou sa " femme, ou ses enfants, ou ses terres, en recevra cent fois autant, et aura pour héritage la vie éternelle. " (Matth. XIX, 29.)
4. " Heureux ceux qui ont faim et soit de la " justice, parce qu’ils, seront rassasiés (6)." Quelle est cette justice dont il parle? C’est ou (114) cette vertu en général, ou seulement celle de ses parties qui est la plus opposée à l’avarice. Comme il va recommander l’aumône et la miséricorde, il montre par avance comment on doit la pratiquer, c’est-à-dire, non de ses larcins ou de ses rapines; c’est ce qu’il fait entendre en appelant heureux ceux qui aiment la justice. Mais remarquez, avec quelle énergie d’expression il parle de cet amour. Il ne dit pas simplement: Heureux ceux qui gardent la justice; mais " heureux ceux qui ont faim, et qui ont soif de la justice, " afin que nous la pratiquions non pas froidement, mais avec toute l’ardeur possible. Comme c’est le propre de l’avarice d’être ardente à amasser du bien, et qu’on a d’ordinaire moins de passion pour le boire et pour le manger, que les avares n’en ont pour augmenter leurs richesses; Jésus-Christ veut que nous transportions cette ardeur à la pratique de la vertu opposée à l’avarice. Il nous propose encore ici une récompense sensible, " parce qu’ils seront rassasiés. "
Parce qu’on croit d’ordinaire que l’avarice enrichit les hommes, il montre au contraire que c’est la justice qui procure ce bienfait. Ne craignez donc plus la pauvreté ni la faim; lorsque vous pratiquerez la justice. Ce sont principalement ceux qui ravissent le bien des autres, qui perdent eux-mêmes ce qu’ils ont, comme au contraire celui qui aime la justice possède son bien en toute sûreté. Que si ceux qui ne prennent point le bien d’autrui, doivent jouir un jour d’une si grande abondance, quel sera le bonheur de ceux qui renoncent à tout ce qu’ils possédaient sur la terre ?
" Heureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’on leur fera miséricorde (7). " Ici Jésus-Christ parle, selon moi, de tous ceux qui pratiquent la miséricorde non-seulement par le moyen des richesses, mais encore par toutes sortes de bonnes œuvres. Il y a plusieurs manières d’exercer la miséricorde, et ce commandement est d’une très grande étendue. Quelle doit en être donc la récompense? " Parce, " dit-il, " qu’ils recevront miséricorde. " Il semble d’abord que cette récompense ne soit qu’égale au bien qu’on aura fait; mais elle est infiniment plus grande. Les hommes exercent la miséricorde en hommes mais Dieu leur fera miséricorde en Dieu. Il y a bien de la différence entre la compassion d’un homme, et celle d’un Dieu: et elles sont aussi éloignées l’une de l’autre, que la malice l’est de la bonté.
" Heureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu (8). " Remarquez que cette récompense est toute spirituelle. Ceux-là selon Jésus-Christ, ont le coeur pur, qui ont une vertu générale et universelle, et qui ne se sentent coupables de rien, ou qui possèdent la chasteté dans un degré éminent. Car il, n’y a point de vertu qui nous soit plus nécessaire pour mériter de voir Dieu. Ce qui fait dire à saint Paul: " Tâchez d’avoir la paix avec tout le monde, et de conserver la pureté sans la quelle personne ne verra Dieu. " (Hébr. XI, 14) Cette vue de Dieu qu’il promet, doit s’entendre de celle dont les hommes sont capables.
Ce commandement était nécessaire. Plusieurs sont assez charitables, s’abstiennent de la rapine, ne connaissent pas l’avarice, mais ils se livrent à l’impureté et à la fornication; or cela ne peut suffire, et c’est pour le montrer que Jésus-Christ ajoute ensuite ce précepte. Saint Paul enseigne la même chose dans son épître aux Corinthiens lorsqu’il rend aux Macédoniens le témoignage qu’ils s’étaient enrichis non-seulement par l’aumône, mais par toute sorte de vertus. Car après avoir parlé de la libéralité avec laquelle ils avaient secouru les pauvres de leur argent, il ajoute aussi qu’ils s’étaient donnés au Seigneur. Car parlant de la libéralité avec laquelle ils avaient secouru les pauvres, il dit: Qu’ils s’étaient donnés premièrement eux-mêmes à Dieu.
" Heureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu (9). " Jésus-Christ par ces paroles, non seulement nous défend les discussions et les haines ; il exige quelque chose de plus, il veut que nous travaillions à réconcilier entre eux ceux qui sont divisés. Il promet encore ici une récompense spirituelle " Ils seront," dit-il, "appelés enfants de Dieu; " ça a été en effet l’oeuvre propre du Fils unique de Dieu, de réunir ce qui était divisé, et de réconcilier ceux qui étaient ennemis. Mais afin que 1’on ne croie pas qu’il n’existe point d’autre bien que la paix, il ajoute ensuite: " Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume du ciel est à eux (10). " Ceux qui souffrent " pour la justice, " c’est-à-dire, pour la vertu; pour la piété, et pour la défense du prochain, car il entend d’ordinaire par ce mot " de (115) justice, " la réunion de toutes les vertus.
" Vous serez bienheureux , lorsque les hommes vous diront des paroles outrageuses, qu’ils vous persécuteront, et qu’à cause de moi, ils publieront faussement toute sorte de mal contre vous (11). Réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie, parce qu’une grande récompense vous est réservée dans les cieux (12). " Quand les hommes, dit-il, vous appelleraient séducteurs, imposteurs, ou n’importe quoi, " vous êtes bienheureux. " Qu’y a-t-il de plus nouveau que cette loi, qui appelle des biens ce que tout le monde fuit comme des maux, la pauvreté, les larmes, les persécutions, et les médisances? Cependant Jésus a persuadé cette doctrine, non à un, non à deux, non à dix, à vingt, à cent, à mille personnes, mais généralement à toute la terre. Ce peuple qui entendait ces vérités si nouvelles, si surprenantes, et si dures, ne laissait pas d’en être frappé, tant était grande la majesté de Celui qui les publiait.
5. Ne croyez pas néanmoins qu’il suffise simplement d’être en butte à la médisance pour mériter d’être proclamés bienheureux ; le Seigneur ajoute deux conditions nécessaires, la première que les injures soient souffertes pour lui, la seconde qu’elles soient fausses. Sans ces deux conditions, on devient non pas bienheureux , mais très-malheureux de subir les médisances des hommes.
Considérez encore la récompense qu’il attache à cette béatitude ; " parce qu’une grande récompense, " dit-il, " vous est réservée dans les cieux. " Pour vous, quoique vous ne voyiez pas toutes les béatitudes se terminer par la promesse du royaume des cieux, ne vous découragez pas pour cela; car bien qu’elles diffèrent par les noms, ces récompenses se réduisent cependant tontes en effet au seul royaume des cieux. Lorsque Jésus-Christ dit que ceux qui pleurent seront consolés, que les miséricordieux recevront miséricorde, que ceux qui ont le coeur pur verront Dieu, et que les hommes de paix seront appelés les enfants de Dieu, c’est toujours le royaume du ciel qu’il désigne par toutes ces béatitudes différentes, puisque ceux qui les recevront jouiront indubitablement de ce royaume. Ne croyez donc pas qu’il ne soit que pour les pauvres d’esprit; il est pour ceux qui ont faim et soif de la justice; il est pour les doux, il est pour toue les autres sans exception. Telle est la récompense qu’il promet généralement à tous, afin que vous ne vous promettiez rien de terrestre ou de sensible. Car vous ne pourriez pas être " heureux, " si vous n’aviez qu’une récompense périssable, qui passerait avec cette vie, et s’enfuirait plus vite qu’une ombre. Mais après avoir dit, "une grande récompense vous est réservée dans les cieux, " il ajoute aussitôt cette autre consolation:
" Car c’est ainsi qu’ils ont persécuté les prophètes qui ont été avant vous (12)." Comme le royaume des cieux qu’il leur promet, était un bonheur qui n’était encore qu’en espérance , il les console par avance, en leur montrant l’union et la conformité qu’ils ont avec les prophètes, qui ont souffert avant eux ces traitements si injustes. Ne croyez pas, leur dit-il, que vous soyez ainsi persécutés par les hommes, parce que vous leur enseignerez des choses dangereuses et mauvaises ; ni qu’ils vous traitent de la sorte, parce que vous serez les auteurs de quelques dogmes faux et erronez. Ces mauvais traitements ne viendront pas de la mauvaise doctrine que vous publierez, mais de la mauvaise vie de ceux qui vous écouteront. Ces calomnies ne tomberont pas sur vous qui les souffrirez, mais sur. ceux qui vous les feront souffrir. Tous les siècles passés en sont témoins. Quand ils ont si maltraité les prophètes, qu’ils les ont bannis, qu’ils les ont lapidés, et qu’ils leur ont fait souffrir tant de maux: ils l’ont fait par une fureur injuste, et non point pour avoir découvert en eux quelque sentiment impie et contraire à la loi de Dieu. Ne vous troublez donc point de ces violences. Le même esprit qui animait leurs pères les animera encore.
Considérez comme il relève le courage de ses disciples en les rapprochant de Moïse et d’Elie , et les mettant sur le même rang. C’est ce que saint Paul fait en écrivant aux Thessaloniciens : " Vous êtes devenus les imitateurs des églises de Dieu, qui ont embrassé la foi de Jésus-Christ dans la Judée, puisque vous avez souffert les mêmes persécutions de vos concitoyens que ces églises ont souffertes de la part des Juifs, qui ont tué même le Seigneur Jésus, et leurs propres prophètes ; qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes. " (I Thess. II, 14.) Telle est donc la pensée de Jésus-Christ. Dans les autres béatitudes il disait en général: " Heureux sont les pauvres ; heureux (116) sont les miséricordieux; " mais ici il détermine les personnes, et s’adressant spécialement à ses disciples, il leur dit : " Vous êtes bienheureux lorsque les hommes vous diront des paroles outrageuses, et qu’ils publieront toute sorte de mal de vous; " pour montrer que ce serait là particulièrement leur partage, et que les prédicateurs de l’Evangile devaient s’y attendre plus que tous les autres.
Il laisse encore entrevoir dans ces paroles sa grandeur et son égalité avec son père. Les prophètes, semble-t-il dire, ont souffert ces traitements à cause de mon Père; vous les souffrirez, vous autres, à cause de moi; et lorsqu’il dit: " Les prophètes qui ont été avant vous, " il montre qu’ils sont eux-mêmes devenus prophètes. Puis, pour leur faire comprendre que rien n’était pour eux plus utile ni plus glorieux que la persécution, il ne leur dit pas: Les hommes voudront mal parler de vous; ils voudront vous persécuter; mais je m’opposerai à eux, et je les empêcherai de le faire. Il veut que ses apôtres se mettent au-dessus de toute la malignité des hommes, non en n’étant point exposés à leurs médisances, mais en les souffrant avec courage, et en en faisant voir la fausseté par l’innocence et la sainteté de leur vie. Car l’un est bien plus glorieux que l’autre; car être frappé et ne pas ressentir les coups c’est bien plus que de n’être point frappé. C’est pour ce sujet que Jésus-Christ dit: " Car une grande récompense vous est réservée dans les cieux. "
Mais saint Luc nous apprend que Jésus-Christ s’est plus étendu en cet endroit, et a dit des choses qui peuvent nous consoler davantage. Car il ne dit pas seulement: bienheureux ceux qui souffrent l’injure à cause de Dieu, mais il dit encore malheur à ceux dont tout le monde dira du bien. " Malheur à vous, " dit-il, " lorsque tous les hommes diront du bien de vous." (Luc VI,,26.) Cependant les hommes bénissaient les apôtres; mais non pas " tous. " C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas: " Malheur à vous lorsque les hommes, " mais, lorsque " tous les hommes diront du bien de vous. " Car il est impossible que ceux qui sont véritablement vertueux soient loués de tous les hommes.
Jésus-Christ ajoute ensuite " Lorsqu’ils rejetteront votre nom comme mauvais, réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie. " (Luc VI, 22) Il leur promet de les récompenser, non-seulement pour les périls et les mauvais traitements auxquels ils auront été exposés pour lui, mais encore pour les médisances et les calomnies qu’on aura publiées contre eux. C’est pourquoi il ne dit pas: Lorsqu’ils vous persécuteront et qu’ils vous tueront; mais " lorsqu’ils publieront faussement toute sorte de mal de vous." Car il y a quelque chose dans les calomnies, qui pénètre plus avant dans nos coeurs, que ne font souvent les mauvais traitements même. Dans les dangers, nombre de consolations adoucissent la peine; c’est par exemple, la voix publique qui encourage l’athlète, qui l’applaudit, le couronne, et proclame son triomphe. Mais dans la calomnie nous perdons même toutes ces consolations. On ne se figure pas que c’est la plus poignante persécution; on s’imagine qu’il ne faut qu’une vertu médiocre pour la supporter avec patience, quoiqu’on en ait vu recourir au fatal lacet pour se soustraire au supplice d’une mauvaise réputation. Et pourquoi s’étonner qu’il en soit ainsi chez les autres hommes, quand on voit un Judas, ce traître, ce déhonté, ce scélérat qui s’était fait un front à ne plus rougir de rien, céder lui-même à l’infamie et se pendre plutôt que de la supporter plus longtemps.
6. Et Job, ce coeur de diamant, cet homme plus ferme que le roc, lorsqu’il fut dépouillé de ses biens, frappé de calamités intolérables et privé de tous ses enfants, lorsqu’il vit les vers sourdre de son corps et qu’il entendit sa femme l’accabler de reproches, il supporta tout cela avec facilité; mais lorsqu’il vit ses amis parler mal de lui, et croire qu’il ne souffrait ces malheurs que pour ses péchés, il ne put s’empêcher de se troubler alors, et son grand coeur se sentit ébranlé de cette injure. David aussi oublie toutes ses autres souffrances, et prie Dieu seulement de se souvenir de la douceur avec laquelle il souffrit un médisant : " Laissez-le, " dit-il alors, " qu’il me maudisse, parce que le Seigneur lui en a donné l’ordre, afin qu’il voie l’affliction où je suis réduit, et qu’il me récompense un jour de ces calomnies que je souffre. " Saint Paul ne loue pas seulement les saints pour avoir souffert des maux ou la perte de leurs biens, mais encore pour avoir enduré des injures et des outrages. " Rappelez, " dit-il, en " votre mémoire ce premier temps, auquel, après avoir été illuminés, vous avez soutenu de grands combats, dans les afflictions (117) que l’on vous a fait souffrir, ayant été d’une part exposés devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements. ".
C’est pour cette raison que Jésus-Christ propose dans cette béatitude une grande récompense à ceux qui sont éprouvés de cette manière. Et comme pour empêcher qu’on ne lui dise : Quoi, vous ne défendrez pas vos apôtres de ces outrages! vous ne confondrez pas ces calomniateurs, et vous ne leur fermerez pas la bouche, en récompensant dès ce monde vos fidèles serviteurs! Il parle aussitôt des prophètes, pour nous faire souvenir qu’en leur temps même, Dieu ne s’est point vengé dès cette vie de ceux qui les déshonoraient par leurs médisances. Si donc lorsque Dieu récompensait les hommes par les biens présents, il n’encourageait néanmoins ses plus fidèles amis qu’en leur promettant les biens à venir, combien était-il plus juste que Jésus-Christ traitât de même les apôtres, puisqu’il les appelait à des espérances beaucoup plus grandes, et à une vertu beaucoup plus parfaite?
Mais considérez de combien de préceptes celui-ci est précédé; et ce n’est pas sans raison que Jésus-Christ a suivi cet ordre, il l’a fait pour nous montrer qu’à moins de s’être exercé longtemps, et fortifié dans toutes les autres béatitudes qui précèdent, nul ne peut demeurer ferme et invincible dans ces grands combats. Ainsi il se sert de la première comme d’un degré pour passer à la seconde, et ainsi de suite, et de la sorte c’est comme une admirable chaîne d’or qu’il nous a tissée. Car l’humble de coeur pleurera nécessairement ses péchés. Celui qui pleure ses péchés, sera, comme par une suite nécessaire, doux, juste et miséricordieux. Celui qu’il possédera la douceur, la justice et la miséricorde aura le coeur pur. Celui qui aura ce coeur pur sera sans doute un homme de paix, et celui qui possédera toutes ces vertus ne craindra point les périls; il ne se troublera point de la calomnie et conservera la patience dans les plus grands maux.
Après que Jésus-Christ a convenablement exhorté ses apôtres, il semble qu’il veuille les consoler par les louanges qu’il leur donne. Comme les préceptes qu’il venait de leur donner étaient assez relevés et infiniment au-dessus de l’ancienne loi, pour les empêcher de s’en étonner ou de s’en troubler, et de dire Comment pourrons-nous faire de si grandes choses? considérez ce qu’il leur dit: " Vous êtes le sel de la terre (13). " Il leur montre par là la nécessité où il est de leur donner ces préceptes. Ce n’est pas pour vous en particulier, leur dit-il, que je vous donne ces instructions, c’est pour le salut de toute la terre. Car je ne vous envoie pas comme autrefois les prophètes, à une ville ou à un peuple particulier, mais à la terre, à la mer, mais au monde tout entier, monde de corruption et de vice. Lorsqu’il leur dit : " Vous êtes le sel de la terre, " il montre que toute la nature des hommes était comme affadie et corrompue par le péché. C’est pourquoi il exige principalement de ses apôtres les vertus et les qualités qui leur étaient nécessaires pour toucher et pour convertir les hommes. Car lorsqu’un homme est doux, humble, charitable et juste, il ne renferme pas ces excellentes vertus en lui, mais elles sont comme des sources divines qui coulent et qui se répandent sur les autres. Celui de même qui a le cœur pur, qui est pacifique, et qui souffre persécution pour la vérité, sacrifie sa vie pour le bien de tous. Ne croyez donc point, mes apôtres, que je vous prépare de légers combats, et que ce soit sans raison que je vous appelle " le sel de la terre. " Quoi donc! ils ont corrigé ce qui était gâté? Non, ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Le sel ne remédie pas à la pourriture. Les apôtres n’ont point fait cela. Mais lorsque la grâce de Dieu avait renouvelé les coeurs, et qu’après les avoir délivrés de leur corruption, il les mettait comme en dépôt entre les mains des apôtres, c’était alors qu’ils montraient véritablement qu’ils étaient " le sel de la terre, " en les conservant dans cette nouvelle vie qu’ils avaient reçue de Dieu. Il n’appartient qu’à Jésus-Christ de délivrer les hommes de la corruption du péché, mais c’est aux apôtres ensuite à employer tous leurs soins pour les empêcher de retomber dans ce même état. Remarquez, je vous prie, comment Jésus-Christ met ses apôtres au-dessus des prophètes. Car il ne les appelle pas seulement les docteurs de la Judée, mais les maîtres " de toute la terre, " et des maîtres sévères et terribles. Ce qu’il y a d’admirable, c’est que sans flatter, sans s’occuper de plaire, mais en piquant et en brûlant, à la manière du sel, ils se sont ainsi fait aimer de tous les hommes.
Ne vous étonnez donc pas, semble-t-il leur dire, que je quitte les autres, pour m’adresser (118) particulièrement à vous, et que je vous exhorte à vous disposer à tarit de périls. Considérez combien de villes et combien de peuples vous devez instruire. Vous ne devez pas seulement être sages; mais vous devez entendre aussi les autres imitateurs de votre sagesse. Qu’ils doivent être prudents, ceux de qui dépend le salut des autres! Il leur faut une vertu surabondante afin de pouvoir la répandre sur les autres hommes. Si vous n’avez pas assez de vertu pour en communiquer aux autres, vous n’en aurez pas assez pour vous-mêmes.
7. Ne vous plaignez donc pas que ce que je demande de vous soit trop difficile. Car vous êtes " le sel, de la terre, " et je guérirai par vous la corruption des autres. Mais si vous perdez votre vigueur et votre force, vous vous perdrez vous-mêmes et les autres avec vous. Nus les choses dont je vous commets te soin sont importantes, plus vous devez y apporter d’application et de vigilance; c’est pourquoi il ajoute : " Que si le sel devient fade, avec quoi le salerait-on? Il n’est plus bon à rien, qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds des hommes (13)." Quand les autres tomberaient dans mille fautes, ils peuvent-en obtenir le pardon, mais si le maître même devient coupable, rien ne peut l’excuser, et on punira sa faute avec une rigueur extrême. De peur que les apôtres, en entendant dire que le monde les injurierait, qu’il les persécuterait et qu’il dirait d’eux tout le mal possible, ne fussent intimidés de ces prédictions et qu’ils ne craignissent de se produire en public, il leur déclare que s’ils ne sont prêts à souffrir ces traitements, c’est en vain qu’il les a choisis.
Vous ne devez pas craindre, leur dit-il, d’être calomniés par les hommes, mais de devenir lâches et flatteurs, parce qu’alors vous seriez "un sel fade que le monde foulerait aux pieds." Mais si vous conservez toute votre âpreté contre la corruption, et qu’ensuite on dise du mal de vous, réjouissez-vous alors; car c’est là l’effet du sel, de piquer les plaies et de causer une douleur cuisante. Les malédictions des hommes vous suivront inévitablement; mais, bien loin de vous faire aucun mal, elles ne serviront qu’à rendre témoignage à votre invincible fermeté. Que si la crainte des calomnies vous fait perdre la vigueur qui vous convient, vous tomberez dans un état pire que celui que vous voulez éviter, et vous serez méprisés de tout le monde. C’est ce que veut dire cette parole : "Vous serez foulés aux pieds. " Le Sauveur passe ensuite à une comparaison plus relevée.
" Vous êtes, " leur dit-il, " la lumière du monde (14). " Il ne les appelle pas seulement la lumière d’une ville ou d’un peuple, mais " la lumière du monde. " Comme "le sel" dont il vient de parler est un sel tout spirituel, de même " la lumière" dont il parle ensuite est une lumière intérieure plus éclatante que la lumière du soleil. Il met d’abord "le sel", et ensuite "la lumière ", pour montrer quel est l’avantage des paroles piquantes et le fruit d’une doctrine salutaire, puisqu’elle resserre en quelque sorte les âmes, en ne leur permettant plus de se relâcher et de se corrompre, et qu’elle les élève et les conduit comme par la main dans la voie de la vertu.
" Une ville située sur une montagne ne peut être cachée (14). Et on n’allume point une lampe pour la mettre sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison (15). " Jésus-Christ excite encore ses apôtres par ces paroles à veiller sur leur conduite, et les avertit de se tenir sur leur garde, se considérant comme exposés à la vue de tous les hommes et comme combattant sur un théâtre élevé au milieu de toute la terre. Ne vous arrêtez point, leur dit-il, à considérer ce petit coin du monde où nous sommes, lorsque je vous parle. Vous serez aussi en vue à tous les hommes que l’est une ville située sur le haut d’une montagne, ou une lampe qui éclaire toute une maison.
Où sont maintenant ceux qui osent douter de la toute-puissance de Jésus-Christ? Qu’ils écoutent ces paroles et que, reconnaissant la force de cette prophétie, ils soient frappés d’admiration et qu’ils viennent avec frayeur adorer cette redoutable majesté. Considérez ce que Jésus-Christ dit ici à des hommes qui n’étaient pas même alors connus dans leur propre pays, et comment il leur promet que la terre et la mer les connaîtront, et qu’ils rempliront le monde de leur réputation, ou plutôt non-seulement de leur réputation, mais encore de l’efficacité de leurs bienfaits. Car ce n’est pas l’a renommée qui, en portant partout leurs noms, les a rendus célèbres, c’est l’éclat des oeuvres qu’ils ont faites. Ils ont été comme des aigles-qui ont couru d’un bout du monde jusqu’à (119) l’autre avec plus de vitesse et de rapidité que le soleil, répandant de tous côtés la lumière et l’ardeur de la piété.
Mais il me semble que Jésus-Christ, par ces paroles, les exhorte encore à la confiance. Car en disant: " Qu’une ville située sur une montagne ne peut être cachée," il déclare manifestement sa toute-puissance. Il semble qu’il dise que comme il est impossible qu’une ville soit cachée sur une montagne, il est impossible aussi que son Evangile ne se publie et qu’il demeure enseveli dans le silence. Après leur avoir parlé des persécutions, des calomnies, des périls et des afflictions, il ne veut pas qu’ils croient que ces maux puissent leur fermer la bouche et les obliger à se taire, et, pour les rassurer, il leur promet que non-seulement leur prédication n’en sera pas obscurcie, mais qu’elle en éclatera davantage pour éclairer tout l’univers; et qu’ainsi ils deviendront eux-mêmes célèbres et illustres. Par là il montre donc sa toute-puissance; et par ce qui suit, il leur marque quelle fermeté il attend d’eux. En effet, après avoir dit : " On n’allume point, " dit-il, " une lampe pour la mettre sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison; " il ajoute:
" Ainsi que votre lumière luise devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux (46)." J’ai allumé la lampe moi-même, leur dit-il; c’est à vous maintenant à prendre garde qu’elle ne s’éteigne. Conservez-lui son éclat, non-seulement à cause de vous, mais encore à cause de ceux dont vous devez être la lumière, pour les éclairer et les conduire dans le chemin de la vérité. Les plus noires calomnies des hommes ne pourront obscurcir votre lumière, si vous vivez selon les règles que je vous donne, et d’une manière digne de ceux qui doivent convertir toute la terre. Faites donc que la sainteté de votre vie réponde à la grâce dont vous êtes les dispensateurs, afin que votre vertu conspire à étendre la publication et à relever la gloire de mon Evangile.
Il joint encore à ce premier avantage, qui est la conversion des hommes, une considération puissante pour les encourager, et pour les rendre plus fervents dans la pratique des vertus. Car en vivant de la sorte, leur dit-il, non seulement vous convertirez les hommes, mais " vous glorifierez Dieu votre Père : " comme au contraire, si vous agissez autrement, vous serez cause et que les hommes se perdront, et que le nom de Dieu sera déshonoré par leurs blasphèmes.
8. Les apôtres pouvaient demander ici à Jésus-Christ: Comment le Christ sera-t-il glorifié à cause de nous, si les hommes doivent nous maudire? — Mais ce ne seront pas tous les hommes; il n’y en aura que quelques-uns, et encore ne le feront-ils que par envie. Et ces envieux-là même, en vous décriant, vous admireront, comme les flatteurs condamnent dans leur coeur ceux qu’ils comblent ouvertement de fausses louanges.
Quoi donc, Seigneur, nous ordonnez-vous de vivre pour l’ostentation et l’amour de la gloire? — Au contraire, répond Jésus-Christ, je vous le défends très expressément. Je ne vous ai point commandé de publier vos bonnes oeuvres, et de faire que tout le monde les connaisse. Je vous ai dit seulement: " Que votre lumière luise, " c’est-à-dire : qu’il y ait en vous une grande vertu, que le feu de la charité brûle dans vos coeurs, et que sa lumière éclate au dehors. Car quand la vertu est dans cette haute perfection, il est impossible qu’elle demeure inconnue, quelque effort que puisse faire celui qui la possède, pour la cacher. Rendez donc toute votre vie irrépréhensible aux yeux des hommes, et qu’ils ne trouvent en vous aucun prétexte de vous accuser. Après cela, quand vous auriez mille calomniateurs, personne ne pourra ternir votre gloire.
C’est avec une grande raison qu’il se sert ici du mot de " lumière. " Car il n’y a rien qui rende un homme si remarquable et si illustre, que cet éclat qui naît de la vertu, quand, d’ailleurs, il ferait tout son possible pour demeurer inconnu. Il semble qu’il soit toujours environné du soleil, et que les rayons qu’il lance de toutes parts, non-seulement percent par toute la terre, mais pénètrent même jusque dans le ciel. Jésus-Christ donc console ainsi ses apôtres Si d’un côté plusieurs s’efforcent de vous noircir par leurs médisances, il y en aura aussi beaucoup d’autres qui vous admireront, et qui seront excités par votre exemple à aimer et à glorifier Dieu. Ainsi des deux côtés s’accroîtra votre récompense, puisque Dieu sera glorifié à cause de vous, et que vous serez insultés à cause de Dieu. (120) De peur que nous n’allions, de propos délibéré, attirer sur nous les mauvais propos des hommes, sous prétexte qu’une récompense est proposée à qui les souffre, il se garde de s’exprimer à cet égard d’une manière absolue, mais il apporte deux conditions: la première, c’est que le mal qu’on dira de nous soit faux; la seconde, c’est que nous le souffrirons pour l’amour de Dieu. Il leur enseigne de plus, que si les calomnies qu’ils souffriront, ne les empêchent pas d’être heureux, l’estime aussi qu’on fera d’eux leur sera très-avantageuse, puisque la gloire en remontera jusqu’à Dieu. Il relève ainsi leurs espérances pour l’avenir, comme s’il leur disait: Jamais la calomnie de vos envieux ne sera assez puissante pour aveugler de telle sorte les esprits des hommes, qu’ils ne puissent plus découvrir votre lumière. Lorsque vous deviendrez un sel fade et sans force, ce sera alors que vous serez foulés aux pieds par tout le monde. Mais lorsqu’en vivant saintement vous serez en butte à la calomnie, il s’en trouvera toujours plusieurs qui admireront votre vertu, et qui apprendront par votre exemple à rendre à votre Père la gloire qui lui est due. Il ne dit pas, votre Dieu, mais votre père, leur donnant déjà par avance des marques, et comme des gages de cette glorieuse naissance, qui devait les rendre les enfants de Dieu. En outre cette expression marque l’égalité d’honneur qui existe entre le Père et lui; en effet après avoir dit plus haut : ne vous attristez pas des mauvais propos auxquels vous serez en butte, il vous suffit que vous y soyez exposés à cause de moi, c’est maintenant le Père qu’il met au lieu de lui; l’égalité des personnes ne saurait être mieux marquée.
Puisque nous voyons, mes frères, que notre zèle sera si heureux, et notre négligence si malheureuse, et qu’elle deviendra d’autant plus criminelle, que le nom de Dieu sera blasphémé à cause de nous, rendons-nous, comme dit saint Paul, irrépréhensibles à l’égard des juifs, des gentils, et de toute l’Eglise de Dieu, et que toute notre vie soit plus pure et plus éclatante que la lumière du soleil. Que si quelqu’un parle mal de nous, ne nous affligeons pas de ce qu’on nous décrie; mais seulement de ce qu’on a raison de le faire. Si nous sommes dans le vice, quand personne ne parlerait mal de nous, nous serons les plus misérables de tous les hommes: mais si nous n’abandonnons point la vertu, quand tout le monde s’accorderait à nous charger d’outrages, nous ne laisserons pas d’être les plus heureux de tous les hommes, et nous attirerons de notre côté tous ceux qui penseront sérieusement à leur salut. Ils ne s’arrêteront pas aux médisances des méchants; mais ils considèreront la pureté de notre vie. Car les actions saintes rendent un son plus perçant que les trompettes les plus éclatantes ; et la pureté des moeurs jette une lumière plus brillanta que les rayons du soleil. Quand il y aurait mille calomniateurs, c’est en vain qu’ils s’efforceraient d’obscurcir un si grand éclat.
Si nous possédons ces vertus dont nous venons de parler; si nous sommes doux, miséricordieux, humbles, pacifiques, et purs de coeur, si nous ne rendons point injure pour injure, mais si nous nous réjouissons du mal qu’on dit contre nous, il n’est pas douteux que ces vertus ne frapperont pas moins ceux qui les verront, que pourraient faire les plus grands miracles. Tout le monde viendra avec joie se ranger de notre côté. Il n’y aura point d’homme, quelque méchant qu’il puisse être, qui ne fléchisse, quand ce serait une bête farouche, quand ce serait un démon. Que s’il s’en trouve néanmoins quelques-uns qui ne laissent pas de vous déchirer par leurs impostures, ne vous en troublez point. Ne regardez point ce qu’ils disent de vous en public, entrez dans le fond de leur conscience, et vous verrez que lors même qu’ils vous décrient, ils vous estiment, ils vous admirent, et ils vous donnent mille éloges en secret.
Considérez combien Nabuchodonosor loue ces trois jeunes hommes de la fournaise, quoiqu’il fût leur ennemi déclaré. Aussitôt qu’il a éprouvé leur confiance et leur courage, il les loue,,il leur offre des couronnes, seulement parce qu’ils avaient été fermes à lui désobéir, et à se tenir inviolablement attachés à la loi de Dieu. Quand le démon voit qu’il ne gagne rien par les calomnies qu’il fait publier contre nous, il se retire de peur de contribuer à augmenter notre couronne. Et quand cet imposteur se retire de ceux qui nous décriaient, quelque méchants et quelque corrompus qu’ils puissent être, ils reconnaissent enfin notre vertu, et ce nuage dont elle était couverte, se dissipe en même temps. Que si les hommes se refusent opiniâtrement à vous rendre justice, la récompense et la gloire que Dieu vous garde n’en seront que plus grandes. (121)
9. Ainsi donc ne vous affligez, ni ne vous découragez point, puisque les apôtres même " ont été aux uns une odeur de mort, et aux autres une odeur de vie. " (II Cor. II, 16.) Pourvu que vous ne donniez aucun sujet aux calomnies, vous serez exempts de faute, et les invectives ne feront que redoubler votre gloire. Que votre vie éclate en vertu et en sainteté, et après cela méprisez tous les calomniateurs. Car il est impossible qu’une grande vertu n’ait pas toujours beaucoup d’ennemis. Mais elle est hors d’atteinte à tous leurs efforts; et en la combattant ils ne servent qu’à la rendre plus illustre.
Que ces considérations, mes frères, nous portent à n’être attentifs qu’à une seule chose, qui est de bien régler toute notre vie. Ce sera ainsi que nous pourrons éclairer ceux qui sont assis dans l’ombre de la mort, et les attirer à la lumière et à la vie de Dieu. La force de cette lumière est telle, qu’elle peut non-seulement éclairer les hommes en cette vie, mais les conduire même jusqu’en l’autre, pourvu qu’ils-la suivent. Lorsqu’ils verront le mépris que nous avons pour tout ce qu’il y a sur la terre, et notre attente continuelle des biens du ciel, ils seront incomparablement plus touchés de nos actions, que de tout ce que nous leur pourrions dire. Car quel est l’homme, si stupide qu’on le suppose, qui, envoyant une personne plongée un peu auparavant dans l’amour des plaisirs et des richesses, se délivrer tout d’un coup de cet esclavage, s’élever à Dieu comme si elle avait des ailes, être prête à souffrir la faim, la pauvreté, et toutes sortes de travaux, et courir aux périls, à la mort, et à tout ce que les autres regardent comme effroyable, quel est, dis-je, l’homme qui ne regarde ce changement comme une preuve certaine des biens invisibles d’une autre vie? Que si l’on voit au contraire que nous nous embarrassions dans les soins et dans l’amour des choses d’ici-bas , comment pourra-t-on croire que nous soupirions après la félicité du ciel ? Qui pourra excuser notre lâcheté, lorsque le respect et la crainte que nous devons à Dieu, n’aura pas eu sur nous la même force qu’a sur les sages du monde, l’amour de la gloire?
On a vu quelquefois ces philosophes superbes renoncer à toutes les richesses, et mépriser la mort, seulement pour s’acquérir de l’estime parmi les hommes. Ils ont fait toutes ces choses, n’ayant pour fruit et pour espérance que la vanité. Mais quelle excuse nous reste-t-il à nous autres, qui attendons une récompense si ineffable, et qui avons reçu de si grandes lumières, si nous ne faisons pas même ce que ces philosophes ont fait, et si au lieu d’user de ces grâces pour notre salut, nous nous perdons nous-mêmes, et les autres avec nous? Un païen qui pèche est beaucoup moins coupable qu’un chrétien qui tombe dans la même faute. Et la raison en est claire, puisque toute la gloire qu’attendent ces premiers, est une gloire corruptible et périssable, et que la nôtre au contraire est aujourd’hui, par la grâce de Dieu, reconnue et respectée même par les impies. C’est pourquoi lorsque les païens veulent nous faire ,un grand reproche, et nous couvrir de confusion, ils nous disent : vous faites cela vous, un chrétien? Ce qu’ils ne diraient pas sans doute, s’ils n’avaient une grande idée de notre religion.
Ne savez-vous pas combien Jésus-Christ vous a donné de préceptes, et combien est pur ce qu’il vous commande? Comment pourrez-vous obéir à un seul des commandements qu’il vous fait, puisqu’au lieu de vous y appliquer, vous courez de tous côtés pour recueillir l’argent de vos injustices; vous ajoutez usure sur usure; vous vous occupez à un commerce et à un trafic indigne de vous, vous ne pensez qu’à acheter des troupes d’esclaves, des vases d’argent, des terres, des maisons, et des ameublements à l’infini? Encore plût à Dieu que vous en demeurassiez-là! Mais lorsqu’à ces bassesses, vous joignez encore l’injustice; que vous ajoutez à vos terres les terres de vos voisins, que vous enlevez les maisons des autres;que vous opprimez le pauvre; et que vous augmentez la misère de ceux qui meurent de faim, comment serez-vous dignes de mettre seulement le pied sur le seuil de cette église?
Mais peut-être que vous faites quelques aumônes aux pauvres. Je le sais: mais je sais aussi combien il se mêle de corruption dans ces aumônes. Car ou vous les faites avec le sentiment d’un orgueil satisfait; ou pour vous acquérir une vaine gloire parmi les hommes, et ainsi ces bonnes oeuvres sont sans récompense. N’êtes-vous donc pas bien malheureux de vous nuire de la sorte en faisant du bien, et de trouver le naufrage dans le port? Ainsi pour éviter ce malheur; lorsque vous faites quelque bien, n’en attendez pas la récompense d’un homme, afin que Dieu même vous la (122) doive. C’est lui qui a dit: " Prêtez sans en rien espérer. " (Luc, VI, 35.) Puisqu’un Dieu qui est si riche, se charge de vous payer cette dette, comment pouvez-vous l’exiger d’un homme, et d’un homme qui est si pauvre? Ce débiteur adorable se fâche-t-il, lorsqu’on exige de lui ce qu’il doit? Est-il pauvre, ou dissimule-t-il de payer sa dette? Ne savez-vous pas que ses trésors sont inépuisables, et sa libéralité infinie et incompréhensible? adressez-vous donc à lui; importunez-le; pressez-le de vous payer, parce qu’il prend plaisir à ce qu’on l’importune de la sorte. Lorsqu’il voit qu’on exige d’un autre ce qu’il doit, il le tient à injure et alors il ne pense plus à payer ce qu’il devait, mais à se venger de l’injustice qui lui est faite. Suis-je un ingrat, vous dit-il alors; ou avez-vous trouvé que je sois pauvre, pour ne vous adresser pas à moi, afin que je vous paye, et pour avoir recours à un homme? vous avez prêté à l’un, et vous exigez de l’autre le payement? A la vérité c’est un homme qui a reçu, mais c’est Dieu qui a commandé de donner. C’est lui qui est votre principal débiteur. C’est lui qui répond de votre argent, qui est votre caution, et qui vous fait naître une infinité d’occasions d’exiger de lui ce qu’il vous doit. Ne quittez donc pas cette facilité que vous trouvez auprès de Dieu à vous faire payer, pour vous adresser à un homme qui n’a rien.
Car pourquoi me considérez-vous moi, ou quelque homme que ce soit, quand vous faites une action de miséricorde? Est-ce moi qui vous ai commandé de la faire? Est-ce moi qui vous en ai promis la récompense? N’est-ce pas Dieu même qui a dit: " Celui qui a compassion du pauvre, donne son argent à usure à Dieu? " (Prov. IX, 17.) Puis donc que c’est Dieu qui vous est redevable, adressez-vous à lui. Vous dites qu’il ne vous payera pas toute votre dette en cette vie. Mais c’est pour votre avantage, qu’il diffère de vous la payer ailleurs. Dieu ne fait pas comme les hommes qui se hâtent de rendre seulement ce qu’on leur avait prêté. Il pense à assurer et à multiplier votre principal. C’est pourquoi il veut qu’ici vous lui donniez beaucoup à usure, et il vous réserve un trésor ailleurs.
10. Sachant cela, mes frères, pratiquons donc beaucoup la miséricorde; montrons beaucoup d’humanité pour les pauvres, et assistons-les non-seulement de notre bien, mais encore de nos bons offices. Si nous voyous qu’on fasse souffrir et qu’on maltraite quelqu’un dans l’agora, délivrons-le; s’il faut pour cela donner de l’argent, donnons-en; s’il faut y employer les paroles et les sollicitations, ne les épargnons pas. Une seule de nos paroles sera récompensée, et encore plus nos gémissements et nos soupirs. C’est pourquoi le bienheureux Job disait : " Je pleurais sur celui qui était dans l’affliction, et mon âme était touchée de compassion pour le pauvre. "(Job, XXX, 25.) Que si les soupirs et les larmes seules ont leur prix devant Dieu, comment les récompensera-t-il, lorsqu’on y joindra les paroles, les soins, et les actions?
Et nous aussi, nous étions dans l’inimitié de Dieu; et le Fils unique a opéré notre réconciliation; il s’est interposé; il a subi le châtiment à notre place; il a enduré la mort pour nous. Ayons la même charité envers ceux qui sont dans l’affliction, et tâchons de les délivrer de tant de misères qui les accablent. Défaisons-nous de la détestable coutume que nous avons de nous attrouper autour des gens qui se querellent ou se battent, arrêtés que nous sommes par le plaisir que nous trouvons dans la honte et la douleur des autres, et charmés par la vue d’un spectacle diabolique. Quoi de plus inhumain qu’une telle conduite? Vous voyez des personnes se déchirer par des injures, se meurtrir de coups, s’arracher leurs vêtements, se défigurer le visage, et vous pouvez vous arrêter pour les regarder en paix? Est-ce donc un lion ou un ours qui se bat? Est-ce un serpent ou quelque autre bête farouche? N’est-ce pas un homme semblable à vous? N’est-ce pas votre frère, et l’un de vos membres? Ne les regardez donc pas, mais séparez-les. Ne prenez pas plaisir à les voir, mais tâchez de les réconcilier. Bien loin d’attirer les autres à ce spectacle honteux, tâchez au contraire d’en chasser ceux qui s’y rassemblent. Il faut avoir perdu et l’honneur et la raison, il faut être un méchant et un scélérat, pour vouloir bien repaître ses yeux de semblables turpitudes. Vous voyez un homme qui en outrage un autre; et vous croyez être innocent en voyant ce mal sans l’empêcher? Vous ne vous jetez pas au milieu de ces personnes, pour dissiper cette oeuvre du diable, et pour prévenir les périls et la mort des hommes !
Oui, direz-vous, pour que je m’expose moi-même (123) même aux coups, faut-il aussi que je coure ce danger? l’ordonnez-vous? Il est probable que ce malheur ne vous arrivera pas. Mais supposons qu’il vous arrive, eh bien! votre fait sera celui d’un martyr, car c’est pour Dieu que vous aurez souffert. Si vous craignez d’être blessé pour votre frère, considérez que votre Sauveur a bien voulu être crucifié pour vous. Ces personnes que vous regardez sont comme des hommes ivres. Ils sont transportés par la violence de leur passion et de leur fureur. Ils ont besoin de quelque personne sage qui les assiste dans cette rencontre. Celui qui fait l’outrage et celui qui le reçoit, ont tous deux également besoin de ce secours; l’un pour ne plus souffrir cette violence, et l’autre pour ne la plus faire. Rendez-leur donc ce service. Tendez la main, vous qui êtes sobre, à ces personnes qui sont ivres. Car la colère et la fureur est une ivresse pire que n’est celle du vin.
Ne voyez-vous pas tous les jours sur lamer que lorsqu’un vaisseau est menacé du naufrage, tous les mariniers qui sont au port courent au secours de leurs compagnons qui sont en danger de se perdre? Si la communauté de leur métier leur inspire ce dévouement, combien plus n’en doit pas inspirer la communauté de la nature. Ces personnes que vous voyez sont en danger de faire un naufrage bien plus dangereux que n’est celui de la mer. Car ou celui qui souffre l’injure commet le blasphème ou le parjure, emporté par sa co1ère, et le malheureux perdant tous ses avantages, tombe misérablement en enfer; ou celui qui fait violence devient l’homicide de son âme, comme il l’est du corps de son ennemi, et se tue en le tuant. Allez donc, arrêtez de si grands maux. Retirez du milieu des eaux ces personnes qui y périssent. Jetez-vous hardiment dans le fond de ces abîmes pour les en retirer. Faites cesser ce spectacle diabolique. Prenez chacun en particulier; exhortez-le, et tâchez d’apaiser cette tempête. Que si leur colère est trop violente, ne vous rebutez pas. Vous avez beaucoup de personnes auprès de vous, qui vous aideront quand vous aurez commencé, et Dieu qui est le Dieu de la paix vous assistera encore plus alors que tous les hommes ensemble. Si vous étendez le premier la main pour étendre la flamme, les autres vous imiteront, et vous recevrez la récompense du bien que vous leur aurez fait faire. Considérez ce que le Christ a commandé autrefois aux Juifs, quoique si grossiers et si terrestres. Si vous voyez, leur dit-il, que le cheval de votre ennemi soit tombé dans le chemin, ne passez pas outre, mais courez à son secours, afin de l’aider à relever son cheval. Or il est bien plus aisé de séparer deux personnes qui se battent, et de les réconcilier ensemble. Si donc Dieu commande ce secours de charité pour sauver le cheval de son ennemi; combien plus vous le commande-t-il pour sauver l’âme de vos frères; principalement lorsque leur chute est incomparablement plus funeste? Car elle ne tombe pas dans un bourbier, mais dans le feu même de l’enfer, où elle se précipite après s’être laissée abattre par la violence de sa colère. Cependant lorsque vous voyez votre frère accablé sous ce poids, et que de plus le démon lui insulte, et excite encore ce feu qui le brûle, vous passez outre sans être touché de compassion, et avec une cruauté qui serait inexcusable même envers les bêtes.
11. Le Samaritain autrefois ayant vu un homme blessé, quoiqu’il ne le connût pas, et qu’il ne lui fût rien, s’arrêta néanmoins et le mit sur son cheval, le mena dans une hôtellerie, et ayant fait venir un médecin pour guérir ses plaies, il donna sur l’heure une partie de l’argent, et promit le reste. Et vous lorsque vous voyez votre frère tombé entre les mains non des voleurs, mais des démons; lorsque vous voyez que la colère lui déchire le coeur, non dans les bois ou dans les lieux écartés, mais au milieu de la ville, vous passez sans rien dire, avec une dureté cruelle et impitoyable, quoique vous n’ayez pas besoin pour le soulager de prêter votre cheval, comme le Samaritain, ou d’aller bien loin, ou de donner de l’argent? Après cette inhumanité envers votre frère, attendez-vous que Dieu vous écoute lorsque vous l’invoquerez?
Des spectateurs passons aux acteurs de ces honteuses luttes. Je m’adresse à vous qui osez outrager votre frère devant tout le monde. Dites-moi, vous faites des blessures, vous frappez avec le pied, vous mordez. Etes-vous donc un sanglier, ou un onagre? Ne rougissez-vous point de quitter la douceur naturelle à l’homme, pour prendre la fureur des bêtes sauvages? Vous êtes pauvre, mais vous êtes libre; vous êtes un artisan, un manoeuvre, mais vous êtes chrétien. La qualité même de (124) pauvre vous engage plus à la douceur et à la paix. C’est aux riches à disputer et non pas aux pauvres: car les richesses mêmes leur donnent mille sujets de divisions et de querelles. Vous n’avez pas la satisfaction des richesses, et vous en attirez la malédiction sur vous, en vous engageant comme les riches dans des inimitiés et des querelles. Vous osez battre et outrager votre frère, vous l’étranglez, et vous le foulez aux pieds devant tout un peuple. Ne voyez-vous pas quelle honte vous encourez en imitant la fureur des bêtes féroces, en les surpassant même en cruauté? Car les bêtes ont toutes choses en commun; elles s’attroupent ensemble; elles marchent ensemble; elles se réjouissent d’être ensemble: et nous, au contraire, nous n’avons rien de commun. Tout est dans la confusion parmi nous; ce ne sont qu’inimitiés, que querelles qu’injures et outrages. Nous n’avons de respect ni pour le ciel, où. nous sommes tous appelés, ni pour la terre qui nous a été donnée pour en jouir tous ensemble; ni pour la nature même qui nous est commune à tous. La passion de la colère, et l’amour des richesses ont tout ravagé dans nos coeurs.
Ne savez-vous point dans quel malheur tomba ce serviteur, qui devait mille talents à son maître et qui osa bien, après qu’on lui eut remis cette dette, étrangler sans compassion un de ses confrères qui lui devait cent deniers? Vous souvenez-vous comment il fut condamné sur l’heure à une éternelle mort? Vous ne tremblez point à cet exemple et vous ne lisez pas dans le sort de ce misérable l’arrêt qui est déjà prononcé contre vous! Car nous sommes aussi nous autres redevables à Dieu d’une infinité de dettes. Et néanmoins sa patience nous attend et il ne nous traite point avec la rigueur dont nous usons envers nos frères. Il ne nous met point le pied sur la gorge, quoique s’il voulait se faire payer de la moindre partie de ce que nous lui devons, il y a déjà longtemps que nous serions tous perdus.
Pensons à ceci, mes très-chers frères, humilions-nous et tenons-nous pour obligés à ceux même qui nous doivent, puisque si nous agissons sagement et chrétiennement envers eux, ils nous serviront à obtenir de Dieu la remise d’une grande dette et qu’en leur donnant peu, nous en recevrons beaucoup. Pourquoi exigez-vous avec violence ce que votre frère vous doit? Quand il voudrait vous le rendre, vous devriez le lui remettre volontairement, afin que Dieu vous en tînt compte un jour et vous rendit le tout. Cependant vous agissez inhumainement et vous faites tous vos efforts pour ne pas perdre un denier de ce qui vous est dû. Il semble que cette violence ne tombe que sur votre frère; mais vous vous percez vous-mêmes en le blessant et vous ne faites qu’accroître le supplice qui vous est réservé dans l’enfer. Que si au contraire vous témoignez un peu de charité, vous obligerez Dieu même à vous traiter avec douceur dans son jugement. Car il veut que nous commencions ici les premiers à pratiquer cette générosité envers nos frères, afin d’en tirer occasion de nous rendre beaucoup plus que nous ne donnons.
Faites donc grâce à tous ceux qui vous sont redevables, remettez aux uns l’argent qu’ils vous doivent, aux autres les offenses que vous en avez reçues, et exigez ensuite de Dieu la récompense de cette conduite si généreuse. Tant que vous presserez les hommes de vous payer, Dieu ne sera point votre débiteur. Mais quand vous leur remettrez ce qu’ils vous doivent pour vous adresser à Dieu, il récompensera votre générosité par une magnificence toute divine. Si un homme, vous voyant prendre l’un de vos débiteurs à la gorge pour lui faire payer ses dettes, vous conjurait de le laisser et se chargeait lui-même de cette dette; et qu’en sa considération vous eussiez laissé aller cet homme libre, n’est-il pas vrai que ce répondant si charitable se tiendrait pour votre obligé, quoiqu’il se fût chargé de toute la dette que vous exigiez de l’autre? Comment donc Dieu ne nous récompensera-t-il pas à l’infini, puisque pour obéir à sa loi, nous remettons à nos débiteurs tout ce qu’ils nous doivent sans leur redemander la moindre chose?
Ne considérons point, mes frères, ce plaisir cruel que nous trouvons à exiger des autres tout ce qu’ils nous doivent, mais envisageons le péril où nous nous exposons pour jamais, et la perte que nous faisons volontairement des richesses éternelles. Elevons-nous aujourd’hui au-dessus de tout. Remettons aux hommes ou l’argent qu’ils nous doivent, ou le mal qu’ils ont commis contre nous, afin que notre juge nous traite plus favorablement dans ce que nous lui devons et qu’il nous accorde, par cette facilité à pardonner les injures, ce que nous n’avons pu obtenir de lui par toutes les autres vertus. Ce sera le moyen de jouir éternellement (125) des biens du ciel que je vous souhaite, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire maintenant et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


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« Et Jésus allait par toute la Gaulée enseignant dans leurs synagogues, et prêchant l’Evangile du royaume, et guérissant toutes sortes de maladies et de langueurs parmi le peuple (23). » Aussitôt que Jésus-Christ eut pris ses disciples il commença à faire des miracles en leur présence, pour autoriser ce que saint Jean avait dit de lui. Il entrait souvent dans les synagogues pour montrer aux Juifs qu’il n’était point un séducteur ni un ennemi de Dieu, mais qu’il n’était venu en ce monde que pour suivre l’ordre et le dessein de son Père. Il ne se contentait pas de prêcher dans les synagogues, mais de plus il faisait des miracles.
3. Car, règle générale, lorsque Dieu veut faire quelque chose d’extraordinaire, et introduire dans le monde quelque établissement nouveau, il a coutume de faire des miracles, afin qu’ils soient comme un gage et une preuve de sa puissance à ceux qui doivent recevoir ses lois. Ainsi, veut-il faire l’homme, il commence par créer l’univers, et ce n’est qu’ensuite qu’il impose à l’homme la loi qu’il lui a donnée dans le paradis. De même, avant que d’imposer aucun commandement à Noé, il opère ce grand prodige par lequel il a renouvelé le monde en l’inondant durant un an sous les eaux d’un effroyable déluge, et conservé ce juste dans le naufrage de tout l’univers. C’est ainsi encore qu’il fait plusieurs miracles en faveur d’Abraham, par exemple cette grande victoire qu’il lui fit remporter sur les cinq rois; cette plaie dont il frappa Pharaon pour sauver Sara; et cette protection par laquelle il l’a tiré de tant de périls. Quand il a voulu aussi se rendre le législateur et le conducteur des Juifs, il leur a fait voir auparavant des prodiges et des miracles extraordinaires; et ce n’est qu’ensuite qu’il leur a donné sa loi. C’est pour se conformer à la même conduite, que, sur le point de publier la loi sublime de l’Evangile, et d’introduire une forme de vie toute nouvelle et inconnue à tous les hommes, il l’autorise par avance par de grands miracles : comme le royaume éternel qu’il annonçait était invisible, il voulait en établir la vérité par des miracles visibles.
Mais admirez, je vous prie, la divine brièveté de l’évangéliste, et comme, sans raconter chaque guérison en particulier, il nous fait voir en un mot une foule et comme une nuée de miracles! « Et sa réputation s’étant répandue par toute la Syrie, ils lui présentèrent, tous ceux qui étaient malades, et qui étaient diversement affligés de maux et de douleurs, les possédés, les lunatiques, et les paralytiques, et il les guérit (24). » Vous me demanderez peut-être pourquoi Jésus-Christ n’obligeait point ces malades qu’il guérissait de croire en lui. Car il ne leur dit point ici ce qu’il dit ensuite presque à tous les autres « Croyez-vous que je vous puisse guérir? » Il ne le fait pas encore parce qu’il n’avait pas donné de marques de sa puissance. Ce n’était pas d’ailleurs une médiocre preuve de leur foi, que de venir ainsi s’adresser à lui et de lui apporter de loin leurs malades. L’eussent-ils fait s’ils n’avaient eu une grande idée de sa puissance?
« Et une grande multitude de peuple le suivit de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et d’au delà le Jourdain (23). » Suivons aussi nous-mêmes Jésus-Christ, mes frères. Car nous ne sommes pas moins malades dans l’âme que ces peuples l’étaient dans le corps : et ce sont nos langueurs spirituelles que Jésus-Christ désire principalement de guérir, puisqu’il ne guérit les corps qu’afin de passer ensuite à la guérison des âmes; Approchons-nous donc de lui pour lui demander, non des choses temporelles, mais le pardon de nos fautes. Et il nous le donnera sans doute si nous le lui demandons avec instance.
La réputation de Jésus-Christ n’était alors répandue que dans la Syrie; et elle l’est maintenant par toute la terre. La seule vue de la guérison de quelques possédés faisait courir après lui les hommes de toutes parts; et vous, après avoir vu de bien plus grands effets de sa puissance, vous ne vous mettez pas même en état de venir à lui? Ces peuples quittaient leurs pays, leurs amis et leurs proches pour le suivre; et vous ne voulez pas quitter même , votre maison pour aller le trouver, et pour recevoir de lui beaucoup plus que vous n’aviez quitté. Mais nous ne vous obligeons pas même à cela, quittez seulement vos mauvaises habitudes, et en demeurant chez vous avec votre famille, vous ne laisserez pas de vous sauver.
Hélas! quand nous sentons quelque maladie dans notre corps, nous faisons tout, nous souffrons tout, nous dépensons tout, pour nous eu (108) délivrer, et lorsque notre âme est dans une langueur mortelle, nous hésitons et nous différons toujours? C’est pourquoi nous ne sommes pas même guéris de nos maladies corporelles : c’est parce que nous tenons pour superflues les choses nécessaires, et pour nécessaires les superflues. Nous entretenons la source des maux qui nous accablent, et nous voulons en purifier les ruisseaux. Car les maux du corps sont souvent la peine des maux de l’âme. Nous le voyons assez par ce paralytique de trente-huit ans; et par cet autre qu’on descendit du toit pour le présenter devant Jésus-Christ. Nous le voyons encore dès le commencement du monde, par ce que l’Ecriture dit de Caïn; et en un mot, il y a mille preuves de cette vérité.
Pensons donc premièrement à tarir la source du mal, et après cela nous en tarirons les ruisseaux, qui sont les maladies corporelles. La paralysie n’est pas la seule langueur que nous devions craindre; le péché en est une autre bien plus grande, et qui surpasse autant cette première, que l’âme, est plus noble que le corps. Approchons-nous, mes frères, de Jésus-Christ, aussi bien que ces peuples, et conjurons-le qu’il fasse cesser la paralysie de nos âmes. Bannissons toutes les pensées d’ici-bas, et n’estimons que les choses spirituelles.
Que si vous ne pouvez quitter tout à fait les soins de cette vie, ne vous y appliquez au moins qu’après avoir pensé à votre salut. Ne négligez pas vos fautes, parce que vous n’êtes aiguillonnés d’aucun remords lorsque vous les faites. Gémissez au contraire de ce que vous ressentez si peu de douleur de vos péchés. La cause de cette insensibilité ne vient pas de ce que le péché n’a rien qui pique et qui blesse, mais de ce que votre coeur est assez endurci pour n’en point sentir la plaie. Pour bien comprendre ce que je vous dis, considérez ceux qui sont touchés de la douleur de leurs fautes. N’est-il pas vrai qu’ils jettent souvent de plus grands cris que ceux même que l’on coupe et que l’on brûle? Que ne font-ils point, que ne souffrent-ils point pour se délivrer des remords de leur conscience? Comment pourraient-ils agir de la sorte, si leur âme n’était percée de douleur?
4. Ainsi le premier bonheur de l’homme est de ne point pécher, mais le second est de sentir au moins et de pleurer son péché. Si ce sentiment nous manque, comment prierons-nous Dieu de nous pardonner, dans l’insensibilité où nous sommes ? Lorsque vous, qui avez péché, vous ne vous mettez pas seulement en peine de savoir si vous avez péché, comment pourrez-vous implorer la miséricorde de Dieu? Le prierez-vous de vous pardonner des péchés que vous ne connaissez pas? Et dans cette ignorance comment pourrez-vous être touché de la grandeur de ses bienfaits? Considérez donc en vous-même quels sont vos péchés, afin de savoir au moins ce que Dieu vous pardonne et de n’être pas ingrat envers votre bienfaiteur.
Lorsque vous avez offensé un homme qui a du pouvoir et du crédit, vous priez ses amis et ses proches, vous gagnez les bonnes grâces de ses domestiques, vous leur donnez beaucoup, vous employez plusieurs jours à redoubler vos prières. Quand celui que vous avez offensé vous rejetterait une ou deux, ou même mille fois, vous ne vous rebutez pas et vous renouvelez au contraire vos importunités et vos instantes prières.
Nous agissons de la sorte pour apaiser un homme, et lorsque nous avons irrité Dieu contre nous, nous continuons à notre ordinaire à passer le temps dans les divertissements, dans les délices, dans la bonne chère, et nous ne changeons rien à notre genre de vie accoutumé. Est-ce là le moyen de nous le rendre favorable?Et ne l’irritons-nous pas plutôt encore davantage contre nous? Cette insensibilité que nous témoignons après avoir péché, l’offense sans comparaison davantage que le péché même. Nous devrions nous enfouir sous terre, ne plus oser ni regarder le soleil, ni respirer, nous qui, ayant un si bon Maître, osons l’irriter, et qui n’avons même aucun regret des offenses par lesquelles nous l’irritons.
La bonté de Dieu est si grande, que lors même qu’il se met en colère contre nous, bien loin de nous haïr, il ne le fait que pour nous attirer à lui par ses menaces. Lorsque vous l’outragez par vos crimes, s’il continuait de vous témoigner de l’amour, ne vous porteriez-vous pas à le mépriser de plus en plus? Pour éviter donc un si grand mal, il vous témoigne de l’aversion pour un peu de temps, afin de vous sauver pour jamais.
Ayons confiance en sa miséricorde et témoignons par nos actions que nous nous appliquons sérieusement à la pénitence; avant que d’être surpris par ce jour effroyable, où tous (109) nos regrets seront inutiles. Car maintenant tout dépend encore de vous; mais alors votre arrêt sera irrévocable, et il ne dépendra plus que de votre Juge : « Prévenons sa face, » comme dit l’Ecriture, « en confessant nos péchés. Pleurons et soupirons en sa présence. »(Ps. XCIV, 6.) Si nous sommes assez heureux pour fléchir notre Juge et le porter à nous pardonner avant qu’il prononce la sentence, nous n’aurons plus besoin ensuite d’intercesseur auprès de lui, comme au contraire si nous négligeons cet avis, il nous fera paraître un jour en présence de toute la terre, il examinera toutes nos fautes aux yeux de toute la terre, et il ne nous restera plus alors aucune espérance de pardon. Si nous ne nous guérissons maintenant de nos péchés, nous ne pourrons pas éviter alors d’en être punis.
Comme nous voyons que ceux qu’on tire ici des prisons sont présentés tout enchaînés devant le Juge ; ainsi les âmes sortant de ce monde paraîtront chargées des chaînes de leurs péchés devant ce redoutable tribunal. Car dans la vérité cette vie n’est point différente d’une prison. Et comme, lorsque nous entrons dans ces tristes lieux, nous voyons de tous côtés des personnes chargées de chaînes; de même si nous retirions notre esprit des apparences du dehors pour sonder les âmes des hommes, et pour en pénétrer les replis, nous les verrions chargées de chaînes beaucoup plus pesantes et plus dures que le fer. Les riches sont dans ce malheur encore plus que les autres. Car plus ils ont de biens, plus ils ont de chaînes.
Que si vous ne pouvez voir sans compassion un prisonnier qui a le cou et les mains et souvent même les pieds chargés de fers ; de même quand vous voyez-un homme dans l’abondance de toutes sortes de biens, plaignez son état et ne l’en estimez pas plus riche, mais plus malheureux. Car non-seulement il est chargé de liens, mais il a un geôlier dans sa prison qui le garde sans cesse et qui l’empêche d’en sortir, l’amour des richesses. C’est cet amour qui le charge de mille chaînes, qui multiplie ses gardes; qui ferme sur lui porte sur porte et serrure sur serrure, et qui le renfermant dans une prison encore plus noire et plus intérieure, lui fait trouver sa joie et ses délices dans ses liens même, afin qu’il ne lui reste plus aucune espérance de se délivrer de tous ces maux.
Que si vous voulez pénétrer encore plus avant dans l’âme de ce riche, vous verrez que non-seulement elle est liée de toutes parts, mais qu’elle est affreuse, horrible à voir et toute pleine de vers. Car les délices de cette vie ne sont pas moins pernicieuses que ces animaux. Elle le sont même encore davantage, puisqu’elles corrompent en même temps le corps et l’âme, et qu’elles causent à l’un et à l’autre une infinité de maux.
C’est pourquoi, mes frères, conjurons le libérateur de nos âmes, de rompre nos liens et d’éloigner de nous ce tyran si cruel, afin que nous ayant dégagés de ces pesantes chaînes, il donne des ailes à notre âme pour élever à lui toutes nos pensées. Mais offrons-lui nos prières et joignons-y tout ce qui dépend de nous, zèle et bonne volonté. C’est ainsi que nous pourrons nous délivrer en peu de temps des maux qui nous assiégent, que nous reconnaîtrons enfin dans quel triste état nous avons été, et que nous jouirons de cette liberté divine où je prie Dieu de nous établir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire, avec le Père et le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE XV
« JÉSUS VOYANT TOUT CE PEUPLE, MONTA SUR UNE MONTAGNE, ET S’ETANT ASSIS, SES DISCIPLES S’APPROCHERENT DE LUI. » (CHAP. V, 1, JUSQU’AU VERSET 17.)
ANALYSE
1. L’orateur réfute les Manichéens – Ce que le Christ dit à ses disciples, il le dit à tout l’univers.
2. et 3. Qu’il y a plusieurs sortes d’humilité. – De la consolation qui vient de Dieu, sa vertu.
4. 5. et 6. De la justice prise dans le sens général de la vertu. – Le Fils est égal au Père.- Vous êtes le sel de la terre.
7. Quelle gloire Jésus-Christ ose promettre dans l’avenir à ces pêcheurs, inconnus en leur pays durant leur vie.
8. Qu’une grande perdu ne peut rester cachée. - Egalité du Père avec le Fils.
9. et 10. Que tout cède à la vertu après qu’elle a cédé à la violence. – Comme on doit aimer et assister les pauvres.- Qu’on doit séparer ceux qu’on voit se battre dans les rues; et que si on était tué en le faisant on serait martyr.


1. Considérez je vous prie, mes frères, combien Jésus-Christ méprisait l’honneur et la vaine gloire. Il ne mène point ces multitudes avec lui dans ses voyages. Lorsqu’ils ont besoin de son assistance dans leurs maux, il va lui-même parcourir leurs villes et leurs provinces. Mais lorsqu’il les voit venir en foule après lui, il demeure dans un même lieu; et non dans une place publique, mais sur une montagne et dans un désert. Il nous apprend par cet exemple à ne rien faire par vanité, et à nous retirer du bruit et du tumulte du monde, principalement lorsque nous voulons nous appliquer à la contemplation de la Vérité, et nous entretenir des choses saintes et éternelles.
« Jésus voyant tout ce peuple, monta sur une montagne, et s’étant assis, ses disciples s’approchèrent de lui (l). » Voyez-vous leur progrès dans la vertu? Voyez-vous comme ils sont devenus tout à coup meilleurs? Plusieurs d’entre ce peuple désiraient de voir ses miracles, mais pour eux ils souhaitaient de lui entendre dire des vérités grandes et élevées. C’est ce qui excita le Sauveur à leur faire ce long discours. Car il ne guérissait pas seulement les corps, mais encore les âmes et, après les soins donnés à celles-ci, il revenait à ceux-là. Il diversifiait ainsi les grâces Qu’il répandait sur les hommes, et il mêlait à la prédication de sa parole les guérisons miraculeuses des corps pour fermer la bouche à l’insolence des hérétiques et pour montrer, par le soin qu’il témoignait de l’une et l’autre de ces deux substances qui composent l’homme, qu’il était le créateur de l’une et de l’autre. C’est la raison pour laquelle sa providence partageait si souvent ses grâces tantôt au corps et tantôt à l’âme, comme il le témoigne même en cet endroit.
« Et ouvrant sa bouche, il les enseignait (2). » Pourquoi l’Evangile marque-t-il cette circonstance, « et ouvrant sa bouche » ? C’est pour nous apprendre que Jésus-Christ n’instruisait pas seulement les hommes par ses paroles, mais par son silence. Il les enseignait quelque fois en leur parlant, et il leur parlait aussi quelquefoispar la voix de ses œuvres, et par l’exemple de sa sainte vie. Mais, parce qu’il est dit que Jésus-Christ enseignait ses apôtres, il ne faut pas croire qu’il ne parlât qu’à eux seuls. II enseignait en eux généralement tous les hommes. Comme cette foule était composée de gens du peuple, âmes grossières et rampantes, le Sauveur , plaçant devant lui le chœur de ses disciples, leur adresse à eux directement ses discours, mais en leur parlant il n’oublie pas cette multitude qui avait un extrême besoin de sa parole; seulement il fait en sorte que l’enseignement de la divine sagesse soit pour elle sans fatigue. C’est ce que saint Luc fait entendre lorsqu’il dit que Jésus-Christ adressa son discours à ses apôtres; et saint Matthieu marque la même chose en disant que « ses disciples s’approchèrent de lui, et qu’il « les enseignait. » C’était un meilleur moyen pour exciter leur attention que s’il se fût adressé à tous.
Mais que leur dit-il d’abord, et quels sont les fondements de la nouvelle doctrine? Ecoutons attentivement ces divins oracles. S’ils ont (111) été dits alors pour ceux qui étaient présents, ils ont été écrits pour tous ceux qui devaient venir dans la suite. C’est pourquoi, bien que Jésus-Christ s’adresse à ses disciples, il ne détermine pas néanmoins ce qu’il dit à leurs seules personnes, mais parlant d’une manière indéterminée, il propose en général ces béatitudes pour tout le monde. Il ne dit pas: Vous êtes bienheureux si vous êtes pauvres: mais il dit en général : « Bienheureux sont les pauvres! »
Quand même Jésus-Christ aurait appliqué ces béatitudes à ses disciples en particulier, elles n’auraient pas laissé de regarder tous les hommes. Ainsi lorsqu’il a dit: « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle, » il ne l’a pas dit seulement à ses apôtres, mais il l’a dit en leurs personnes à toute la terre. De même en leur disant qu’ils seront heureux lorsqu’ils seront persécutés, tourmentés et affligés d’une infinité de maux; il ne le dit pas seulement pour !es apôtres, non, c’est pour tous ceux qui auront triomphé des mêmes épreuves qu’il tresse la couronne de gloire. Pour vous montrer encore plus clairement que tout ce que dit ici le Sauveur, vous regarde vous-mêmes, et généralement tous les hommes qui voudront lui obéir, écoutez de quelle manière il commence cet admirable discours.
« Bienheureux, dit-il, les pauvres d’esprit; parce que le royaume du ciel est à eux (3). » Qui sont ceux qu’il appelle « pauvres d’esprit »? Ce sont les humbles et ceux qui ont le coeur contrit. Car par le mot d’esprit, il entend le coeur et la volonté. Comme il y en a beaucoup qui sont humiliés non par leur volonté, mais seulement par la nécessité de leur état, il ne les comprend point dans cette béatitude, puisque l’involontaire ne saurait être méritoire, et il ne l’étend que sur ceux qui s’abaissent et s’humilient volontairement. C’est à ceux-là qu’il donne le premier rang entre tous ceux qu’il appelle heureux.
Mais pourquoi Jésus-Christ ne dit-il pas bienheureux les humbles d’esprit, mais « bienheureux les pauvres d’esprit » ? C’est parce que ce mot de pauvres, dit beaucoup (Le mot pauvres ne traduit que très imparfaitement le grec (ptokos) qui signifie étymologiquement (ptoso) craintif, timide, tremblant, et par extension chétif, misérable, pauvre. C’est au sens étymologique que saint Chrysostome s’attache ici, de sorte que selon lui l’expression (oi ptoxoi to pneumati) veut dire ceux qui ont l’esprit, la conscience timide, tremblante.) plus que celui d’humbles. Car il entend ici cette sorte de personnes qui sont tout abattues devant Dieu, et qui écoutent avec frayeur tout ce qu’il leur dit. Ce sont ces personnes que Dieu regarde favorablement, comme il dit lui-même par le prophète Isaïe : « Sur qui jetterai-je les yeux, sinon sur celui qui est humble et paisible, et qui tremble à la moindre de mes paroles? » (lsaïe, LXVI, 2.)
2. L’humilité a plusieurs degrés. Les uns ne sont que médiocrement humbles; les autres le sont parfaitement. David loue cette humilité parfaite, qui ne consiste pas seulement dans un abaissement, mais dans un entier brisement de coeur, lorsqu’il dit : « Le sacrifice agréable à Dieu, est un esprit abattu d’affliction et de repentir, ô Dieu, vous ne mépriserez point un coeur contrit et humilié. »(Ps. L, 19.) C’est cette humilité que les trois enfants de là fournaise offrirent à Dieu comme un grand sacrifice, lorsqu’ils lui dirent: « Recevez-nous, Seigneur, dans un esprit contrit, et dans un coeur humilié. » (Dan. III, 39.)
C’est à cette humilité que Jésus-Christ donne le premier rang dans ses béatitudes, parce que ce déluge de maux qui inonde toute la terre n’a point d’autre source que l’orgueil. Le diable n’était pas tel d’abord : c’est par l’orgueil qu’il est devenu le diable. Saint Paul l’assure lorsqu’il dit d’un néophyte: « De peur que s’élevant d’orgueil il ne tombe dans la même condamnation que le démon. » (1 Tim. III, 6) C’est ainsi que le premier homme, pour s’être laissé enfler par les orgueilleuses espérances que le démon lui avait fait concevoir, tomba dans le précipice, et devint sujet à la mort. En s’imaginant qu’il deviendrait Dieu, il perdit l’état qu’il possédait. Dieu même lui reprocha sa folie, et lui dit en lui insultant: « Voilà Adam devenu comme l’un de nous. » (Gen. III, 22.) Cet ange orgueilleux fait tomber depuis tous les ambitieux dans la même impiété, en les abusant de l’illusion qu’ils deviendront semblables à Dieu.
Comme donc l’orgueil était, pour ainsi dire, le mal culminant de l’homme, et la racine et la source de tous les péchés du monde, Jésus-Christ, pour le guérir par un remède contraire,
établit d’abord cette loi d’humilité , comme le fondement inébranlable de l’édifice qu’il veut bâtir. (112) Quand ce fondement sera posé, celui qui bâtit pourra sans crainte élever le reste de l’édifice; mais s’il vient à manquer, quand l’édifice monterait jusqu’au ciel, il faut nécessairement qu’il se renverse et qu’il tombe en ruine. Jeûne, prière, oeuvres de miséricorde, chasteté, réunissez toutes les vertus, si vous exceptez l’humilité, tout vous échappe, tout périt.
Le pharisien de l’Evangile est une preuve de ce que je dis. Après s’être déjà élevé jusqu’au plus haut degré de la vertu, il tomba et il perdit tout, parce qu’il n’avait point en lui cette mère de tous les biens. Car comme l’orgueil est la source de toute malice, l’humilité est le principe de toute sagesse. C’est pourquoi Jésus-Christ commence par elle ce discours, afin d’arracher de nos coeurs jusqu’aux moindres racines de la vanité.
Mais d’où vient, me direz-vous, qu’il parle de l’humilité à ses disciples qui étaient dans un état si humble ? Quel sujet avaient-ils de s’élever, étant pêcheurs, pauvres, grossiers, et méprisables? Je vous réponds que si Jésus-Christ ne disait pas ces paroles pour ses disciples, il les disait pour les autres qui étaient présents, et pour tous ceux qui devaient écouter un jour ses apôtres, afin que personne ne méprisât leur humilité. Mais plutôt, c’était aussi pour ses disciples qu’il disait ces choses. Car en admettant qu’ils n’eussent pas besoin alors de cette instruction, elle leur était néanmoins bien nécessaire pour l’avenir, lorsqu’ils feraient tant de prodiges et de miracles, qu’ils seraient si honorés de toute la terre, et qu’ils auraient tant de crédit et de confiance auprès de Dieu. Ni les richesses, ni la puissance, ni même la royauté ne seraient en état d’enfler le coeur autant que .toutes les grâces qui furent dans la suite accordées aux apôtres. Et avant même que de faire des miracles, n’avaient-ils pas dès lors quelque sujet de s’élever en voyant cette multitude de peuple, et ce concours de monde qui venait écouter leur Maître? Ne pouvaient-ils pas ressentir déjà quelque effet de la fragilité humaine? C’est pourquoi Jésus-Christ commence d’abord par les porter à l’humilité.
Il ne prend pas la forme de l’exhortation, ni le ton impératif pour introduire sa révélation, il la propose sous forme de béatitude, manière plus attrayante de présenter sa parole et d’ouvrir à tous le stade de la doctrine. Il ne dit pas en particulier: Celui-ci, ou celui-là; mais généralement tous ceux qui feront ce que je dis, seront bienheureux: quand vous seriez misérable, pauvre, esclave, étranger, ignorant, rien ne vous empêchera d’être heureux si vous êtes humble.
Ayant donc commencé par où il convenait surtout de le faire, il passe à une autre béatitude qui semble opposée au sentiment naturel de tous les hommes. Car au lieu que tout le monde appelle heureux ceux qui se divertissent et qui se réjouissent, et malheureux ceux qui sont dans l’affliction, dans la pauvreté et dans les larmes, Jésus-Christ déclare au contraire que ceux-ci sont heureux et les autres malheureux. « Bienheureux, dit-il, ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés (4).» Le monde, au contraire, ne trouve rien de plus malheureux. Aussi avait-il commencé par faire des miracles afin d’acquérir l’autorité qui lui était nécessaire pour porter ces lois.
Il n’appelle pas heureux généralement tous ceux qui pleurent, mais ceux qui pleurent pour leurs péchés. Car les larmes que l’on répand pour le siècle et la vie présente, non-seulement ne sont pas heureuses, mais elles nous sont même interdites comme dangereuses et mortelles, selon cette parole de saint Paul : « La tristesse de ce monde produit la mort, mais la tristesse qui est selon Dieu produit une pénitence stable pour le salut. »
C’est cette sorte de tristesse que Jésus-Christ appelle heureuse, et il ne marque pas seulement une tristesse commune, mais une profonde tristesse et qui aille jusqu’aux pleurs, lorsqu’il dit: « Heureux, non pas ceux qui sont tristes, mais ceux qui pleurent. » Ce précepte, mes frères, nous mène au comble de la vertu et de la sagesse chrétienne. Car si ceux qui pleurent la mort d’un fils, d’une femme ou d’un de leurs proches, ne sont agités d’aucune passion durant tout le temps de leur douleur, s’ils n’ont alors aucun mouvement ni d’avarice, ni d’impureté, ni d’orgueil, ni d’envie, ni de vengeance, ni d’aucun autre vice semblable, parce qu’ils sont tout entiers livrés à leur tristesse; combien ceux qui pleurent leurs péchés avec un regret sincère se montreront-ils plus dégagés de toutes les passions de l’âme? Mais quelle sera leur récompense? dit le Sauveur.
« Parce qu’ils sont consolés, » dit le Sauveur. Dites-nous donc où ils recevront cette consolation? Sera-ce en ce monde ou en l’autre? Ce sera dans tous les deux. Comme cette obligation de pleurer pouvait paraître dure et (113) fâcheuse, Jésus-Christ l’adoucit par la promesse qui était la plus propre pour en ôter toute l’amertume. Si vous voulez donc être consolé, pleurez. Et ne pensez point que ceci soit une énigme. Quand vous seriez accablé d’un déluge d’afflictions, si Dieu vous console lui-même, vous vous trouverez au-dessus de tous vos maux.
Dieu donne toujours à nos travaux de plus grandes récompenses qu’ils ne méritent. Cette promesse qu’il fait ici en est une preuve. Quand il appelle heureux ceux qui pleurent, ce bonheur n’est point un bonheur proportionné au mérite de celui qui le reçoit, mais à la bonté de Dieu qui le donne. Ces personnes qui pleurent, pleurent leurs péchés, et elles seraient déjà trop bien récompensées de leurs larmes, si elles pouvaient apaiser la colère de Dieu et recevoir de lui le pardon de tous leurs crimes. Mais comme l’amour de Dieu envers nous n’a point de bornes, il ne le termine pas à nous pardonner nos péchés ou à nous délivrer des peines qu’ils méritaient, mais de plus il nous rend heureux et nous comble de ses consolations divines.
Jésus-Christ ne nous commande pas de pleurer seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux de nos frères. C’est la disposition où ont été toutes les âmes saintes, comme Moïse, David et saint Paul. Tous ces hommes ont souvent versé des larmes pour les péchés que les autres avaient commis.
« Heureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre (5). » Quelle est cette terre qu’ils posséderont? Ce n’est pas, comme disent quelques-uns, une terre intelligible et spirituelle, puisque nous ne trouvons point que l’Ecriture ait jamais parlé d’une terre de cette sorte. Que devons-nous donc entendre par cette terre? Premièrement il promet une récompense sensible, comme saint Paul a dit:
« Honorez votre père et votre mère, afin que vous viviez longtemps sur la terre. » (Ephés. VI, 2.) Et comme Jésus-Christ même dit au bon larron: «Vous serez aujourd’hui avec moi dans le paradis. » (Luc, XXIII, 43.) Jésus-Christ ne promet pas seulement les biens à venir, mais encore les biens présents pour condescendre aux personnes plus grossières, qui souhaitent d’être heureuses dans ce monde, avant que de l’être dans l’autre. C’est dans ce même esprit qu’il dit un peu après: «Accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire;» et qu’il ajoute ensuite: «de peur qu’il ne vous livre au juge et le juge au ministre de la justice. » (Ibid. 25.) Il menace non pas d’une peine future, mais d’un supplice présent; comme il fait encore lorsqu’il dit: « Quiconque dira à son frère, Raca, méritera d’être condamné par le conseil. » (lb. 22.).
C’est ainsi que saint Paul promet souvent des récompenses sensibles, comme il tâche aussi de nous détourner du péché par des peines présentes. Par exemple, lorsqu’il traite de la virginité, et qu’il y invite ses auditeurs, il ne leur dit rien encore des biens du ciel, mais il prend ses motifs dans la vie présente: « Je crois, » dit-il, « qu’il est avantageux à l’homme de ne se point marier, à cause des fâcheuses nécessités de la vie présente. » (I Cor. VII, 26.) Et ensuite: «Les personnes mariées sentiront dans la chair des afflictions et des maux. Or je voudrais vous les épargner. » (Ibid. 28.) Et au- même endroit : « Je désire vous voir dégagés de soins et d’inquiétudes. » (Ibid. 32.) Jésus-Christ mêle de même ici les considérations temporelles aux éternelles. Et comme l’homme doux passe d’ordinaire pour laisser perdre ses biens, le Seigneur promet au contraire qu’il les possédera plus sûrement que l’homme violent et orgueilleux, lequel perdra souvent son patrimoine et jusqu’à son âme. D’ailleurs comme le Prophète avait dit dans l’Ancien Testament que « les doux hériteraient de la terre, » Jésus-Christ fait, entrer dans le tissu da son discours ces paroles familières aux. Juifs, pour ne pas paraître leur tenir un langage trop nouveau. Toutefois Jésus-Christ, en promettant la terre, ne termine pas là ses récompenses, mais il y joint celles de l’autre vie. Lorsqu’il promet des biens spirituels, il ne nous ôte pas les temporels; et d’un autre côté lorsqu’il promet les biens de ce monde, il ne s’en tient jamais là, mais il complète toujours sa promesse par les biens futurs : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu, » dit-il, « et toutes ces choses vous seront données par surcroît. »(Matth. VI, 33.) Et ailleurs: « Quiconque abandonnera pour moi sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs ou son père, ou sa mère, ou sa « femme, ou ses enfants, ou ses terres, en recevra cent fois autant, et aura pour héritage la vie éternelle. » (Matth. XIX, 29.)
4. « Heureux ceux qui ont faim et soit de la « justice, parce qu’ils, seront rassasiés (6).» Quelle est cette justice dont il parle? C’est ou (114) cette vertu en général, ou seulement celle de ses parties qui est la plus opposée à l’avarice. Comme il va recommander l’aumône et la miséricorde, il montre par avance comment on doit la pratiquer, c’est-à-dire, non de ses larcins ou de ses rapines; c’est ce qu’il fait entendre en appelant heureux ceux qui aiment la justice. Mais remarquez, avec quelle énergie d’expression il parle de cet amour. Il ne dit pas simplement: Heureux ceux qui gardent la justice; mais « heureux ceux qui ont faim, et qui ont soif de la justice, » afin que nous la pratiquions non pas froidement, mais avec toute l’ardeur possible. Comme c’est le propre de l’avarice d’être ardente à amasser du bien, et qu’on a d’ordinaire moins de passion pour le boire et pour le manger, que les avares n’en ont pour augmenter leurs richesses; Jésus-Christ veut que nous transportions cette ardeur à la pratique de la vertu opposée à l’avarice. Il nous propose encore ici une récompense sensible, « parce qu’ils seront rassasiés. »
Parce qu’on croit d’ordinaire que l’avarice enrichit les hommes, il montre au contraire que c’est la justice qui procure ce bienfait. Ne craignez donc plus la pauvreté ni la faim; lorsque vous pratiquerez la justice. Ce sont principalement ceux qui ravissent le bien des autres, qui perdent eux-mêmes ce qu’ils ont, comme au contraire celui qui aime la justice possède son bien en toute sûreté. Que si ceux qui ne prennent point le bien d’autrui, doivent jouir un jour d’une si grande abondance, quel sera le bonheur de ceux qui renoncent à tout ce qu’ils possédaient sur la terre ?
« Heureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’on leur fera miséricorde (7). » Ici Jésus-Christ parle, selon moi, de tous ceux qui pratiquent la miséricorde non-seulement par le moyen des richesses, mais encore par toutes sortes de bonnes œuvres. Il y a plusieurs manières d’exercer la miséricorde, et ce commandement est d’une très grande étendue. Quelle doit en être donc la récompense? « Parce, » dit-il, « qu’ils recevront miséricorde. » Il semble d’abord que cette récompense ne soit qu’égale au bien qu’on aura fait; mais elle est infiniment plus grande. Les hommes exercent la miséricorde en hommes mais Dieu leur fera miséricorde en Dieu. Il y a bien de la différence entre la compassion d’un homme, et celle d’un Dieu: et elles sont aussi éloignées l’une de l’autre, que la malice l’est de la bonté.
« Heureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu (8). » Remarquez que cette récompense est toute spirituelle. Ceux-là selon Jésus-Christ, ont le coeur pur, qui ont une vertu générale et universelle, et qui ne se sentent coupables de rien, ou qui possèdent la chasteté dans un degré éminent. Car il, n’y a point de vertu qui nous soit plus nécessaire pour mériter de voir Dieu. Ce qui fait dire à saint Paul: « Tâchez d’avoir la paix avec tout le monde, et de conserver la pureté sans la quelle personne ne verra Dieu. » (Hébr. XI, 14) Cette vue de Dieu qu’il promet, doit s’entendre de celle dont les hommes sont capables.
Ce commandement était nécessaire. Plusieurs sont assez charitables, s’abstiennent de la rapine, ne connaissent pas l’avarice, mais ils se livrent à l’impureté et à la fornication; or cela ne peut suffire, et c’est pour le montrer que Jésus-Christ ajoute ensuite ce précepte. Saint Paul enseigne la même chose dans son épître aux Corinthiens lorsqu’il rend aux Macédoniens le témoignage qu’ils s’étaient enrichis non-seulement par l’aumône, mais par toute sorte de vertus. Car après avoir parlé de la libéralité avec laquelle ils avaient secouru les pauvres de leur argent, il ajoute aussi qu’ils s’étaient donnés au Seigneur. Car parlant de la libéralité avec laquelle ils avaient secouru les pauvres, il dit: Qu’ils s’étaient donnés premièrement eux-mêmes à Dieu.
« Heureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu (9). » Jésus-Christ par ces paroles, non seulement nous défend les discussions et les haines ; il exige quelque chose de plus, il veut que nous travaillions à réconcilier entre eux ceux qui sont divisés. Il promet encore ici une récompense spirituelle « Ils seront,» dit-il, «appelés enfants de Dieu; » ça a été en effet l’oeuvre propre du Fils unique de Dieu, de réunir ce qui était divisé, et de réconcilier ceux qui étaient ennemis. Mais afin que 1’on ne croie pas qu’il n’existe point d’autre bien que la paix, il ajoute ensuite: « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume du ciel est à eux (10). » Ceux qui souffrent « pour la justice, » c’est-à-dire, pour la vertu; pour la piété, et pour la défense du prochain, car il entend d’ordinaire par ce mot « de (115) justice, » la réunion de toutes les vertus.
« Vous serez bienheureux , lorsque les hommes vous diront des paroles outrageuses, qu’ils vous persécuteront, et qu’à cause de moi, ils publieront faussement toute sorte de mal contre vous (11). Réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie, parce qu’une grande récompense vous est réservée dans les cieux (12). » Quand les hommes, dit-il, vous appelleraient séducteurs, imposteurs, ou n’importe quoi, « vous êtes bienheureux. » Qu’y a-t-il de plus nouveau que cette loi, qui appelle des biens ce que tout le monde fuit comme des maux, la pauvreté, les larmes, les persécutions, et les médisances? Cependant Jésus a persuadé cette doctrine, non à un, non à deux, non à dix, à vingt, à cent, à mille personnes, mais généralement à toute la terre. Ce peuple qui entendait ces vérités si nouvelles, si surprenantes, et si dures, ne laissait pas d’en être frappé, tant était grande la majesté de Celui qui les publiait.
5. Ne croyez pas néanmoins qu’il suffise simplement d’être en butte à la médisance pour mériter d’être proclamés bienheureux ; le Seigneur ajoute deux conditions nécessaires, la première que les injures soient souffertes pour lui, la seconde qu’elles soient fausses. Sans ces deux conditions, on devient non pas bienheureux , mais très-malheureux de subir les médisances des hommes.
Considérez encore la récompense qu’il attache à cette béatitude ; « parce qu’une grande récompense, » dit-il, « vous est réservée dans les cieux. » Pour vous, quoique vous ne voyiez pas toutes les béatitudes se terminer par la promesse du royaume des cieux, ne vous découragez pas pour cela; car bien qu’elles diffèrent par les noms, ces récompenses se réduisent cependant tontes en effet au seul royaume des cieux. Lorsque Jésus-Christ dit que ceux qui pleurent seront consolés, que les miséricordieux recevront miséricorde, que ceux qui ont le coeur pur verront Dieu, et que les hommes de paix seront appelés les enfants de Dieu, c’est toujours le royaume du ciel qu’il désigne par toutes ces béatitudes différentes, puisque ceux qui les recevront jouiront indubitablement de ce royaume. Ne croyez donc pas qu’il ne soit que pour les pauvres d’esprit; il est pour ceux qui ont faim et soif de la justice; il est pour les doux, il est pour toue les autres sans exception. Telle est la récompense qu’il promet généralement à tous, afin que vous ne vous promettiez rien de terrestre ou de sensible. Car vous ne pourriez pas être « heureux, » si vous n’aviez qu’une récompense périssable, qui passerait avec cette vie, et s’enfuirait plus vite qu’une ombre. Mais après avoir dit, «une grande récompense vous est réservée dans les cieux, » il ajoute aussitôt cette autre consolation:
« Car c’est ainsi qu’ils ont persécuté les prophètes qui ont été avant vous (12).» Comme le royaume des cieux qu’il leur promet, était un bonheur qui n’était encore qu’en espérance , il les console par avance, en leur montrant l’union et la conformité qu’ils ont avec les prophètes, qui ont souffert avant eux ces traitements si injustes. Ne croyez pas, leur dit-il, que vous soyez ainsi persécutés par les hommes, parce que vous leur enseignerez des choses dangereuses et mauvaises ; ni qu’ils vous traitent de la sorte, parce que vous serez les auteurs de quelques dogmes faux et erronez. Ces mauvais traitements ne viendront pas de la mauvaise doctrine que vous publierez, mais de la mauvaise vie de ceux qui vous écouteront. Ces calomnies ne tomberont pas sur vous qui les souffrirez, mais sur. ceux qui vous les feront souffrir. Tous les siècles passés en sont témoins. Quand ils ont si maltraité les prophètes, qu’ils les ont bannis, qu’ils les ont lapidés, et qu’ils leur ont fait souffrir tant de maux: ils l’ont fait par une fureur injuste, et non point pour avoir découvert en eux quelque sentiment impie et contraire à la loi de Dieu. Ne vous troublez donc point de ces violences. Le même esprit qui animait leurs pères les animera encore.
Considérez comme il relève le courage de ses disciples en les rapprochant de Moïse et d’Elie , et les mettant sur le même rang. C’est ce que saint Paul fait en écrivant aux Thessaloniciens : « Vous êtes devenus les imitateurs des églises de Dieu, qui ont embrassé la foi de Jésus-Christ dans la Judée, puisque vous avez souffert les mêmes persécutions de vos concitoyens que ces églises ont souffertes de la part des Juifs, qui ont tué même le Seigneur Jésus, et leurs propres prophètes ; qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes. » (I Thess. II, 14.) Telle est donc la pensée de Jésus-Christ. Dans les autres béatitudes il disait en général: « Heureux sont les pauvres ; heureux (116) sont les miséricordieux; » mais ici il détermine les personnes, et s’adressant spécialement à ses disciples, il leur dit : « Vous êtes bienheureux lorsque les hommes vous diront des paroles outrageuses, et qu’ils publieront toute sorte de mal de vous; » pour montrer que ce serait là particulièrement leur partage, et que les prédicateurs de l’Evangile devaient s’y attendre plus que tous les autres.
Il laisse encore entrevoir dans ces paroles sa grandeur et son égalité avec son père. Les prophètes, semble-t-il dire, ont souffert ces traitements à cause de mon Père; vous les souffrirez, vous autres, à cause de moi; et lorsqu’il dit: « Les prophètes qui ont été avant vous, » il montre qu’ils sont eux-mêmes devenus prophètes. Puis, pour leur faire comprendre que rien n’était pour eux plus utile ni plus glorieux que la persécution, il ne leur dit pas: Les hommes voudront mal parler de vous; ils voudront vous persécuter; mais je m’opposerai à eux, et je les empêcherai de le faire. Il veut que ses apôtres se mettent au-dessus de toute la malignité des hommes, non en n’étant point exposés à leurs médisances, mais en les souffrant avec courage, et en en faisant voir la fausseté par l’innocence et la sainteté de leur vie. Car l’un est bien plus glorieux que l’autre; car être frappé et ne pas ressentir les coups c’est bien plus que de n’être point frappé. C’est pour ce sujet que Jésus-Christ dit: « Car une grande récompense vous est réservée dans les cieux. »
Mais saint Luc nous apprend que Jésus-Christ s’est plus étendu en cet endroit, et a dit des choses qui peuvent nous consoler davantage. Car il ne dit pas seulement: bienheureux ceux qui souffrent l’injure à cause de Dieu, mais il dit encore malheur à ceux dont tout le monde dira du bien. « Malheur à vous, » dit-il, « lorsque tous les hommes diront du bien de vous.» (Luc VI,,26.) Cependant les hommes bénissaient les apôtres; mais non pas « tous. » C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas: « Malheur à vous lorsque les hommes, » mais, lorsque « tous les hommes diront du bien de vous. » Car il est impossible que ceux qui sont véritablement vertueux soient loués de tous les hommes.
Jésus-Christ ajoute ensuite « Lorsqu’ils rejetteront votre nom comme mauvais, réjouissez-vous alors, et tressaillez de joie. » (Luc VI, 22) Il leur promet de les récompenser, non-seulement pour les périls et les mauvais traitements auxquels ils auront été exposés pour lui, mais encore pour les médisances et les calomnies qu’on aura publiées contre eux. C’est pourquoi il ne dit pas: Lorsqu’ils vous persécuteront et qu’ils vous tueront; mais « lorsqu’ils publieront faussement toute sorte de mal de vous.» Car il y a quelque chose dans les calomnies, qui pénètre plus avant dans nos coeurs, que ne font souvent les mauvais traitements même. Dans les dangers, nombre de consolations adoucissent la peine; c’est par exemple, la voix publique qui encourage l’athlète, qui l’applaudit, le couronne, et proclame son triomphe. Mais dans la calomnie nous perdons même toutes ces consolations. On ne se figure pas que c’est la plus poignante persécution; on s’imagine qu’il ne faut qu’une vertu médiocre pour la supporter avec patience, quoiqu’on en ait vu recourir au fatal lacet pour se soustraire au supplice d’une mauvaise réputation. Et pourquoi s’étonner qu’il en soit ainsi chez les autres hommes, quand on voit un Judas, ce traître, ce déhonté, ce scélérat qui s’était fait un front à ne plus rougir de rien, céder lui-même à l’infamie et se pendre plutôt que de la supporter plus longtemps.
6. Et Job, ce coeur de diamant, cet homme plus ferme que le roc, lorsqu’il fut dépouillé de ses biens, frappé de calamités intolérables et privé de tous ses enfants, lorsqu’il vit les vers sourdre de son corps et qu’il entendit sa femme l’accabler de reproches, il supporta tout cela avec facilité; mais lorsqu’il vit ses amis parler mal de lui, et croire qu’il ne souffrait ces malheurs que pour ses péchés, il ne put s’empêcher de se troubler alors, et son grand coeur se sentit ébranlé de cette injure. David aussi oublie toutes ses autres souffrances, et prie Dieu seulement de se souvenir de la douceur avec laquelle il souffrit un médisant : « Laissez-le, » dit-il alors, « qu’il me maudisse, parce que le Seigneur lui en a donné l’ordre, afin qu’il voie l’affliction où je suis réduit, et qu’il me récompense un jour de ces calomnies que je souffre. » Saint Paul ne loue pas seulement les saints pour avoir souffert des maux ou la perte de leurs biens, mais encore pour avoir enduré des injures et des outrages. « Rappelez, » dit-il, en « votre mémoire ce premier temps, auquel, après avoir été illuminés, vous avez soutenu de grands combats, dans les afflictions (117) que l’on vous a fait souffrir, ayant été d’une part exposés devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements. ».
C’est pour cette raison que Jésus-Christ propose dans cette béatitude une grande récompense à ceux qui sont éprouvés de cette manière. Et comme pour empêcher qu’on ne lui dise : Quoi, vous ne défendrez pas vos apôtres de ces outrages! vous ne confondrez pas ces calomniateurs, et vous ne leur fermerez pas la bouche, en récompensant dès ce monde vos fidèles serviteurs! Il parle aussitôt des prophètes, pour nous faire souvenir qu’en leur temps même, Dieu ne s’est point vengé dès cette vie de ceux qui les déshonoraient par leurs médisances. Si donc lorsque Dieu récompensait les hommes par les biens présents, il n’encourageait néanmoins ses plus fidèles amis qu’en leur promettant les biens à venir, combien était-il plus juste que Jésus-Christ traitât de même les apôtres, puisqu’il les appelait à des espérances beaucoup plus grandes, et à une vertu beaucoup plus parfaite?
Mais considérez de combien de préceptes celui-ci est précédé; et ce n’est pas sans raison que Jésus-Christ a suivi cet ordre, il l’a fait pour nous montrer qu’à moins de s’être exercé longtemps, et fortifié dans toutes les autres béatitudes qui précèdent, nul ne peut demeurer ferme et invincible dans ces grands combats. Ainsi il se sert de la première comme d’un degré pour passer à la seconde, et ainsi de suite, et de la sorte c’est comme une admirable chaîne d’or qu’il nous a tissée. Car l’humble de coeur pleurera nécessairement ses péchés. Celui qui pleure ses péchés, sera, comme par une suite nécessaire, doux, juste et miséricordieux. Celui qu’il possédera la douceur, la justice et la miséricorde aura le coeur pur. Celui qui aura ce coeur pur sera sans doute un homme de paix, et celui qui possédera toutes ces vertus ne craindra point les périls; il ne se troublera point de la calomnie et conservera la patience dans les plus grands maux.
Après que Jésus-Christ a convenablement exhorté ses apôtres, il semble qu’il veuille les consoler par les louanges qu’il leur donne. Comme les préceptes qu’il venait de leur donner étaient assez relevés et infiniment au-dessus de l’ancienne loi, pour les empêcher de s’en étonner ou de s’en troubler, et de dire Comment pourrons-nous faire de si grandes choses? considérez ce qu’il leur dit: « Vous êtes le sel de la terre (13). » Il leur montre par là la nécessité où il est de leur donner ces préceptes. Ce n’est pas pour vous en particulier, leur dit-il, que je vous donne ces instructions, c’est pour le salut de toute la terre. Car je ne vous envoie pas comme autrefois les prophètes, à une ville ou à un peuple particulier, mais à la terre, à la mer, mais au monde tout entier, monde de corruption et de vice. Lorsqu’il leur dit : « Vous êtes le sel de la terre, » il montre que toute la nature des hommes était comme affadie et corrompue par le péché. C’est pourquoi il exige principalement de ses apôtres les vertus et les qualités qui leur étaient nécessaires pour toucher et pour convertir les hommes. Car lorsqu’un homme est doux, humble, charitable et juste, il ne renferme pas ces excellentes vertus en lui, mais elles sont comme des sources divines qui coulent et qui se répandent sur les autres. Celui de même qui a le cœur pur, qui est pacifique, et qui souffre persécution pour la vérité, sacrifie sa vie pour le bien de tous. Ne croyez donc point, mes apôtres, que je vous prépare de légers combats, et que ce soit sans raison que je vous appelle « le sel de la terre. » Quoi donc! ils ont corrigé ce qui était gâté? Non, ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Le sel ne remédie pas à la pourriture. Les apôtres n’ont point fait cela. Mais lorsque la grâce de Dieu avait renouvelé les coeurs, et qu’après les avoir délivrés de leur corruption, il les mettait comme en dépôt entre les mains des apôtres, c’était alors qu’ils montraient véritablement qu’ils étaient « le sel de la terre, » en les conservant dans cette nouvelle vie qu’ils avaient reçue de Dieu. Il n’appartient qu’à Jésus-Christ de délivrer les hommes de la corruption du péché, mais c’est aux apôtres ensuite à employer tous leurs soins pour les empêcher de retomber dans ce même état. Remarquez, je vous prie, comment Jésus-Christ met ses apôtres au-dessus des prophètes. Car il ne les appelle pas seulement les docteurs de la Judée, mais les maîtres « de toute la terre, » et des maîtres sévères et terribles. Ce qu’il y a d’admirable, c’est que sans flatter, sans s’occuper de plaire, mais en piquant et en brûlant, à la manière du sel, ils se sont ainsi fait aimer de tous les hommes.
Ne vous étonnez donc pas, semble-t-il leur dire, que je quitte les autres, pour m’adresser (118) particulièrement à vous, et que je vous exhorte à vous disposer à tarit de périls. Considérez combien de villes et combien de peuples vous devez instruire. Vous ne devez pas seulement être sages; mais vous devez entendre aussi les autres imitateurs de votre sagesse. Qu’ils doivent être prudents, ceux de qui dépend le salut des autres! Il leur faut une vertu surabondante afin de pouvoir la répandre sur les autres hommes. Si vous n’avez pas assez de vertu pour en communiquer aux autres, vous n’en aurez pas assez pour vous-mêmes.
7. Ne vous plaignez donc pas que ce que je demande de vous soit trop difficile. Car vous êtes « le sel, de la terre, » et je guérirai par vous la corruption des autres. Mais si vous perdez votre vigueur et votre force, vous vous perdrez vous-mêmes et les autres avec vous. Nus les choses dont je vous commets te soin sont importantes, plus vous devez y apporter d’application et de vigilance; c’est pourquoi il ajoute : « Que si le sel devient fade, avec quoi le salerait-on? Il n’est plus bon à rien, qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds des hommes (13).» Quand les autres tomberaient dans mille fautes, ils peuvent-en obtenir le pardon, mais si le maître même devient coupable, rien ne peut l’excuser, et on punira sa faute avec une rigueur extrême. De peur que les apôtres, en entendant dire que le monde les injurierait, qu’il les persécuterait et qu’il dirait d’eux tout le mal possible, ne fussent intimidés de ces prédictions et qu’ils ne craignissent de se produire en public, il leur déclare que s’ils ne sont prêts à souffrir ces traitements, c’est en vain qu’il les a choisis.
Vous ne devez pas craindre, leur dit-il, d’être calomniés par les hommes, mais de devenir lâches et flatteurs, parce qu’alors vous seriez «un sel fade que le monde foulerait aux pieds.» Mais si vous conservez toute votre âpreté contre la corruption, et qu’ensuite on dise du mal de vous, réjouissez-vous alors; car c’est là l’effet du sel, de piquer les plaies et de causer une douleur cuisante. Les malédictions des hommes vous suivront inévitablement; mais, bien loin de vous faire aucun mal, elles ne serviront qu’à rendre témoignage à votre invincible fermeté. Que si la crainte des calomnies vous fait perdre la vigueur qui vous convient, vous tomberez dans un état pire que celui que vous voulez éviter, et vous serez méprisés de tout le monde. C’est ce que veut dire cette parole : «Vous serez foulés aux pieds. » Le Sauveur passe ensuite à une comparaison plus relevée.
« Vous êtes, » leur dit-il, « la lumière du monde (14). » Il ne les appelle pas seulement la lumière d’une ville ou d’un peuple, mais « la lumière du monde. » Comme «le sel» dont il vient de parler est un sel tout spirituel, de même « la lumière» dont il parle ensuite est une lumière intérieure plus éclatante que la lumière du soleil. Il met d’abord «le sel», et ensuite «la lumière », pour montrer quel est l’avantage des paroles piquantes et le fruit d’une doctrine salutaire, puisqu’elle resserre en quelque sorte les âmes, en ne leur permettant plus de se relâcher et de se corrompre, et qu’elle les élève et les conduit comme par la main dans la voie de la vertu.
« Une ville située sur une montagne ne peut être cachée (14). Et on n’allume point une lampe pour la mettre sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison (15). » Jésus-Christ excite encore ses apôtres par ces paroles à veiller sur leur conduite, et les avertit de se tenir sur leur garde, se considérant comme exposés à la vue de tous les hommes et comme combattant sur un théâtre élevé au milieu de toute la terre. Ne vous arrêtez point, leur dit-il, à considérer ce petit coin du monde où nous sommes, lorsque je vous parle. Vous serez aussi en vue à tous les hommes que l’est une ville située sur le haut d’une montagne, ou une lampe qui éclaire toute une maison.
Où sont maintenant ceux qui osent douter de la toute-puissance de Jésus-Christ? Qu’ils écoutent ces paroles et que, reconnaissant la force de cette prophétie, ils soient frappés d’admiration et qu’ils viennent avec frayeur adorer cette redoutable majesté. Considérez ce que Jésus-Christ dit ici à des hommes qui n’étaient pas même alors connus dans leur propre pays, et comment il leur promet que la terre et la mer les connaîtront, et qu’ils rempliront le monde de leur réputation, ou plutôt non-seulement de leur réputation, mais encore de l’efficacité de leurs bienfaits. Car ce n’est pas l’a renommée qui, en portant partout leurs noms, les a rendus célèbres, c’est l’éclat des oeuvres qu’ils ont faites. Ils ont été comme des aigles-qui ont couru d’un bout du monde jusqu’à (119) l’autre avec plus de vitesse et de rapidité que le soleil, répandant de tous côtés la lumière et l’ardeur de la piété.
Mais il me semble que Jésus-Christ, par ces paroles, les exhorte encore à la confiance. Car en disant: « Qu’une ville située sur une montagne ne peut être cachée,» il déclare manifestement sa toute-puissance. Il semble qu’il dise que comme il est impossible qu’une ville soit cachée sur une montagne, il est impossible aussi que son Evangile ne se publie et qu’il demeure enseveli dans le silence. Après leur avoir parlé des persécutions, des calomnies, des périls et des afflictions, il ne veut pas qu’ils croient que ces maux puissent leur fermer la bouche et les obliger à se taire, et, pour les rassurer, il leur promet que non-seulement leur prédication n’en sera pas obscurcie, mais qu’elle en éclatera davantage pour éclairer tout l’univers; et qu’ainsi ils deviendront eux-mêmes célèbres et illustres. Par là il montre donc sa toute-puissance; et par ce qui suit, il leur marque quelle fermeté il attend d’eux. En effet, après avoir dit : « On n’allume point, » dit-il, « une lampe pour la mettre sous un boisseau, mais on la met sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison; » il ajoute:
« Ainsi que votre lumière luise devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux (46).» J’ai allumé la lampe moi-même, leur dit-il; c’est à vous maintenant à prendre garde qu’elle ne s’éteigne. Conservez-lui son éclat, non-seulement à cause de vous, mais encore à cause de ceux dont vous devez être la lumière, pour les éclairer et les conduire dans le chemin de la vérité. Les plus noires calomnies des hommes ne pourront obscurcir votre lumière, si vous vivez selon les règles que je vous donne, et d’une manière digne de ceux qui doivent convertir toute la terre. Faites donc que la sainteté de votre vie réponde à la grâce dont vous êtes les dispensateurs, afin que votre vertu conspire à étendre la publication et à relever la gloire de mon Evangile.
Il joint encore à ce premier avantage, qui est la conversion des hommes, une considération puissante pour les encourager, et pour les rendre plus fervents dans la pratique des vertus. Car en vivant de la sorte, leur dit-il, non seulement vous convertirez les hommes, mais « vous glorifierez Dieu votre Père : » comme au contraire, si vous agissez autrement, vous serez cause et que les hommes se perdront, et que le nom de Dieu sera déshonoré par leurs blasphèmes.
8. Les apôtres pouvaient demander ici à Jésus-Christ: Comment le Christ sera-t-il glorifié à cause de nous, si les hommes doivent nous maudire? — Mais ce ne seront pas tous les hommes; il n’y en aura que quelques-uns, et encore ne le feront-ils que par envie. Et ces envieux-là même, en vous décriant, vous admireront, comme les flatteurs condamnent dans leur coeur ceux qu’ils comblent ouvertement de fausses louanges.
Quoi donc, Seigneur, nous ordonnez-vous de vivre pour l’ostentation et l’amour de la gloire? — Au contraire, répond Jésus-Christ, je vous le défends très expressément. Je ne vous ai point commandé de publier vos bonnes oeuvres, et de faire que tout le monde les connaisse. Je vous ai dit seulement: « Que votre lumière luise, » c’est-à-dire : qu’il y ait en vous une grande vertu, que le feu de la charité brûle dans vos coeurs, et que sa lumière éclate au dehors. Car quand la vertu est dans cette haute perfection, il est impossible qu’elle demeure inconnue, quelque effort que puisse faire celui qui la possède, pour la cacher. Rendez donc toute votre vie irrépréhensible aux yeux des hommes, et qu’ils ne trouvent en vous aucun prétexte de vous accuser. Après cela, quand vous auriez mille calomniateurs, personne ne pourra ternir votre gloire.
C’est avec une grande raison qu’il se sert ici du mot de « lumière. » Car il n’y a rien qui rende un homme si remarquable et si illustre, que cet éclat qui naît de la vertu, quand, d’ailleurs, il ferait tout son possible pour demeurer inconnu. Il semble qu’il soit toujours environné du soleil, et que les rayons qu’il lance de toutes parts, non-seulement percent par toute la terre, mais pénètrent même jusque dans le ciel. Jésus-Christ donc console ainsi ses apôtres Si d’un côté plusieurs s’efforcent de vous noircir par leurs médisances, il y en aura aussi beaucoup d’autres qui vous admireront, et qui seront excités par votre exemple à aimer et à glorifier Dieu. Ainsi des deux côtés s’accroîtra votre récompense, puisque Dieu sera glorifié à cause de vous, et que vous serez insultés à cause de Dieu. (120) De peur que nous n’allions, de propos délibéré, attirer sur nous les mauvais propos des hommes, sous prétexte qu’une récompense est proposée à qui les souffre, il se garde de s’exprimer à cet égard d’une manière absolue, mais il apporte deux conditions: la première, c’est que le mal qu’on dira de nous soit faux; la seconde, c’est que nous le souffrirons pour l’amour de Dieu. Il leur enseigne de plus, que si les calomnies qu’ils souffriront, ne les empêchent pas d’être heureux, l’estime aussi qu’on fera d’eux leur sera très-avantageuse, puisque la gloire en remontera jusqu’à Dieu. Il relève ainsi leurs espérances pour l’avenir, comme s’il leur disait: Jamais la calomnie de vos envieux ne sera assez puissante pour aveugler de telle sorte les esprits des hommes, qu’ils ne puissent plus découvrir votre lumière. Lorsque vous deviendrez un sel fade et sans force, ce sera alors que vous serez foulés aux pieds par tout le monde. Mais lorsqu’en vivant saintement vous serez en butte à la calomnie, il s’en trouvera toujours plusieurs qui admireront votre vertu, et qui apprendront par votre exemple à rendre à votre Père la gloire qui lui est due. Il ne dit pas, votre Dieu, mais votre père, leur donnant déjà par avance des marques, et comme des gages de cette glorieuse naissance, qui devait les rendre les enfants de Dieu. En outre cette expression marque l’égalité d’honneur qui existe entre le Père et lui; en effet après avoir dit plus haut : ne vous attristez pas des mauvais propos auxquels vous serez en butte, il vous suffit que vous y soyez exposés à cause de moi, c’est maintenant le Père qu’il met au lieu de lui; l’égalité des personnes ne saurait être mieux marquée.
Puisque nous voyons, mes frères, que notre zèle sera si heureux, et notre négligence si malheureuse, et qu’elle deviendra d’autant plus criminelle, que le nom de Dieu sera blasphémé à cause de nous, rendons-nous, comme dit saint Paul, irrépréhensibles à l’égard des juifs, des gentils, et de toute l’Eglise de Dieu, et que toute notre vie soit plus pure et plus éclatante que la lumière du soleil. Que si quelqu’un parle mal de nous, ne nous affligeons pas de ce qu’on nous décrie; mais seulement de ce qu’on a raison de le faire. Si nous sommes dans le vice, quand personne ne parlerait mal de nous, nous serons les plus misérables de tous les hommes: mais si nous n’abandonnons point la vertu, quand tout le monde s’accorderait à nous charger d’outrages, nous ne laisserons pas d’être les plus heureux de tous les hommes, et nous attirerons de notre côté tous ceux qui penseront sérieusement à leur salut. Ils ne s’arrêteront pas aux médisances des méchants; mais ils considèreront la pureté de notre vie. Car les actions saintes rendent un son plus perçant que les trompettes les plus éclatantes ; et la pureté des moeurs jette une lumière plus brillanta que les rayons du soleil. Quand il y aurait mille calomniateurs, c’est en vain qu’ils s’efforceraient d’obscurcir un si grand éclat.
Si nous possédons ces vertus dont nous venons de parler; si nous sommes doux, miséricordieux, humbles, pacifiques, et purs de coeur, si nous ne rendons point injure pour injure, mais si nous nous réjouissons du mal qu’on dit contre nous, il n’est pas douteux que ces vertus ne frapperont pas moins ceux qui les verront, que pourraient faire les plus grands miracles. Tout le monde viendra avec joie se ranger de notre côté. Il n’y aura point d’homme, quelque méchant qu’il puisse être, qui ne fléchisse, quand ce serait une bête farouche, quand ce serait un démon. Que s’il s’en trouve néanmoins quelques-uns qui ne laissent pas de vous déchirer par leurs impostures, ne vous en troublez point. Ne regardez point ce qu’ils disent de vous en public, entrez dans le fond de leur conscience, et vous verrez que lors même qu’ils vous décrient, ils vous estiment, ils vous admirent, et ils vous donnent mille éloges en secret.
Considérez combien Nabuchodonosor loue ces trois jeunes hommes de la fournaise, quoiqu’il fût leur ennemi déclaré. Aussitôt qu’il a éprouvé leur confiance et leur courage, il les loue,,il leur offre des couronnes, seulement parce qu’ils avaient été fermes à lui désobéir, et à se tenir inviolablement attachés à la loi de Dieu. Quand le démon voit qu’il ne gagne rien par les calomnies qu’il fait publier contre nous, il se retire de peur de contribuer à augmenter notre couronne. Et quand cet imposteur se retire de ceux qui nous décriaient, quelque méchants et quelque corrompus qu’ils puissent être, ils reconnaissent enfin notre vertu, et ce nuage dont elle était couverte, se dissipe en même temps. Que si les hommes se refusent opiniâtrement à vous rendre justice, la récompense et la gloire que Dieu vous garde n’en seront que plus grandes. (121)
9. Ainsi donc ne vous affligez, ni ne vous découragez point, puisque les apôtres même « ont été aux uns une odeur de mort, et aux autres une odeur de vie. » (II Cor. II, 16.) Pourvu que vous ne donniez aucun sujet aux calomnies, vous serez exempts de faute, et les invectives ne feront que redoubler votre gloire. Que votre vie éclate en vertu et en sainteté, et après cela méprisez tous les calomniateurs. Car il est impossible qu’une grande vertu n’ait pas toujours beaucoup d’ennemis. Mais elle est hors d’atteinte à tous leurs efforts; et en la combattant ils ne servent qu’à la rendre plus illustre.
Que ces considérations, mes frères, nous portent à n’être attentifs qu’à une seule chose, qui est de bien régler toute notre vie. Ce sera ainsi que nous pourrons éclairer ceux qui sont assis dans l’ombre de la mort, et les attirer à la lumière et à la vie de Dieu. La force de cette lumière est telle, qu’elle peut non-seulement éclairer les hommes en cette vie, mais les conduire même jusqu’en l’autre, pourvu qu’ils-la suivent. Lorsqu’ils verront le mépris que nous avons pour tout ce qu’il y a sur la terre, et notre attente continuelle des biens du ciel, ils seront incomparablement plus touchés de nos actions, que de tout ce que nous leur pourrions dire. Car quel est l’homme, si stupide qu’on le suppose, qui, envoyant une personne plongée un peu auparavant dans l’amour des plaisirs et des richesses, se délivrer tout d’un coup de cet esclavage, s’élever à Dieu comme si elle avait des ailes, être prête à souffrir la faim, la pauvreté, et toutes sortes de travaux, et courir aux périls, à la mort, et à tout ce que les autres regardent comme effroyable, quel est, dis-je, l’homme qui ne regarde ce changement comme une preuve certaine des biens invisibles d’une autre vie? Que si l’on voit au contraire que nous nous embarrassions dans les soins et dans l’amour des choses d’ici-bas , comment pourra-t-on croire que nous soupirions après la félicité du ciel ? Qui pourra excuser notre lâcheté, lorsque le respect et la crainte que nous devons à Dieu, n’aura pas eu sur nous la même force qu’a sur les sages du monde, l’amour de la gloire?
On a vu quelquefois ces philosophes superbes renoncer à toutes les richesses, et mépriser la mort, seulement pour s’acquérir de l’estime parmi les hommes. Ils ont fait toutes ces choses, n’ayant pour fruit et pour espérance que la vanité. Mais quelle excuse nous reste-t-il à nous autres, qui attendons une récompense si ineffable, et qui avons reçu de si grandes lumières, si nous ne faisons pas même ce que ces philosophes ont fait, et si au lieu d’user de ces grâces pour notre salut, nous nous perdons nous-mêmes, et les autres avec nous? Un païen qui pèche est beaucoup moins coupable qu’un chrétien qui tombe dans la même faute. Et la raison en est claire, puisque toute la gloire qu’attendent ces premiers, est une gloire corruptible et périssable, et que la nôtre au contraire est aujourd’hui, par la grâce de Dieu, reconnue et respectée même par les impies. C’est pourquoi lorsque les païens veulent nous faire ,un grand reproche, et nous couvrir de confusion, ils nous disent : vous faites cela vous, un chrétien? Ce qu’ils ne diraient pas sans doute, s’ils n’avaient une grande idée de notre religion.
Ne savez-vous pas combien Jésus-Christ vous a donné de préceptes, et combien est pur ce qu’il vous commande? Comment pourrez-vous obéir à un seul des commandements qu’il vous fait, puisqu’au lieu de vous y appliquer, vous courez de tous côtés pour recueillir l’argent de vos injustices; vous ajoutez usure sur usure; vous vous occupez à un commerce et à un trafic indigne de vous, vous ne pensez qu’à acheter des troupes d’esclaves, des vases d’argent, des terres, des maisons, et des ameublements à l’infini? Encore plût à Dieu que vous en demeurassiez-là! Mais lorsqu’à ces bassesses, vous joignez encore l’injustice; que vous ajoutez à vos terres les terres de vos voisins, que vous enlevez les maisons des autres;que vous opprimez le pauvre; et que vous augmentez la misère de ceux qui meurent de faim, comment serez-vous dignes de mettre seulement le pied sur le seuil de cette église?
Mais peut-être que vous faites quelques aumônes aux pauvres. Je le sais: mais je sais aussi combien il se mêle de corruption dans ces aumônes. Car ou vous les faites avec le sentiment d’un orgueil satisfait; ou pour vous acquérir une vaine gloire parmi les hommes, et ainsi ces bonnes oeuvres sont sans récompense. N’êtes-vous donc pas bien malheureux de vous nuire de la sorte en faisant du bien, et de trouver le naufrage dans le port? Ainsi pour éviter ce malheur; lorsque vous faites quelque bien, n’en attendez pas la récompense d’un homme, afin que Dieu même vous la (122) doive. C’est lui qui a dit: « Prêtez sans en rien espérer. » (Luc, VI, 35.) Puisqu’un Dieu qui est si riche, se charge de vous payer cette dette, comment pouvez-vous l’exiger d’un homme, et d’un homme qui est si pauvre? Ce débiteur adorable se fâche-t-il, lorsqu’on exige de lui ce qu’il doit? Est-il pauvre, ou dissimule-t-il de payer sa dette? Ne savez-vous pas que ses trésors sont inépuisables, et sa libéralité infinie et incompréhensible? adressez-vous donc à lui; importunez-le; pressez-le de vous payer, parce qu’il prend plaisir à ce qu’on l’importune de la sorte. Lorsqu’il voit qu’on exige d’un autre ce qu’il doit, il le tient à injure et alors il ne pense plus à payer ce qu’il devait, mais à se venger de l’injustice qui lui est faite. Suis-je un ingrat, vous dit-il alors; ou avez-vous trouvé que je sois pauvre, pour ne vous adresser pas à moi, afin que je vous paye, et pour avoir recours à un homme? vous avez prêté à l’un, et vous exigez de l’autre le payement? A la vérité c’est un homme qui a reçu, mais c’est Dieu qui a commandé de donner. C’est lui qui est votre principal débiteur. C’est lui qui répond de votre argent, qui est votre caution, et qui vous fait naître une infinité d’occasions d’exiger de lui ce qu’il vous doit. Ne quittez donc pas cette facilité que vous trouvez auprès de Dieu à vous faire payer, pour vous adresser à un homme qui n’a rien.
Car pourquoi me considérez-vous moi, ou quelque homme que ce soit, quand vous faites une action de miséricorde? Est-ce moi qui vous ai commandé de la faire? Est-ce moi qui vous en ai promis la récompense? N’est-ce pas Dieu même qui a dit: « Celui qui a compassion du pauvre, donne son argent à usure à Dieu? » (Prov. IX, 17.) Puis donc que c’est Dieu qui vous est redevable, adressez-vous à lui. Vous dites qu’il ne vous payera pas toute votre dette en cette vie. Mais c’est pour votre avantage, qu’il diffère de vous la payer ailleurs. Dieu ne fait pas comme les hommes qui se hâtent de rendre seulement ce qu’on leur avait prêté. Il pense à assurer et à multiplier votre principal. C’est pourquoi il veut qu’ici vous lui donniez beaucoup à usure, et il vous réserve un trésor ailleurs.
10. Sachant cela, mes frères, pratiquons donc beaucoup la miséricorde; montrons beaucoup d’humanité pour les pauvres, et assistons-les non-seulement de notre bien, mais encore de nos bons offices. Si nous voyous qu’on fasse souffrir et qu’on maltraite quelqu’un dans l’agora, délivrons-le; s’il faut pour cela donner de l’argent, donnons-en; s’il faut y employer les paroles et les sollicitations, ne les épargnons pas. Une seule de nos paroles sera récompensée, et encore plus nos gémissements et nos soupirs. C’est pourquoi le bienheureux Job disait : « Je pleurais sur celui qui était dans l’affliction, et mon âme était touchée de compassion pour le pauvre. »(Job, XXX, 25.) Que si les soupirs et les larmes seules ont leur prix devant Dieu, comment les récompensera-t-il, lorsqu’on y joindra les paroles, les soins, et les actions?
Et nous aussi, nous étions dans l’inimitié de Dieu; et le Fils unique a opéré notre réconciliation; il s’est interposé; il a subi le châtiment à notre place; il a enduré la mort pour nous. Ayons la même charité envers ceux qui sont dans l’affliction, et tâchons de les délivrer de tant de misères qui les accablent. Défaisons-nous de la détestable coutume que nous avons de nous attrouper autour des gens qui se querellent ou se battent, arrêtés que nous sommes par le plaisir que nous trouvons dans la honte et la douleur des autres, et charmés par la vue d’un spectacle diabolique. Quoi de plus inhumain qu’une telle conduite? Vous voyez des personnes se déchirer par des injures, se meurtrir de coups, s’arracher leurs vêtements, se défigurer le visage, et vous pouvez vous arrêter pour les regarder en paix? Est-ce donc un lion ou un ours qui se bat? Est-ce un serpent ou quelque autre bête farouche? N’est-ce pas un homme semblable à vous? N’est-ce pas votre frère, et l’un de vos membres? Ne les regardez donc pas, mais séparez-les. Ne prenez pas plaisir à les voir, mais tâchez de les réconcilier. Bien loin d’attirer les autres à ce spectacle honteux, tâchez au contraire d’en chasser ceux qui s’y rassemblent. Il faut avoir perdu et l’honneur et la raison, il faut être un méchant et un scélérat, pour vouloir bien repaître ses yeux de semblables turpitudes. Vous voyez un homme qui en outrage un autre; et vous croyez être innocent en voyant ce mal sans l’empêcher? Vous ne vous jetez pas au milieu de ces personnes, pour dissiper cette oeuvre du diable, et pour prévenir les périls et la mort des hommes !
Oui, direz-vous, pour que je m’expose moi-même (123) même aux coups, faut-il aussi que je coure ce danger? l’ordonnez-vous? Il est probable que ce malheur ne vous arrivera pas. Mais supposons qu’il vous arrive, eh bien! votre fait sera celui d’un martyr, car c’est pour Dieu que vous aurez souffert. Si vous craignez d’être blessé pour votre frère, considérez que votre Sauveur a bien voulu être crucifié pour vous. Ces personnes que vous regardez sont comme des hommes ivres. Ils sont transportés par la violence de leur passion et de leur fureur. Ils ont besoin de quelque personne sage qui les assiste dans cette rencontre. Celui qui fait l’outrage et celui qui le reçoit, ont tous deux également besoin de ce secours; l’un pour ne plus souffrir cette violence, et l’autre pour ne la plus faire. Rendez-leur donc ce service. Tendez la main, vous qui êtes sobre, à ces personnes qui sont ivres. Car la colère et la fureur est une ivresse pire que n’est celle du vin.
Ne voyez-vous pas tous les jours sur lamer que lorsqu’un vaisseau est menacé du naufrage, tous les mariniers qui sont au port courent au secours de leurs compagnons qui sont en danger de se perdre? Si la communauté de leur métier leur inspire ce dévouement, combien plus n’en doit pas inspirer la communauté de la nature. Ces personnes que vous voyez sont en danger de faire un naufrage bien plus dangereux que n’est celui de la mer. Car ou celui qui souffre l’injure commet le blasphème ou le parjure, emporté par sa co1ère, et le malheureux perdant tous ses avantages, tombe misérablement en enfer; ou celui qui fait violence devient l’homicide de son âme, comme il l’est du corps de son ennemi, et se tue en le tuant. Allez donc, arrêtez de si grands maux. Retirez du milieu des eaux ces personnes qui y périssent. Jetez-vous hardiment dans le fond de ces abîmes pour les en retirer. Faites cesser ce spectacle diabolique. Prenez chacun en particulier; exhortez-le, et tâchez d’apaiser cette tempête. Que si leur colère est trop violente, ne vous rebutez pas. Vous avez beaucoup de personnes auprès de vous, qui vous aideront quand vous aurez commencé, et Dieu qui est le Dieu de la paix vous assistera encore plus alors que tous les hommes ensemble. Si vous étendez le premier la main pour étendre la flamme, les autres vous imiteront, et vous recevrez la récompense du bien que vous leur aurez fait faire. Considérez ce que le Christ a commandé autrefois aux Juifs, quoique si grossiers et si terrestres. Si vous voyez, leur dit-il, que le cheval de votre ennemi soit tombé dans le chemin, ne passez pas outre, mais courez à son secours, afin de l’aider à relever son cheval. Or il est bien plus aisé de séparer deux personnes qui se battent, et de les réconcilier ensemble. Si donc Dieu commande ce secours de charité pour sauver le cheval de son ennemi; combien plus vous le commande-t-il pour sauver l’âme de vos frères; principalement lorsque leur chute est incomparablement plus funeste? Car elle ne tombe pas dans un bourbier, mais dans le feu même de l’enfer, où elle se précipite après s’être laissée abattre par la violence de sa colère. Cependant lorsque vous voyez votre frère accablé sous ce poids, et que de plus le démon lui insulte, et excite encore ce feu qui le brûle, vous passez outre sans être touché de compassion, et avec une cruauté qui serait inexcusable même envers les bêtes.
11. Le Samaritain autrefois ayant vu un homme blessé, quoiqu’il ne le connût pas, et qu’il ne lui fût rien, s’arrêta néanmoins et le mit sur son cheval, le mena dans une hôtellerie, et ayant fait venir un médecin pour guérir ses plaies, il donna sur l’heure une partie de l’argent, et promit le reste. Et vous lorsque vous voyez votre frère tombé entre les mains non des voleurs, mais des démons; lorsque vous voyez que la colère lui déchire le coeur, non dans les bois ou dans les lieux écartés, mais au milieu de la ville, vous passez sans rien dire, avec une dureté cruelle et impitoyable, quoique vous n’ayez pas besoin pour le soulager de prêter votre cheval, comme le Samaritain, ou d’aller bien loin, ou de donner de l’argent? Après cette inhumanité envers votre frère, attendez-vous que Dieu vous écoute lorsque vous l’invoquerez?
Des spectateurs passons aux acteurs de ces honteuses luttes. Je m’adresse à vous qui osez outrager votre frère devant tout le monde. Dites-moi, vous faites des blessures, vous frappez avec le pied, vous mordez. Etes-vous donc un sanglier, ou un onagre? Ne rougissez-vous point de quitter la douceur naturelle à l’homme, pour prendre la fureur des bêtes sauvages? Vous êtes pauvre, mais vous êtes libre; vous êtes un artisan, un manoeuvre, mais vous êtes chrétien. La qualité même de (124) pauvre vous engage plus à la douceur et à la paix. C’est aux riches à disputer et non pas aux pauvres: car les richesses mêmes leur donnent mille sujets de divisions et de querelles. Vous n’avez pas la satisfaction des richesses, et vous en attirez la malédiction sur vous, en vous engageant comme les riches dans des inimitiés et des querelles. Vous osez battre et outrager votre frère, vous l’étranglez, et vous le foulez aux pieds devant tout un peuple. Ne voyez-vous pas quelle honte vous encourez en imitant la fureur des bêtes féroces, en les surpassant même en cruauté? Car les bêtes ont toutes choses en commun; elles s’attroupent ensemble; elles marchent ensemble; elles se réjouissent d’être ensemble: et nous, au contraire, nous n’avons rien de commun. Tout est dans la confusion parmi nous; ce ne sont qu’inimitiés, que querelles qu’injures et outrages. Nous n’avons de respect ni pour le ciel, où. nous sommes tous appelés, ni pour la terre qui nous a été donnée pour en jouir tous ensemble; ni pour la nature même qui nous est commune à tous. La passion de la colère, et l’amour des richesses ont tout ravagé dans nos coeurs.
Ne savez-vous point dans quel malheur tomba ce serviteur, qui devait mille talents à son maître et qui osa bien, après qu’on lui eut remis cette dette, étrangler sans compassion un de ses confrères qui lui devait cent deniers? Vous souvenez-vous comment il fut condamné sur l’heure à une éternelle mort? Vous ne tremblez point à cet exemple et vous ne lisez pas dans le sort de ce misérable l’arrêt qui est déjà prononcé contre vous! Car nous sommes aussi nous autres redevables à Dieu d’une infinité de dettes. Et néanmoins sa patience nous attend et il ne nous traite point avec la rigueur dont nous usons envers nos frères. Il ne nous met point le pied sur la gorge, quoique s’il voulait se faire payer de la moindre partie de ce que nous lui devons, il y a déjà longtemps que nous serions tous perdus.
Pensons à ceci, mes très-chers frères, humilions-nous et tenons-nous pour obligés à ceux même qui nous doivent, puisque si nous agissons sagement et chrétiennement envers eux, ils nous serviront à obtenir de Dieu la remise d’une grande dette et qu’en leur donnant peu, nous en recevrons beaucoup. Pourquoi exigez-vous avec violence ce que votre frère vous doit? Quand il voudrait vous le rendre, vous devriez le lui remettre volontairement, afin que Dieu vous en tînt compte un jour et vous rendit le tout. Cependant vous agissez inhumainement et vous faites tous vos efforts pour ne pas perdre un denier de ce qui vous est dû. Il semble que cette violence ne tombe que sur votre frère; mais vous vous percez vous-mêmes en le blessant et vous ne faites qu’accroître le supplice qui vous est réservé dans l’enfer. Que si au contraire vous témoignez un peu de charité, vous obligerez Dieu même à vous traiter avec douceur dans son jugement. Car il veut que nous commencions ici les premiers à pratiquer cette générosité envers nos frères, afin d’en tirer occasion de nous rendre beaucoup plus que nous ne donnons.
Faites donc grâce à tous ceux qui vous sont redevables, remettez aux uns l’argent qu’ils vous doivent, aux autres les offenses que vous en avez reçues, et exigez ensuite de Dieu la récompense de cette conduite si généreuse. Tant que vous presserez les hommes de vous payer, Dieu ne sera point votre débiteur. Mais quand vous leur remettrez ce qu’ils vous doivent pour vous adresser à Dieu, il récompensera votre générosité par une magnificence toute divine. Si un homme, vous voyant prendre l’un de vos débiteurs à la gorge pour lui faire payer ses dettes, vous conjurait de le laisser et se chargeait lui-même de cette dette; et qu’en sa considération vous eussiez laissé aller cet homme libre, n’est-il pas vrai que ce répondant si charitable se tiendrait pour votre obligé, quoiqu’il se fût chargé de toute la dette que vous exigiez de l’autre? Comment donc Dieu ne nous récompensera-t-il pas à l’infini, puisque pour obéir à sa loi, nous remettons à nos débiteurs tout ce qu’ils nous doivent sans leur redemander la moindre chose?
Ne considérons point, mes frères, ce plaisir cruel que nous trouvons à exiger des autres tout ce qu’ils nous doivent, mais envisageons le péril où nous nous exposons pour jamais, et la perte que nous faisons volontairement des richesses éternelles. Elevons-nous aujourd’hui au-dessus de tout. Remettons aux hommes ou l’argent qu’ils nous doivent, ou le mal qu’ils ont commis contre nous, afin que notre juge nous traite plus favorablement dans ce que nous lui devons et qu’il nous accorde, par cette facilité à pardonner les injures, ce que nous n’avons pu obtenir de lui par toutes les autres vertus. Ce sera le moyen de jouir éternellement (125) des biens du ciel que je vous souhaite, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire maintenant et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


3
http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-10/npnf1-10-21.htm#P1331_455240

Homily XV.
Matthew Chapter 5, Verse 1 And Matthew Chapter 5, Verse 2

Homily XV.
Matthew Chapter 5, Verse 1 And Matthew Chapter 5, Verse 2
"And Jesus seeing the multitudes went up into the mountain, and when He was set, His disciples came unto Him. And He opened His mouth, and taught them saying, Blessed," etc.
See how unambitious He was, and void of boasting: in that He did not lead people about with Him, but whereas, when healing. was required, He had Himself gone about everywhere, visiting both towns and country places; now when the multitude is become very great, He sits in one spot: and that not in the midst of any city or forum, but on a mountain and in a wilderness; instructing us to do nothing for display, and to separate ourselves from the tumults of ordinary life,1 and this most especially, when we are to study wisdom, and to discourse of things needful to be done.
But when He had gone up into the mount, and "was set down, His disciples came unto Him." Seest thou their growth in virtue? and how in a moment2 they became better men? Since the multitude were but gazers on the miracles, but these from that hour desired also to hear some great and high thing. And indeed this it was set Him on His teaching, and made Him begin this discourse.
For it was not men's bodies only that He was healing, but He was also amending their souls; and again from the care of these He would pass to attendance on the other. Thus He at once varied the succor that He gave, and likewise mingled with the instruction afforded by His words, the manifestation of His glory from His works; and besides, He stopped the shameless mouths of the heretics, signifying by this His care of both parts of our being, that He Himself is the Maker of the whole creation. Therefore also on each nature He bestowed abundant providence, now amending the one, now the other.
And in this way He was then employed. For it is said, that "He opened His mouth, and taught them." And wherefore is the clause added, "He opened His mouth"? To inform thee that in His very silence He gave instruction, and not when He spoke only: but at one time by "opening His mouth," at another uttering His voice by the works which He did.
But when thou hearest that He taught them, do not think of Him as discoursing with His disciples only, but rather with all through them.
For since the multitude was such as a multitude ever is,3 and consisted moreover of such as creep on the ground,4 He withdraws the choir of His disciples, and makes His discourse unto them: in His conversation with them providing that the rest also, who were yet very far from the level of His sayings, might find His lesson of self-denial no longer grievous unto them. Of which indeed both Luke gave intimation, when he said, that. He directed His words unto them:5 and Matthew too, clearly declaring the same, wrote, "His disciples came unto Him, and He taught them." For thus the others also were sure to be more eagerly attentive to Him, than they would have been, had He addressed Himself unto all.
2. Whence then doth He begin? and what kind of foundations of His new polity doth He lay for us?
Let us hearken with strict attention unto what is said. For though it was spoken unto them, it was written for the sake also of all men afterwards. And accordingly on this account, though He had His disciples in His mind in His public preaching, yet unto them He limits not His sayings, but applies all His words of blessing without restriction. Thus He said not, "Blessed are ye, if ye become poor," but "Blessed are the poor." And I may add that even if He had spoken of them, the advice would still be common to all. For so, when He saith, "Lo! I am with you always, even unto the end of the world,"6 He is discoursing not with them only, but also, through them, with all the world. And in pronouncing them blessed, who are persecuted, and chased, and suffer all intolerable things; not for them only, but also for all who arrive at the same excellency, He weaves His crown.
However, that this may be yet plainer, and to inform thee that thou hast great interest in His sayings, and so indeed hath all mankind, if any choose to give heed; hear how He begins these wondrous words.
"Blessed are the poor in spirit; for theirs is the kingdom of Heaven."7
What is meant by "the poor in spirit?" The humble and contrite in mind. For by "spirit" He hath here designated the soul, and the faculty of choice. That is, since many are humble not willingly, but compelled by stress of circumstances; letting these pass (for this were no matter of praise), He blesses them first, who by choice humble and contract themselves.
But why said he not, "the humble," but rather "the poor?" Because this is more than that. For He means here them who are awestruck, and tremble at the commandments of God. Whom also by His prophet Isaiah God earnestly accepting said, "To whom will I look, but to him who is meek8 and quiet, and trembleth at My words?"9 For indeed there are many kinds of humility: one is humble in his own measure, another with all excess of lowliness. It is this last lowliness of mind which that blessed prophet commends, picturing to us the temper that is not merely subdued, but utterly broken, when he saith, "The sacrifice for God is a contrite spirit, a contrite and an humble heart God will not despise."10 And the Three Children also offer this unto God as a great sacrifice, saying, "Nevertheless, in a contrite soul, and in a spirit of lowliness, may we be accepted."11 This Christ also now blesses.
3. For whereas the greatest of evils, and those which make havoc of the whole world, had their entering in from pride:-for both the devil, not being such before, did thus become a devil; as indeed Paul plainly declared, saying, "Lest being lifted up with pride, he fall into the condemnation of the devil:"12 -and the first man, too, puffed up by the devil with these hopes, was made an example of,13 and became mortal (for expecting to become a god, he lost even what he had; and God also upbraiding him with this, and mocking his folly, said, "Behold, Adam is become as one of us"14 ; and each one of those that came after did hereby wreck himself in impiety, fancying some equality with God:-since, I say, this was the stronghold of our evils, and the root and fountain of all wickedness, He, preparing a remedy suitable to the disease, laid this law first as a strong and safe foundation. For this being fixed as a base, the builder in security lays on it all the rest. But if this be taken away, though a man reach to the Heavens in his course of life,15 it is all easily undermined, and issues in a grievous end. Though fasting, prayer, almsgiving, temperance, any other good thing whatever, be gathered together in thee; without humility all fall away and perish.
It was this very thing that took place in the instance of the Pharisee. For even after he had arrived at the very summit, he "went down"16 with the loss of all, because he had not the mother of virtues: for as pride is the fountain of all wickedness, so is humility the principle of all self-command. Wherefore also He begins with this, pulling up boasting by the very root out of the soul of His hearers.
"And what," one may ask, "is this to His disciples, who were on every account humble? For in truth they had nothing to be proud of, being fishermen, poor, ignoble, and illiterate." Even though these things concerned not His disciples, yet surely they concerned such as were then present, and such as were hereafter to receive the disciples, lest they should on this account despise them. But it were truer to say that they did also concern His disciples. For even if not then, yet by and by they were sure to require this help, after their signs and wonders, and their honor from the world, and their confidence towards God. For neither wealth, nor power, nor royalty itself, had so much power to exalt men, as the things which they possessed in all fullness. And besides, it was natural that even before the signs they might be lifted up, at that very time when they saw the multitude, and all that audience surrounding their Master; they might feel some human weakness. Wherefore He at once represses their pride.
And He doth not introduce what He saith by way of advice or of commandments, but by way of blessing, so making His word less burthensome, and opening to all the course of His discipline. For He said not, "This or that person," but "they who do so, are all of them blessed." So that though thou be a slave, a beggar, in poverty, a stranger, unlearned,17 there is nothing to hinder thee from being blessed, if thou emulate this virtue.
4. Now having begun, as you see, where most need was, He proceeds to another commandment, one which seems to be opposed to the judgment of the whole world. For whereas all think that they who rejoice are enviable, those in dejection, poverty, and mourning, wretched, He calls these blessed rather than those; saying thus,
"Blessed are they that mourn."18
Yet surely all men call them miserable. For therefore He wrought the miracles beforehand, that in such enactments as these He might be entitled to credit.
And here too again he designated not simply all that mourn, but all that do so for sins: since surely that other kind of mourning is forbidden, and that earnestly, which relates to anything of this life. This Paul also clearly declared, when he said, "The sorrow of the world worketh death, but godly sorrow worketh repentance unto salvation, not to be repented of."19
These then He too Himself calls blessed, whose sorrow is of that kind; yet not simply them that sorrow did He designate, but them that sorrow intensely. Therefore He did not say, "they that sorrow," but "they that mourn." For this commandment again is fitted to teach us entire self-control. For if those who grieve for children, or wife, or any other relation gone from them, have no fondness for gain or pleasure during that period of their sorrow; if they aim not at glory, are not provoked by insults, nor led captive by envy, nor beset by any other passion, their grief alone wholly possessing them; much more will they who mourn for their own sins, as they ought to mourn, show forth a self-denial greater than this.
Next, what is the reward for these? "For they shall be comforted," saith He.
Where shall they be comforted! tell me. Both here and there. For since the thing enjoined was exceeding burthensome and galling, He promised to give that, which most of all made it light. Wherefore, if thou wilt be comforted, mourn: and think not this a dark saying. For when God doth comfort, though sorrows come upon thee by thousands like snow-flakes, thou wilt be above them all. Since in truth, as the returns which God gives are always far greater than our labors; so He hath wrought in this case, declaring them that mourn to be blessed, not after the value of what they do, but after His own love towards man For they that mourn, mourn for misdoings, and to such it is enough to enjoy forgiveness, and obtain wherewith to answer for themselves. But forasmuch as He is full of love towards man, He doth not limit His recompense either to the removal of our punishments, or to the deliverance from our sins, but He makes them even blessed, and imparts to them abundant consolation.
But He bids us mourn, not only for our own, but also for other men's misdoings. And of this temper were the souls of the saints: such was that of Moses, of Paul, of David; yea, all these many times mourned for evils not their own.
5. "Blessed are the meek, for they shall inherit the earth."20 Tell me, what kind of earth? Some21 say a figurative earth, but it is not this, for nowhere in Scripture do we find any mention of an earth that is merely figurative.22 But what can the saying mean? He holds out a sensible prize; even as Paul also doth, in that when he had said, "Honor thy father and thy mother,"23 he added, "For so shalt thou live long upon the earth." And He Himself unto the thief again, "Today shalt thou be with me in Paradise."24
Thus He doth not incite us by means of the future blessings only, but of the present also, for the sake of the grosset sort of His hearers, and such as before the future seek those others.
Thus, for example, further on also He said, "Agree with thine adversary."25 Then He appoints the reward of such self-command, and saith, "Lest at any time the adversary deliver thee to the judge, and the judge to the officer."26 Seest thou whereby He alarmed us? By the things of sense, by what happens before our eyes. And again, "Whosoever shall say to his brother, Rata, shall be in danger of the council."27
And Paul too sets forth sensible rewards at great length, and uses things present in his exhortations; as when he is discoursing about virginity. For having said nothing about the heavens there, for the time he urges it by things present, saying, "Because of the present distress," and, "But I spare you," and, "I would have you without carefulness,"28
Thus accordingly Christ also with the things spiritual hath mingled the sensible. For whereas the meek man is thought to lose all his own, He promises the contrary, saying, "Nay, but this is he who possesses his goods in safety, namely, he who is not rash, nor boastful: while that sort of man shall often lose his patrimony, and his very life."
And besides, since in the Old Testament the prophet used to say continually, "The meek shall inherit the earth;"29 He thus weaves into His discourse the words to which they were accustomed, so as not everywhere to speak a strange language.
And this He saith, not as limiting the rewards to things present, but as joining with these the other sort of gifts also. For neither in speaking of any spiritual thing doth He exclude such as are in the present life; nor again in promising such as are in our life, doth He limit his promise to that kind. For He saith, "Seek ye the kingdom of God, and all these things shall be added unto you."30 And again: "Whosoever hath left houses or brethren, shall receive an hundred fold in this world, and in the future shall inherit everlasting life."31
6. "Blessed are they which do hunger and thirst after righteousness."32
What sort of righteousness? He means either the whole of virtue, or that particular virtue which is opposed to covetousness.33 For since He is about to give commandment concerning mercy, to show how we must show mercy, as, for instance, not of rapine or covetousness, He blesses them that lay hold of righteousness.
And see with what exceeding force He puts it. For He said not, "Blessed are they which keep fast by righteousness," but, "Blessed are they which do hunger and thirst after righteousness:" that not merely anyhow, but with all desire we may pursue it. For since this is the most peculiar property of covetousness, and we are not so enamored of meat and drink, as of gaining, and compassing ourselves with more and more, He bade us to transfer this desire to a new object, freedom from covetousness.
Then He appoints the prize, again from things sensible; saying, "for they shall be filled." Thus, because it is thought that the rich are commonly made such by covetousness, "Nay," saith He, "it is just contrary: for it is righteousness that doeth this. Wherefore, so long as thou doest righteously, fear not poverty, nor tremble at hunger. For the extortioners, they are the very persons who lose all, even as he certainly who is in love with righteousness, possesses himself the goods of all men in safety."
But if they who covet not other men's goods enjoy so great abundance,34 much more they who give up their own.
"Blessed are the merciful."35
Here He seems to me to speak not of those only who show mercy in giving of money, but those likewise who are merciful in their actions. For the way of showing mercy is manifold, and this commandment is broad. What then is the reward thereof? "For they shall obtain mercy."
And it seems indeed to be a sort of equal recompence, but it is a far greater thing than the act of goodness. For whereas they themselves show mercy as men, they obtain mercy from the God of all; and it is not the same thing, man's mercy, and God's; but as wide as is the interval between wickedness and goodness, so far is the one of these removed from the other.
"Blessed are the pure in heart, for they shall see God."36
Behold again the reward is spiritual. Now He here calls "pure," either those who have attained unto all virtue, and are not conscious to themselves of any evil; or those who live in temperance. For there is nothing which we need so much in order to see God, as this last virtue. Wherefore Paul also said, "Follow peace with all men, and holiness, without which no man shall see the Lord."37 He is here speaking of such sight as it is possible for man to have.
For because there are many who show mercy, and who commit no rapine, nor are covetous, who yet are guilty of fornication and uncleanness; to signify that the former alone suffices not, He hath added this, much in the same sense as Paul, writing to the Corinthians, bore witness of the Macedonians, that they were rich not only in almsgiving, but also in all other virtue. For having spoken of the noble spirit38 they had shown in regard of their goods, he saith, "They gave also their own selves to the Lord, and to us."39
7. "Blessed are the peace-makers."40 Here He not only takes away altogether our own strife and hatred amongst ourselves, but He requires besides this something more, namely, that we should set at one again others, who are at strife.
And again, the reward which He annexes is spiritual. Of what kind then is it.
"For they shall be called the children of God."
Yea, for this became the work of the Only Begotten, to unite the divided, and to reconcile the alienated.
Then, lest thou shouldest imagine peace in all cases a blessing, He hath added,
"Blessed are they which are persecuted for righteousness' sake."41
That is, for virtue's sake, for succor42 given to others, and for godliness: it being ever His wont to call by the name of "righteousness" the whole practical wisdom of the soul.
"Blessed are ye, when men shall revile you and persecute you, and say all manner of evil against you falsely, for my sake. Rejoice, and be exceeding glad."43
As if He said, "Though they should call you sorcerers, deceivers, pestilent persons, or whatever else, blessed are ye": so He speaks. What could be newer than these injunctions? wherein the very things which all others avoid, these He declares to be desirable; I mean, being poor, mourning, persecution, evil report. But yet He both affirmed this, and convinced not two, nor ten, nor twenty, nor an hundred, nor a thousand men, but the whole world. And hearing things so grievous and galling, so contrary to the accustomed ways of men, the multitudes "were astonished." So great was the power of Him who spake.
However, lest thou shouldest think that the mere fact of being evil spoken of makes men blessed, He hath set two limitations; when it is for His sake, and when the things that are said are false: for without these, he who is evil spoken of, so far from being blessed, is miserable.
Then see the prize again: "Because your reward is great in heaven." But thou, though thou hear not of a kingdom given in each one of the blessings, be not discouraged. For although He give different names to the rewards, yet He brings all into His kingdom. Thus, both when He saith, "they that mourn shall be comforted;" and, "they that show mercy shall obtain mercy;" and, "the pure in heart shall see God;" and, the peacemakers "shall be called the children of God;" nothing else but the Kingdom doth He shadow out by all these sayings. For such as enjoy these, shall surely attain unto that. Think not therefore that this reward is for the poor in spirit only, but for those also who hunger after righteousness, for the meek, and for all the rest without exception.
Since on this account He hath set His blessing on them all, that thou mightest not look for anything sensible: for that man cannot be blessed, who is crowned with such things as come to an end with this present life, and hurry by quicker than a shadow.
8. But when He had said, "your reward is great," he added also another consolation, saying, "For so persecuted they the prophets which were before you."
Thus, since that first, the promise of the Kingdom, was yet to come, and all in expectation, He affords them comfort from this world; from their fellowship with those who before them had been ill-treated.
For "think not," saith He, "that for something inconsistent in your sayings and enactments ye suffer these things: or, as being teachers of evil doctrines, ye are to be persecuted by them; the plots and dangers proceed not of any wickedness in your sayings, but of the malice of those who hear you. Wherefore neither are they any blame to you who suffer wrong, but to them who do the wrong. And to the truth of these things all preceding time bears witness. For against the prophets they did not even bring any charge of transgressing the law, and of sentiments of impiety, that they stoned some, chased away others, encompassed others with innumerable afflictions. Wherefore let not this trouble you, for of the very same mind they do all that is done now." Seest thou how He raised up their spirits, by placing them near to the company of Moses and Elias?
Thus also Paul writing to the Thessalonians, saith, "For ye became followers of the Churches of God, which are in Judea; for ye also have suffered the same things of your own fellow-countrymen, even as they have of the Jews: who both killed the Lord Jesus, and their own prophets, and have driven us out; and they please not God, and are contrary to all men."44 Which same point here also Christ hath established.
And whereas in the other beatitudes, He said, "Blessed are the poor," and "the merciful;" here He hath not put it generally, but addresses His speech unto themselves, saying, "Blessed are ye, when they shall revile you, and persecute you, and say every evil word:" signifying that this is an especial privilege of theirs; and that beyond all others, teachers have this for their own.
At the same time He here also covertly signifies His own dignity, and His equality in honor with Him who begat Him. For "as they on the Father's account," saith He, "so shall ye also for me suffer these things." But when He saith, "the prophets which were before you," He implies that they were also by this time become prophets.
Next, declaring that this above all profits them, and makes them glorious, He did not say, "they will calumniate and persecute you, but I will prevent it." For not in their escaping evil report, but in their noble endurance thereof, and in refuting them by their actions, He will have their safety stand: this being a much greater thing than the other; even as to be struck and not hurt, is much greater than escaping the blow.
9. Now in this place He saith, "Your reward is great in heaven." But Luke45 reports Him to have spoken this, both earnestly, and with more entire consolation; for He not only, as you know, pronounces them blessed, who are evil spoken of for God's sake, but declares them likewise wretched, who are well spoken of by all men. For, "Woe unto you," saith He, "when all men shall speak well of you." And yet the apostles were well spoken of, but not by all men. Wherefore He said not, "Woe unto you, when men shall speak well of you," but, "when all men" shall do so: for it is not even possible that those who live in the practice of virtue should be well spoken of by all men.
And again He saith, "When they shall east out your name as evil, rejoice ye, and leap for joy."46 For not only of the dangers they underwent, but of the calumny also, He appoints the recompence to be great. Wherefore He said not, "When they shall persecute, and kill you," but, "When they shall revile you, and say all manner of evil." For most assuredly, men's evil reports have a sharper bite than their very deeds. For whereas, in our dangers, there are many things that lighten the toil, as to be cheered47 by all, to have many to applaud, to crown, to proclaim our praise; here in our reproach even this consolation is destroyed. Because we seem not to have achieved anything great; and this galls the combatant more than all his dangers: at least many have gone on even to hang themselves, not bearing evil report. And why marvellest thou at the others? since that traitor, that shameless and accursed one he who had ceased to blush for anything whatever, was wrought upon by this chiefly to hurry to the halter. And Job again, all adamant as he was, and firmer than a rock; when he had been robbed of all his possessions, and was suffering those incurable ills, and had become on a sudden childless, and when he saw his body pouring out worms like a fountain, and his wife attacking him, he repelled it all with ease; but when he saw his friends reproaching and trampling upon him, and entertaining an evil opinion of him, and saying that he suffered those things for some sins, and was paying the penalty of wickedness: then was there trouble, then commotion, even in that great and noble-hearted man.48
And David also, letting pass all that he had suffered, sought of God a retribution for the calumny alone. For, "Let him curse," saith he, "for the Lord bath bidden him: that the Lord may see my humiliation, and requite me for this cursing of his on this day."49
And Paul too proclaims the triumph not of those only who incur danger, or are deprived of their goods, but of these also, thus saying, "Call to remembrance the former days, in which after ye were illuminated ye endured a great fight of afflictions; partly whilst ye were. made a gazing stock by reproaches, and afflictions."50 On this account then Christ hath appointed the reward also to be great.
After this, lest any one should say, "Here thou givest no redress, nor stoppest men's mouths; and dost thou assign a reward there?" He hath put before us the prophets, to show that neither in their case did God give redress. And if, where the rewards were at hand, He cheered them with things to come; much more now, when this hope is become clearer, and self-denial is increased.
And observe too, after how many commandments He hath put this, for surely He did it not without reason, but to show that it is not possible for one unprovided, and unarmed with all those other virtues, to go forth unto these conflicts. Therefore, you see, in each instance, by the former precept making way for the following one, He hath woven a sort of golden chain for us. Thus, first, he that is "humble," will surely also "mourn" for his own sins: he that so "mourns," will be both "meek," and "righteous," and "merciful;" he that is "merciful," and "righteous," and "con trite "will of course be also" pure in heart:" and such a one will be "a peacemaker" too: and he that hath attained unto all these, will be moreover arrayed against dangers, and will not be troubled when evil is spoken of him, and he is enduring grievous trials innumerable.
10. Now then, after giving them due exhortation, He refreshes them again with praises. As thus: the injunctions being high, and far surpassing those in the Old Testament; lest they should be disturbed and confounded, and say, "How shall we be able to achieve these things?" hear what He saith:"Ye are the salt of the earth."51 Implying, that of absolute necessity He enjoins all this. For "not for your own life apart," saith He, "but for the whole world, shall your account be. For not to two cities, nor to ten or twenty, nor to a single nation am I sending you, as I sent the prophets; but to earth, and sea, and the whole world; and that in evil case." For by saying, "Ye are the salt of the earth," He signified all human nature to have "lost its savor,"52 and to be decayed by our sins. For which cause, you see, He requires of them such virtues, as are most necessary and useful for the superintendence of the common sort. For first, the meek, and yielding, and merciful, and righteous, shuts not up his good deeds unto himself only, but also provides that these good fountains should run over for the benefit of others. And he again who is pure in heart, and a peacemaker, and is persecuted for the truth's sake; he again orders his way of life for the common good. "Think not then," He saith, "that ye are drawn on to ordinary conflicts, or that for some small matters you are to give account." "Ye are the salt of the earth."
What then? did they restore the decayed? By no means; for neither is it possible to do any good to that which is already spoilt, by sprinkling it with salt. This therefore they did not. But rather, what things had been before restored, and committed to their charge, and freed from that ill savor, these they then salted, maintaining and preserving them in that freshness,53 which they had received of the Lord. For that men should be set free from the rottenness of their sins was the good work of Christ; but their not returning to it again any more was the object of these men's diligence and travail.
Seest thou how by degrees He indicates their superiority to the very prophets? in that He saith they are teachers, not of Palestine, but of the whole world; and not simply teachers, but awful ones too. For this is the marvellous thing, that not by flattering, nor soothing, but by sharply bracing54 them, as salt, even so they became dear to all men.
"Now marvel not," saith He, "if leaving all others, I discourse to you, and draw you on to so great dangers. For consider over how many cities, tribes, and nations, I am to send you to preside. Wherefore I would have you not only be prudent yourselves, but that you should also make others the same. And such persons have great need to be intelligent, in whom the salvation of the rest is at stake: they ought so much to abound in virtue, as to impart of the profit to others also. For if ye do not become such as this, ye will not suffice even for your own selves.
"Be not then impatient, as though my sayings were too burdensome. For while it is possible for others who have lost their savor to return by your means, you, if you should come to this, will with yourselves destroy others also. So that in proportion as the matters are great, which ye have put into your hands, you need so much the greater diligence." Therefore He saith,
"But if the salt have lost its savor, wherewith shall it be salted? it is thenceforth good for nothing, but to be cast out, and to be trodden under foot of men."55
For other men, though they fall never so often, may possibly obtain indulgence: but the teacher, should this happen to him, is deprived of all excuse, and will suffer the most extreme vengeance. Thus, lest at the words, "When they shall revile you, and persecute you, and say all manner of evil against you," they should be too timid to go forth: He tells them, "unless ye are prepared to combat with all this, ye have been chosen in vain." For it is not evil report that ye should fear, but lest ye should prove partners in dissimulation.56 For then, "Ye will lose your savor, and be trodden under foot:" but if ye continue sharply to brace them up, and then are evil spoken of, rejoice; for this is the very use of salt, to sting the corrupt,57 and make them smart And so their censure follows of course, in no way harming you, but rather testifying your firmness. But if through fear of it you give up the earnestness that becomes you, ye will have to suffer much more grievously, being both evil spoken of, and despised by all. For this is the meaning of "trodden under foot."
11. After this He leads on to another, a higher image.
"Ye are the light of the world."58
"Of the world" again; not of one nation, nor of twenty states,59 but of the whole inhabited earth. And "a light" to the mind, far better than this sunbeam: like as they were also a spiritual salt. And before they are salt, and now light: to reach thee how great is the gain of these strict60 precepts, and the profit of that grave discipline: how it binds, and permits not to become dissolute; and causes clear sight, leading men on to virtue.
"A city that is set on a hill cannot be hid, neither do men light a candle, and put it under the bushel."61
Again, by these words He trains them to strictness of life, teaching them to be earnest in their endeavors, as set before the eyes of all men, and contending in the midst of the amphitheatre of the world. For, "look not to this," He saith, "that we are now sitting here, that we are in a small portion of one corner. For ye shall be as conspicuous to all as a city set on the ridge of a hill, as a candle in a house on the candlestick, giving light."62
Where now are they who persevere in disbelieving the power of Christ? Let them hear these things, and let them adore His might, amazed at the power of the prophecy. For consider how great things he promised to them, who were not known even in their own country: that earth and sea should know them, and that they should by their fame reach to the limits of the inhabited world; or rather, not by their fame, but by the working of the good they wrought. For it was not fame that bearing them everywhere made them conspicuous, but also the actual demonstration by their works. Since, as though they had wings, more vehemently than the sunbeam did they overrun the whole earth, sowing the light of godliness.63
But here He seems to me to be also training them to boldness of speech. For to say, "A city set on a hill cannot be hid," is to speak as declaring His own powers.64 For as that city can by no means be hidden, so it was impossible that what they preached should sink into silence and obscurity. Thus, since He had spoken of persecutions and calumnies, of plots and wars, for fear they might think that these would have power to stop their mouths; to encourage them, He saith, that so far from being hid, it should over-shine the whole world; and that on this very account they should be illustrious and renowned.
By this then He declares His own power. In what follows, He requires that boldness of speech which was due on their part; thus saying,
"Neither do men light a candle and put it under the bushel, but on the candlestick, and it giveth light unto all that are in the house. Let your light so shine before men, that they may see your good works, and glorify your Father which is in Heaven."65
"For I," saith He, "it is true, have kindled the light, but its continuing to burn, let that come of your diligence: not for your own sakes alone, but also for their sake, who are to profit by these rays, and to be guided unto the truth. Since the calumnies surely shall not be able to obscure your brightness, if you be still living a strict life, and as becomes those who are to convert the whole world. Show forth therefore a life worthy of His grace; that even as it is everywhere preached, so this light may everywhere accompany the same.
Next He sets before them another sort of gain, besides the salvation of mankind, enough to make them strive earnestly, and to lead them unto all diligence. As thus, "Ye shall not only," saith He, "amend the world, if ye live aright, but ye will also give occasion that God shall be glorified; even as if ye do the contrary, ye will both destroy men, and make God's name to be blasphemed."
And how, it may be asked, shall God be glorified through us, if at least men are to speak evil of us? Nay, not all men, and even they themselves who in envy do this, will in their conscience admire and approve you; even as the outward flatterers of such as live in wickedness do in mind accuse them.
What then? Dost thou command us to live for display and vain glory? Far from it; I say not this; for I did not say, "Give ye diligence to bring forward your own good deeds," neither did I say, "Show them;" but "Let your light shine." That is, "Let your virtue be great, and the fire abundant, and the light unspeakable." For when virtue is so great, it cannot lie hid, though its pursuer shade it over ten thousand fold. Present unto them an irreprehensible life, and let them have no true occasion of evil speaking; and then, though there be thousands of evil-speakers, no man shall be able to cast any shade upon you. And well did He say, "your light," for nothing makes a man so illustrious, how manifold soever his will to be concealed, as the manifestation of virtue. For as if he were clad with the very sunbeam, so he shines, yet brighter than it; not spending his rays on earth, but surmounting also Heaven itself.
Hence also He comforts them more abundantly. For, "What though the slander pain you," saith He; "yet shall ye have many to honor God on your account. And in both ways your recompence is gathering, as well because God is glorified through you, as because ye are defamed for God's sake. Thus, lest we should on purpose seek to be reproached, on hearing that there is a reward for it: first, He hath not expressed that sentiment simply, but with two limitations, namely, when what is said is false, and when it is for God's sake:-and next He signifies how not that only, but also good report, hath its great profit, the glory of it passing on to God. And He holds out to them those gracious hopes. "For," saith He, "the calumny of the wicked avails not so much as to put all others in the dark, in respect of seeing your light. For then only when you have "lost your savor" shall they tread you under foot; but not when you are falsely accused, doing right. Yea, rather then shall there be many admiring, not you only, but for your sake your Father also." And He said not "God," but "your Father;" already sowing beforehand the seeds of that noble birth, which was about to be bestowed upon them. Moreover, indicating His parity in honor, as He said above. "Grieve not when ye are evil spoken of, for it is enough for you that for my sake you are thus spoken of;" so here He mentions the Father: every where manifesting His equality.
12. Since then we know the gain that arises from this earnestness, and the danger of indolence (for if our Lord be blasphemed because of us, that were far worse than our perdition), let us "give none offense, neither to the Jews, nor to the Gentiles, nor to the Church of God."66 And while the life which we present before them is brighter than the sun, yet if any one will speak evil of us, let us not grieve at being defamed, but only if we be defamed with justice.
For, on the one hand, if we live in wickedness, though there be none to speak ill of us, we shall be the most wretched of all men: on the other hand, if we apply ourselves to virtue, though the whole world speak evil of us, at that very time we shall be more enviable than any. And we shall draw on to follow us all who choose to be saved, for not the calumny of the wicked, but our good life, will draw their attention. For indeed no trumpet is so clear as the proof that is given by our actions: neither is the light itself so transparent as a pure life, though our calumniators be beyond number.
I say, if all the above-mentioned qualities be ours; if we be meek and lowly and merciful; if we be pure, and peacemakers; if hearing reproach, we revile not again, but rather rejoice; then shall we attract all that observe us no less than the miracles do. And all will be kindly disposed towards us, though one be a wild beast, a demon, or what you will.
Or if there should even be some who speak evil of thee, be not thou at all troubled thereat, nor because they revile thee in public, regard it; but search into their conscience, and thou shalt see them applauding and admiring thee, and numbering up ten thousand praises.
See, for instance, how Nebuchadnezzar praises the children in the furnace; yet surely he was an adversary and an enemy. But upon seeing them stand nobly, he proclaims their triumph, and crowns them: and that for nought else, but because they disobeyed him, and hearkened unto the law of God. For the devil, when he sees himself effecting nothing, from that time departs, fearing lest he should be the cause of our winning more crowns. And when he is gone, even one who is abominable and depraved will recognize virtue, that mist being withdrawn. Or if men still argue perversely, thou shalt have from God the greater praise and admiration.
Grieve not now, I pray thee, neither despond; since the very apostles were to some a "savor of death;"67 to others, a "savor of life." And if there be nothing to lay hold of in thyself, thou art rid of all their charges; or rather, thou art become the more blessed. Shine out therefore in thy life, and take no account of them who speak evil of thee. For it cannot, it cannot be, that one careful of virtue, should not have many enemies. However, this is nothing to the virtuous man. For by such means his brightness will increase the more abundantly.
Let us then, bearing these things in mind, look to one object only; how to order our own life with strictness. For thus we shall also guide to the life that is there, such as are now sitting in darkness. For such is the virtue of that light, as not only to shine here, but also to conduct its followers thither. For when men see us despising all things present, and preparing ourselves for that which is to come, our actions will persuade them sooner than any discourse. For who is there so senseless, that at sight of one, who within a day or two was living in luxury and wealth, now stripping himself of all, and putting on wings, and arrayed to meet both hunger and poverty, and all hardship, and dangers, and blood, and slaughter, and everything that is counted dreadful; will not from this sight derive a clear demonstration of the things which are to come?
But if we entangle ourselves in things present, and plunge ourselves in them more and more, how will it be possible for them to be persuaded that we are hastening to another sojourn?68
And what excuse after this shall we have, if the fear of God avail not so much with us, I as human glory availed with the Greek philosophers? For some of them did really both lay aside wealth, and despised death, that they might make a show before men; wherefore also their hopes became vain. What plea then shall deliver us, when with so great things set before us, and with so high a rule of self-denial laid open to us, we are not able even to do as they did, but ruin both ourselves and others besides? For neither is the harm so great when a heathen commits transgression, as when a Christian doeth the same. Of course not; for their character is already lost, but ours, by reason of the grace of God, is even among the ungodly venerable and glorious. Therefore when they would most revile us, and aggravate their evil speech, they add some such taunt as, "Thou Christian:" a taunt which they would not utter, did they not secretly entertain a great opinion of our doctrine.
Hast thou not heard how many, and how great precepts Christ enjoined? Now when wilt thou be able to fulfill one of those commandments, while thou leavest all, and goest about gathering interest, tacking together usuries, setting on foot transactions of business, buying herds of slaves, procuring silver vessels, purchasing houses, fields, goods without end? And I would this were all. But when to these unseasonable pursuits, thou addest even injustice, removing landmarks,69 taking away houses by violence, aggravating poverty, increasing hunger, when wilt thou be able to set thy foot on these thresholds?
13. But sometimes thou showest mercy to the poor. I know it as well as thou. But even in this again great is the mischief. For thou doest this either in pride or in vainglory, so as not to profit even by thy good deeds. What can be more wretched than this, to be making thy shipwreck in the very harbor? To prevent this, when thou hast done any good action, seek not thanks from me, that thou mayest have God thy debtor. For, "Lend," saith He, "unto them from whom ye do not expect to receive."70
Thou hast thy Debtor; why leave Him, and require it of me, a poor and wretched mortal? What? is that Debtor displeased, when the debt is required of Him? What? is He poor? Is He unwilling to pay? Seest thou not His unspeakable treasures? Seest thou not His indescribable munificence? Lay hold then on Him, and make thy demand; for He is pleased when one thus demands the debt of Him. Because, if He see another required to pay for what He Himself owes, He will feel as though He were insulted, and repay thee no more; nay, He justly finds fault, saying, "Why, of what ingratitude hast thou convicted me? what poverty dost thou know to be in me, that thou hastenest by me, and resortest unto others? Hast thou lent to One, and dost thou demand the debt of another?"
For although man received it, it was God that commanded thee to bestow; and His will is to be Himself, and in the original sense,71 debtor, and surety, affording thee ten thousand occasion to demand the debt of Him from every quarter. Do not thou then let go so great facility and abundance, and seek to receive of me who have nothing. Why, to what end dost thou display to me thy mercy shown to the poor. What! was it I that said to thee, Give? was it from me that thou didst hear this; that thou shouldest demand it back of me? He Himself hath said, "He that hath pity upon the poor lendeth to God."72 Thou hast lent to God:73 put it to His account.
"But He doth not repay the whole now." Well, this too He doth for thy good. For such a debtor is He: not as many, who are anxious simply to repay that which is lent; whereas He manages and doeth all things, with a view of investing likewise in security that which hath been given unto Him. Therefore some, you see, He repays here: some He assigns74 in the other place.
14. Knowing therefore as we do these things, let us make our mercifulness abundant, let us give proof of much love to man, both by the use of our money, and by our actions. And if we see any one ill-treated and beaten in the market-place, whether we can pay down money, let us do it: or whether by words we may separate them, let us not be backward. For even a word has its reward, and still more have sighs. And this the blessed Job said; "But I wept for every helpless one, and I sighed when I saw a man in distress."75 But if there be a reward for tears and sighs; when words also, and an anxious endeavor, and many things besides are added, consider how great the recompence becomes. Yea, for we too were enemies to God, and the Only-begotten reconciled us, casting himself between, and for us receiving stripes, and for us enduring death.
Let us then likewise do our diligence to deliver from countless evils such as are incurring them; and not as we now do, when we see any beating and tearing one another: we are apt to stand by, finding pleasure in the disgrace of others, and forming a devilish amphitheatre around: than which what can be more cruel? Thou seest men reviled, tearing each other to pieces, rending their clothes, smiting each other's faces, and dost thou endure to stand by quietly?
What! is it a bear that is fighting? a wild beast? a serpent? It is a man, one who hath in every respect fellowship with thee: a brother, a member.76 Look not on, but separate them. Take no pleasure, but amend the evil. Stir not up others to the shameful sight, but rather drive off and separate those who are assembled. It is for shameless persons, and born slaves,77 to take pleasure in such calamities; for those that are mere refuse, for asses without reason.
Thou seest a man behaving himself unseemly, and dost thou not account the unseemliness thine own? Dost thou not interpose, and scatter the devil's troop, and put an end to men's miseries?
"That I may receive blows myself," saith one; "is this also thy bidding?" Thou wilt not have to suffer even this; but if thou shouldest, the thing would be to thee a sort of martyrdom; for thou didst suffer on God's behalf. And if thou art slow to receive blows, consider that thy Lord was not slow to endure the cross for thee.
Since they for their part are drunken in darkness; wrath being their tyrant and commander; and they need some one who is sound to help them, both the wrong-doer, and he who is injured; the one that he may be delivered from suffering evil, the other that he may cease to do it. Draw nigh, therefore, and stretch forth the hand, thou that art sober to him that is drunken. For there is a drunkenness of wrath too, and that more grievous than the drunkenness of wine.
Seest thou not the seamen, how, when they see any meeting with shipwreck, they spread their sails, and set out with all haste, to rescue those of the same craft out of the waves? Now, if partakers in an art show so much care one for another, how much more ought they who are partakers of the same nature to do all these things! Because in truth here too is a shipwreck, a more grievous one than that; for either a man under provocation blasphemes, and so throws all away: or he forswears himself under the sway of his wrath, and that way falls into hell: or he strikes a blow and commits murder, and thus again suffers the very same shipwreck. Go thou then, and put a stop to the evil; pull out them that are drowning, though thou descend into the very depth of the surge; and having broken up the theatre of the devil, take each one of them apart, and admonish him to quell the flame, and to lull the waves.
But if the burning pile wax greater, and the furnace more grievous, be not thou terrified; for thou hast many to help thee, and stretch forth the hand, if thou furnish but a beginning; and above all thou surely hast with thee the God of peace. And if thou wilt first turn aside the flames, many others also will follow, and of what they do well, thou wilt thyself receive the reward.
Hear what precept Christ gave to the Jews, creeping as they did upon the earth: "If thou see," saith He, "thine enemy's beast of burden falling down, do not hasten by, but raise it."78 And thou must see that to separate and reconcile men that are fighting is a much lighter thing than to lift up the fallen beast. And if we ought to help in raising our enemies' ass, much more our friends' souls: and most when the fall is more grievous; for not into mire do these fall, but into the fire of hell, not bearing the burden of their wrath. And thou, when thou seest thy brother lying under the load, and the devil standing by, and kindling the pile, thou runnest by, cruelly and unmercifully; a kind of thing not safe to do, even where brutes are concerned.
And whereas the Samaritan, seeing a wounded man, unknown, and not at all appertaining to him, both staid, and set him on a beast, and brought him home to the inn, and hired a physician, and gave some money, and promised more: thou, seeing one fallen not among thieves, but amongst a band of demons, and beset by anger; and this not in a wilderness, but in the midst of the forum; not having to lay out money, nor to hire a beast, nor to bring him on a long way, but only to say some words:-art thou slow to do it? and boldest back, and hurriest by cruelly and unmercifully? And how thinkest thou, calling upon God, ever to find Him propitious?
15. But let me speak also to you, who publicly disgrace yourselves: to him who is acting despitefully, and doing wrong. Art thou inflicting blows? tell me; and kicking, and biting? art thou become a wild boar, and a wild ass? and art thou not ashamed? dost thou not blush at thus being changed into a wild beast, and betraying thine own nobleness? For though thou be poor, thou art free; though thou be a working man, thou art a Christian.
Nay, for this very reason, that thou art poor, thou shouldest be quiet. For fightings belong to the rich, not to the poor; to the rich, who have many causes to force them to war. But thou, not having the pleasure of wealth, goest about gathering to thyself the evils of wealth, enmities, and strifes, and fightings; and takest thy brother by the throat, and goest about to strangle him, and throwest him down publicly in the sight of all men: and dost thou not think that thou art thyself rather disgraced, imitating the violent passions of the brutes; nay rather, becoming even worse than they? For they have all things in common; they herd one with another, and go about together: but we have nothing in common, but all in confusion: fightings, strifes, revilings, and enmities, and insults. And we neither reverence the heaven, unto which we are called all of us in common; nor the earth, which He hath left free to us all in common; nor our very nature; but wrath and the love of money sweeps all away.
Hast thou not seen him who owed the ten thousand talents, and then, after he was forgiven that debt, took his fellow-servant by the throat for an hundred pence, what great evils he underwent, and how he was delivered over to an endless punishment? Hast thou not trembled at the example? Hast thou no fear, lest thou too incur the same? For we likewise owe to our. Lord many and great debts: nevertheless, He forbears, and suffers long, and neither urges us, as we do our fellow-servants, nor chokes and takes us by the throat; yet surely had he been minded to exact of us but the least part thereof, we had long ago perished.
16. Let us then, beloved, bearing these things in mind, be humbled, and feel thankful to those who are in debt to us. For they become to us, if we command ourselves, an occasion of obtaining most abundant pardon; and giving a little, we shall receive much. Why then exact with violence, it being meet, though the other were minded to pay, for thee of thine accord to excuse him, that thou mayest receive the whole of God? But now thou doest all things, and art violent, and contentious,79 to have none of thy debts forgiven thee; and whilst thou art thinking to do despite unto thy neighbor, thou art thrusting the sword into thyself, so increasing thy punishment in hell: whereas if thou wilt show a little self-command here, thou makest thine own accounts easy. For indeed God therefore wills us to take the lead in that kind of bounty, that He may take occasion to repay us with increase.
As many therefore as stand indebted to thee, either for money, or for trespasses, let them all go free, and require of God the recompense of such thy magnanimity. For so long as they continue indebted to thee, thou canst not have God thy debtor. But if thou let them go free, thou wilt be able to detain thy God, and to require of Him the recompense of so great self-restraint in bountiful measure. For suppose a man had come up and seeing thee arresting thy debtor, had called upon thee to let him go free, and transfer to himself thy account with the other: he would not choose to be unfair80 after such remission, seeing he had passed the whole demand to himself: how then shall God fail to repay us manifold, yea, ten thousand fold, when for His commandment's sake, if any be indebted to us, we urge no complaint against them, great or small, but let them go exempt from all liability? Let us not then think of the temporary pleasure that springs up in us by exacting of our debtors, but of the loss, rather, how great! which we shall thereby sustain hereafter, grievously injuring ourselves in the things which are eternal. Rising accordingly above all, let us forgive those who must give account to us, both their debts and their offenses; that we may make our own accounts prove indulgent, and that what we could not reach by all virtue besides, this we may obtain by not bearing malice against our neighbors; and thus enjoy the eternal blessings, by the grace and love towards man of our Lord Jesus Christ, to whom be glory and might now and always, even forever and ever. Amen.

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http://www.newadvent.org/fathers/200115.htm

EXTRACT FROM THE HOMILY XIV
For they brought unto Him, says he, all that were sick with various diseases, and torments, and those which were possessed with devils, and those which were lunatic, and those that had the palsy, and He healed them.
But our inquiry is this; why it can have been that He demanded faith of none of them? For He said not, what we find Him saying after this, Believe ye that I am able to do this? Matthew 9:28 because He had not as yet given proof of His power. And besides, the very act of approaching Him, and of bringing others to Him, exhibited no common faith. For they brought them even from far; whereas they would never have brought them, unless they had persuaded themselves of great things concerning Him.
Now then, let us too follow Him; for we also have many diseases of our soul, and these especially He would fain heal. Since with this intent He corrects that other sort, that He may banish these out of our soul.
5. Let us therefore come unto Him, and let us ask nothing pertaining to this life, but rather remission of sins. For indeed He gives it even now, if we be in earnest. Since as then His fame went out into Syria, so now into the whole world. And they indeed ran together on hearing that He healed persons possessed: and you, after having much more and greater experience of His power, do you not rouse yourself and run?
But whereas they left both country, and friends, and kinsfolk; do you not endure so much as to leave your house for the sake of drawing near, and obtaining far greater things? Or rather we do not require of you so much as this, but leave your evil habits only, and you can easily be made whole, remaining at home with your friends.
But as it is, if we have any bodily ailment, we do and contrive everything to be rid of what pains us; but when our soul is indisposed, we delay, and draw back. For which cause neither from the other sort are we delivered: since the things that are indispensable are becoming to us secondary, and the secondary indispensable; and letting alone the fountain of our ills, we would fain cleanse out the streams.
For that our bodily ills are caused by the wickedness of the soul, is shown both by him that had the palsy thirty and eight years, and by him that was let down through the roof, and by Cain also before these; and from many other things likewise one may perceive this. Let us do away then with the well-spring of our evils, and all the channels of our diseases will be stayed. For the disease is not palsy only, but also our sin; and this more than that, by how much a soul is better than a body.
Let us therefore now also draw near unto Him; let us entreat Him that He would brace our paralyzed soul, and leaving all things that pertain to this life, let us take account of the things spiritual only. Or if you cleave unto these also, yet think of them after the other.
Neither must you think lightly of it, because you have no pain in sinning; rather on this very account most of all do thou lament, that you feel not the anguish of your offenses. For not because sin bites not, does this come to pass, but because the offending soul is insensible. Regard with this view them that have a feeling of their own sins, how they wail more bitterly than such as are being cut, or burned; how many things they do, how many suffer, how greatly they mourn and lament, in order to be delivered from their evil conscience. They would not do any such thing, unless they were exceedingly pained in soul.
The best thing then is, to avoid sin in the first instance: the next to it, is to feel that we sin, and thoroughly amend ourselves. But if we have not this, how shall we pray to God, and ask forgiveness of our sins, we who take no account of these matters? For when you yourself who hast offended art unwilling to know so much as this very fact, that you have sinned; for what manner of offenses will you entreat God for pardon? For what you know not? And how will you know the greatness of the benefit? Tell therefore your offenses in particular, that you may learn for what you receive forgiveness, that so you may become grateful towards your Benefactor.
But you, when it is a man whom you have provoked, entreatest friends, neighbors, and door-keepers, and spendest money, and consumest many days in visiting and petitioning, and though he that is provoked utterly reject you once, twice, ten thousand times over, you despond not, but becoming more earnest you make the more entreaty; but when the God of all is provoked, we gape, and throw ourselves back, and live in luxury and in drunkenness, and do all things as usual. And when shall we be able to propitiate Him? And how shall we by this very thing fail to provoke Him so much the more? For not so much sinning, as signing without even pain, causes in Him indignation and wrath. Wherefore it were meet after all this to sink into the very earth, and not so much as to behold this sun, nor to breathe at all, for that having so placable a Master, we provoke Him first, and then have no remorse for provoking Him. And yet He assuredly, even when He is angry, does not so as hating and turning away from us, but in order that in this way at least He may win us over to Himself. For if He continued after insult befriending you, you would the more despise Him. Therefore in order that this may not be, He turns away for a little while, to have you ever with Himself.
6. Let us now, I pray you, take courage at His love to man, and let us show forth an anxious repentance, before the day come on, which permits us not to profit thereby. For as yet all depends on us, but then He that judges has alone control over the sentence. Let us therefore come before His face with confession; let us bewail, let us mourn. For if we should be able to prevail upon the Judge before the appointed day to forgive us our sins, then we need not so much as enter into the court; as on the other hand, if this be not done, He will hear us publicly in the presence of the world, and we shall no longer have any hope of pardon. For no one of those who have not done away with their sins here, when he has departed there shall be able to escape his account for them; but as they who are taken out of these earthly prisons are brought in their chains to the place of judgment, even so all souls, when they have gone away hence bound with the manifold chains of their sins, are led to the awful judgment-seat. For in truth our present life is nothing better than a prison. But as when we have entered into that apartment, we see all bound with chains; so now if we withdraw ourselves from outward show, and enter into each man's life, into each man's soul, we shall see it bound with chains more grievous than iron: and this most especially if you enter into the souls of them that are rich. For the more men have about them, so much the more are they bound. As therefore with regard to the prisoner, when you see him with irons on his back, on his hands, and often on his feet too, you therefore most of all account him miserable; so also as to the rich man, when you see him encompassed with innumerable affairs, let him not be therefore rich, but rather for these very things wretched, in your account. For together with these bonds, he has a cruel jailor too, the wicked love of riches; which suffers him not to pass out of this prison, but provides for him thousands of fetters, and guards, and doors, and bolts; and when he has cast him into the inner prison, persuades him even to feel pleasure in these bonds; that he may not find so much as any hope of deliverance from the evils which press on him.
And if in thought you were to lay open that man's soul, you would see it not bound only, but squalid, and filthy, and teeming with vermin. For no better than vermin are the pleasures of luxury, but even more abominable, and destroy the body more, together with the soul also; and upon the one and upon the other they bring ten thousand scourges of sickness.
On account then of all these things let us entreat the Redeemer of our souls, that He would both burst asunder our bands, and remove this our cruel jailor, and having set us free from the burden of those iron chains, He would make our spirits lighter than any wing. And as we entreat Him, so let us contribute our own part, earnestness, and consideration, and an excellent zeal. For thus we shall be able both in a short time to be freed from the evils which now oppress us, and to learn in what condition we were before, and to lay hold on the liberty which belongs to us; unto which God grant we may all attain, by the grace and love towards man of our Lord Jesus Christ, to whom be glory and power forever and ever. Amen.
Matthew 5:1-2.
And Jesus seeing the multitudes went up into the mountain, and when He was set, His disciples came unto Him. And He opened His mouth, and taught them saying, Blessed, etc.
See how unambitious He was, and void of boasting: in that He did not lead people about with Him, but whereas, when healing was required, He had Himself gone about everywhere, visiting both towns and country places; now when the multitude has become very great, He sits in one spot: and that not in the midst of any city or forum, but on a mountain and in a wilderness; instructing us to do nothing for display, and to separate ourselves from the tumults of ordinary life, and this most especially, when we are to study wisdom, and to discourse of things needful to be done.
But when He had gone up into the mount, and was set down, His disciples came unto Him. Do you see their growth in virtue? And how in a moment they became better men? Since the multitude were but gazers on the miracles, but these from that hour desired also to hear some great and high thing. And indeed this it was set Him on His teaching, and made Him begin this discourse.
For it was not men's bodies only that He was healing, but He was also amending their souls; and again from the care of these He would pass to attendance on the other. Thus He at once varied the succor that He gave, and likewise mingled with the instruction afforded by His words, the manifestation of His glory from His works; and besides, He stopped the shameless mouths of the heretics, signifying by this His care of both parts of our being, that He Himself is the Maker of the whole creation. Therefore also on each nature He bestowed abundant providence, now amending the one, now the other.
And in this way He was then employed. For it is said, that He opened His mouth, and taught them. And wherefore is the clause added, He opened His mouth? To inform you that in His very silence He gave instruction, and not when He spoke only: but at one time by opening His mouth, at another uttering His voice by the works which He did.
But when you hear that He taught them, do not think of Him as discoursing with His disciples only, but rather with all through them.
For since the multitude was such as a multitude ever is, and consisted moreover of such as creep on the ground, He withdraws the choir of His disciples, and makes His discourse unto them: in His conversation with them providing that the rest also, who were yet very far from the level of His sayings, might find His lesson of self-denial no longer grievous unto them. Of which indeed both Luke gave intimation, when he said, that He directed His words unto them: and Matthew too, clearly declaring the same, wrote, His disciples came unto Him, and He taught them. For thus the others also were sure to be more eagerly attentive to Him, than they would have been, had He addressed Himself unto all.
2. Whence then does He begin? And what kind of foundations of His new polity does He lay for us?
Let us hearken with strict attention unto what is said. For though it was spoken unto them, it was written for the sake also of all men afterwards. And accordingly on this account, though He had His disciples in His mind in His public preaching, yet unto them He limits not His sayings, but applies all His words of blessing without restriction. Thus He said not, Blessed are you, if you become poor, but Blessed are the poor. And I may add that even if He had spoken of them, the advice would still be common to all. For so, when He says, Lo! I am with you always, even unto the end of the world, Matthew 28:20 He is discoursing not with them only, but also, through them, with all the world. And in pronouncing them blessed, who are persecuted, and chased, and suffer all intolerable things; not for them only, but also for all who arrive at the same excellency, He weaves His crown.
However, that this may be yet plainer, and to inform you that you have great interest in His sayings, and so indeed has all mankind, if any choose to give heed; hear how He begins these wondrous words.
Blessed are the poor in spirit; for theirs is the kingdom of Heaven. Matthew 5:3
What is meant by the poor in spirit? The humble and contrite in mind. For by spirit He has here designated the soul, and the faculty of choice. That is, since many are humble not willingly, but compelled by stress of circumstances; letting these pass (for this were no matter of praise), He blesses them first, who by choice humble and contract themselves.
But why said he not, the humble, but rather the poor? Because this is more than that. For He means here them who are awestruck, and tremble at the commandments of God. Whom also by His prophet Isaiah God earnestly accepting said, To whom will I look, but to him who is meek and quiet, and trembles at My words? For indeed there are many kinds of humility: one is humble in his own measure, another with all excess of lowliness. It is this last lowliness of mind which that blessed prophet commends, picturing to us the temper that is not merely subdued, but utterly broken, when he says, The sacrifice for God is a contrite spirit, a contrite and an humble heart God will not despise. And the Three Children also offer this unto God as a great sacrifice, saying, Nevertheless, in a contrite soul, and in a spirit of lowliness, may we be accepted. This Christ also now blesses.
3. For whereas the greatest of evils, and those which make havoc of the whole world, had their entering in from pride:— for both the devil, not being such before, did thus become a devil; as indeed Paul plainly declared, saying, Lest being lifted up with pride, he fall into the condemnation of the devil: 1 Timothy 3:6 — and the first man, too, puffed up by the devil with these hopes, was made an example of, and became mortal (for expecting to become a god, he lost even what he had; and God also upbraiding him with this, and mocking his folly, said, Behold, Adam has become as one of us Genesis 3:22; and each one of those that came after did hereby wreck himself in impiety, fancying some equality with God:— since, I say, this was the stronghold of our evils, and the root and fountain of all wickedness, He, preparing a remedy suitable to the disease, laid this law first as a strong and safe foundation. For this being fixed as a base, the builder in security lays on it all the rest. But if this be taken away, though a man reach to the Heavens in his course of life, it is all easily undermined, and issues in a grievous end. Though fasting, prayer, almsgiving, temperance, any other good thing whatever, be gathered together in you; without humility all fall away and perish.
It was this very thing that took place in the instance of the Pharisee. For even after he had arrived at the very summit, he went down Luke 18:14 with the loss of all, because he had not the mother of virtues: for as pride is the fountain of all wickedness, so is humility the principle of all self-command. Wherefore also He begins with this, pulling up boasting by the very root out of the soul of His hearers.
And what, one may ask, is this to His disciples, who were on every account humble? For in truth they had nothing to be proud of, being fishermen, poor, ignoble, and illiterate. Even though these things concerned not His disciples, yet surely they concerned such as were then present, and such as were hereafter to receive the disciples, lest they should on this account despise them. But it were truer to say that they did also concern His disciples. For even if not then, yet by and by they were sure to require this help, after their signs and wonders, and their honor from the world, and their confidence towards God. For neither wealth, nor power, nor royalty itself, had so much power to exalt men, as the things which they possessed in all fullness. And besides, it was natural that even before the signs they might be lifted up, at that very time when they saw the multitude, and all that audience surrounding their Master; they might feel some human weakness. Wherefore He at once represses their pride.
And He does not introduce what He says by way of advice or of commandments, but by way of blessing, so making His word less burthensome, and opening to all the course of His discipline. For He said not, This or that person, but they who do so, are all of them blessed. So that though you be a slave, a beggar, in poverty, a stranger, unlearned, there is nothing to hinder you from being blessed, if you emulate this virtue.
4. Now having begun, as you see, where most need was, He proceeds to another commandment, one which seems to be opposed to the judgment of the whole world. For whereas all think that they who rejoice are enviable, those in dejection, poverty, and mourning, wretched, He calls these blessed rather than those; saying thus,
Blessed are they that mourn. Matthew 5:4
Yet surely all men call them miserable. For therefore He wrought the miracles beforehand, that in such enactments as these He might be entitled to credit.
And here too again he designated not simply all that mourn, but all that do so for sins: since surely that other kind of mourning is forbidden, and that earnestly, which relates to anything of this life. This Paul also clearly declared, when he said, The sorrow of the world works death, but godly sorrow works repentance unto salvation, not to be repented of.
These then He too Himself calls blessed, whose sorrow is of that kind; yet not simply them that sorrow did He designate, but them that sorrow intensely. Therefore He did not say, they that sorrow, but they that mourn. For this commandment again is fitted to teach us entire self-control. For if those who grieve for children, or wife, or any other relation gone from them, have no fondness for gain or pleasure during that period of their sorrow; if they aim not at glory, are not provoked by insults, nor led captive by envy, nor beset by any other passion, their grief alone wholly possessing them; much more will they who mourn for their own sins, as they ought to mourn, show forth a self-denial greater than this.
Next, what is the reward for these? For they shall be comforted, says He.
Where shall they be comforted! Tell me. Both here and there. For since the thing enjoined was exceeding burthensome and galling, He promised to give that, which most of all made it light. Wherefore, if you will be comforted, mourn: and think not this a dark saying. For when God does comfort, though sorrows come upon you by thousands like snow-flakes, you will be above them all. Since in truth, as the returns which God gives are always far greater than our labors; so He has wrought in this case, declaring them that mourn to be blessed, not after the value of what they do, but after His own love towards man. For they that mourn, mourn for misdoings, and to such it is enough to enjoy forgiveness, and obtain wherewith to answer for themselves. But forasmuch as He is full of love towards man, He does not limit His recompense either to the removal of our punishments, or to the deliverance from our sins, but He makes them even blessed, and imparts to them abundant consolation.
But He bids us mourn, not only for our own, but also for other men's misdoings. And of this temper were the souls of the saints: such was that of Moses, of Paul, of David; yea, all these many times mourned for evils not their own.
5. Blessed are the meek, for they shall inherit the earth. Tell me, what kind of earth? Some say a figurative earth, but it is not this, for nowhere in Scripture do we find any mention of an earth that is merely figurative. But what can the saying mean? He holds out a sensible prize; even as Paul also does, in that when he had said, Honor your father and your mother, Ephesians 6:2 he added, For so shall you live long upon the earth. And He Himself unto the thief again, Today shall you be with me in Paradise. Luke 23:43
Thus He does not incite us by means of the future blessings only, but of the present also, for the sake of the grosser sort of His hearers, and such as before the future seek those others.
Thus, for example, further on also He said, Agree with your adversary. Matthew 5:25 Then He appoints the reward of such self-command, and says, Lest at any time the adversary deliver you to the judge, and the judge to the officer. Matthew 5:25 Do you see whereby He alarmed us? By the things of sense, by what happens before our eyes. And again, Whosoever shall say to his brother, Raca, shall be in danger of the council. Matthew 5:22
And Paul too sets forth sensible rewards at great length, and uses things present in his exhortations; as when he is discoursing about virginity. For having said nothing about the heavens there, for the time he urges it by things present, saying, Because of the present distress, and, But I spare you, and, I would have you without carefulness.
Thus accordingly Christ also with the things spiritual has mingled the sensible. For whereas the meek man is thought to lose all his own, He promises the contrary, saying, Nay, but this is he who possesses his goods in safety, namely, he who is not rash, nor boastful: while that sort of man shall often lose his patrimony, and his very life.
And besides, since in the Old Testament the prophet used to say continually, The meek shall inherit the earth; He thus weaves into His discourse the words to which they were accustomed, so as not everywhere to speak a strange language.
And this He says, not as limiting the rewards to things present, but as joining with these the other sort of gifts also. For neither in speaking of any spiritual thing does He exclude such as are in the present life; nor again in promising such as are in our life, does He limit his promise to that kind. For He says, Seek the kingdom of God, and all these things shall be added unto you. Matthew 6:33 And again: Whosoever has left houses or brethren, shall receive an hundred fold in this world, and in the future shall inherit everlasting life.
6. Blessed are they which do hunger and thirst after righteousness. Matthew 5:6
What sort of righteousness? He means either the whole of virtue, or that particular virtue which is opposed to covetousness. For since He is about to give commandment concerning mercy, to show how we must show mercy, as, for instance, not of rapine or covetousness, He blesses them that lay hold of righteousness.
And see with what exceeding force He puts it. For He said not, Blessed are they which keep fast by righteousness, but, Blessed are they which do hunger and thirst after righteousness: that not merely anyhow, but with all desire we may pursue it. For since this is the most peculiar property of covetousness, and we are not so enamored of meat and drink, as of gaining, and compassing ourselves with more and more, He bade us to transfer this desire to a new object, freedom from covetousness.
Then He appoints the prize, again from things sensible; saying, for they shall be filled. Thus, because it is thought that the rich are commonly made such by covetousness, Nay, says He, it is just contrary: for it is righteousness that does this. Wherefore, so long as you do righteously, fear not poverty, nor tremble at hunger. For the extortioners, they are the very persons who lose all, even as he certainly who is in love with righteousness, possesses himself the goods of all men in safety.
But if they who covet not other men's goods enjoy so great abundance, much more they who give up their own.
Blessed are the merciful. Matthew 5:7
Here He seems to me to speak not of those only who show mercy in giving of money, but those likewise who are merciful in their actions. For the way of showing mercy is manifold, and this commandment is broad. What then is the reward thereof? For they shall obtain mercy.
And it seems indeed to be a sort of equal recompence, but it is a far greater thing than the act of goodness. For whereas they themselves show mercy as men, they obtain mercy from the God of all; and it is not the same thing, man's mercy, and God's; but as wide as is the interval between wickedness and goodness, so far is the one of these removed from the other.
Blessed are the pure in heart, for they shall see God. Matthew 5:8
Behold again the reward is spiritual. Now He here calls pure, either those who have attained unto all virtue, and are not conscious to themselves of any evil; or those who live in temperance. For there is nothing which we need so much in order to see God, as this last virtue. Wherefore Paul also said, Follow peace with all men, and holiness, without which no man shall see the Lord. Hebrews 12:14 He is here speaking of such sight as it is possible for man to have.
For because there are many who show mercy, and who commit no rapine, nor are covetous, who yet are guilty of fornication and uncleanness; to signify that the former alone suffices not, He has added this, much in the same sense as Paul, writing to the Corinthians, bore witness of the Macedonians, that they were rich not only in almsgiving, but also in all other virtue. For having spoken of the noble spirit they had shown in regard of their goods, he says, They gave also their own selves to the Lord, and to us. 2 Corinthians 8:5
7. Blessed are the peace-makers. Matthew 5:9
Here He not only takes away altogether our own strife and hatred among ourselves, but He requires besides this something more, namely, that we should set at one again others, who are at strife.
And again, the reward which He annexes is spiritual. Of what kind then is it.
For they shall be called the children of God.
Yea, for this became the work of the Only Begotten, to unite the divided, and to reconcile the alienated.
Then, lest you should imagine peace in all cases a blessing, He has added,
Blessed are they which are persecuted for righteousness' sake. Matthew 5:10
That is, for virtue's sake, for succor given to others, and for godliness: it being ever His wont to call by the name of righteousness the whole practical wisdom of the soul.
Blessed are you, when men shall revile you and persecute you, and say all manner of evil against you falsely, for my sake. Rejoice, and be exceeding glad. Matthew 5:11-12
As if He said, Though they should call you sorcerers, deceivers, pestilent persons, or whatever else, blessed are you: so He speaks. What could be newer than these injunctions? Wherein the very things which all others avoid, these He declares to be desirable; I mean, being poor, mourning, persecution, evil report. But yet He both affirmed this, and convinced not two, nor ten, nor twenty, nor an hundred, nor a thousand men, but the whole world. And hearing things so grievous and galling, so contrary to the accustomed ways of men, the multitudes were astonished. So great was the power of Him who spoke.
However, lest you should think that the mere fact of being evil spoken of makes men blessed, He has set two limitations; when it is for His sake, and when the things that are said are false: for without these, he who is evil spoken of, so far from being blessed, is miserable.
Then see the prize again: Because your reward is great in heaven. But you, though you hear not of a kingdom given in each one of the blessings, be not discouraged. For although He give different names to the rewards, yet He brings all into His kingdom. Thus, both when He says, they that mourn shall be comforted; and, they that show mercy shall obtain mercy; and, the pure in heart shall see God; and, the peacemakers shall be called the children of God; nothing else but the Kingdom does He shadow out by all these sayings. For such as enjoy these, shall surely attain unto that. Think not therefore that this reward is for the poor in spirit only, but for those also who hunger after righteousness, for the meek, and for all the rest without exception.
Since on this account He has set His blessing on them all, that you might not look for anything sensible: for that man cannot be blessed, who is crowned with such things as come to an end with this present life, and hurry by quicker than a shadow.
8. But when He had said, your reward is great, he added also another consolation, saying, For so persecuted they the prophets which were before you.
Thus, since that first, the promise of the Kingdom, was yet to come, and all in expectation, He affords them comfort from this world; from their fellowship with those who before them had been ill-treated.
For think not, says He, that for something inconsistent in your sayings and enactments ye suffer these things: or, as being teachers of evil doctrines, you are to be persecuted by them; the plots and dangers proceed not of any wickedness in your sayings, but of the malice of those who hear you. Wherefore neither are they any blame to you who suffer wrong, but to them who do the wrong. And to the truth of these things all preceding time bears witness. For against the prophets they did not even bring any charge of transgressing the law, and of sentiments of impiety, that they stoned some, chased away others, encompassed others with innumerable afflictions. Wherefore let not this trouble you, for of the very same mind they do all that is done now. Do you see how He raised up their spirits, by placing them near to the company of Moses and Elias?
Thus also Paul writing to the Thessalonians, says, For you became followers of the Churches of God, which are in Judea; for you also have suffered the same things of your own fellow-countrymen, even as they have of the Jews: who both killed the Lord Jesus, and their own prophets, and have driven us out; and they please not God, and are contrary to all men. 1 Thessalonians 2:14-15 Which same point here also Christ has established.
And whereas in the other beatitudes, He said, Blessed are the poor, and the merciful; here He has not put it generally, but addresses His speech unto themselves, saying, Blessed are you, when they shall revile you, and persecute you, and say every evil word: signifying that this is a special privilege of theirs; and that beyond all others, teachers have this for their own.
At the same time He here also covertly signifies His own dignity, and His equality in honor with Him who begot Him. For as they on the Father's account, says He, so shall you also for me suffer these things. But when He says, the prophets which were before you, He implies that they were also by this time become prophets.
Next, declaring that this above all profits them, and makes them glorious, He did not say, they will calumniate and persecute you, but I will prevent it. For not in their escaping evil report, but in their noble endurance thereof, and in refuting them by their actions, He will have their safety stand: this being a much greater thing than the other; even as to be struck and not hurt, is much greater than escaping the blow.
9. Now in this place He says, Your reward is great in heaven. But Luke reports Him to have spoken this, both earnestly, and with more entire consolation; for He not only, as you know, pronounces them blessed, who are evil spoken of for God's sake, but declares them likewise wretched, who are well spoken of by all men. For, Woe unto you, says He, when all men shall speak well of you. And yet the apostles were well spoken of, but not by all men. Wherefore He said not, Woe unto you, when men shall speak well of you, but, when all men shall do so: for it is not even possible that those who live in the practice of virtue should be well spoken of by all men.
And again He says, When they shall cast out your name as evil, rejoice ye, and leap for joy. Luke 6:22-23 For not only of the dangers they underwent, but of the calumny also, He appoints the recompence to be great. Wherefore He said not, When they shall persecute, and kill you, but, When they shall revile you, and say all manner of evil. For most assuredly, men's evil reports have a sharper bite than their very deeds. For whereas, in our dangers, there are many things that lighten the toil, as to be cheered by all, to have many to applaud, to crown, to proclaim our praise; here in our reproach even this consolation is destroyed. Because we seem not to have achieved anything great; and this galls the combatant more than all his dangers: at least many have gone on even to hang themselves, not bearing evil report. And why do you marvel at the others? Since that traitor, that shameless and accursed one, he who had ceased to blush for anything whatever, was wrought upon by this chiefly to hurry to the halter. And Job again, all adamant as he was, and firmer than a rock; when he had been robbed of all his possessions, and was suffering those incurable ills, and had become on a sudden childless, and when he saw his body pouring out worms like a fountain, and his wife attacking him, he repelled it all with ease; but when he saw his friends reproaching and trampling upon him, and entertaining an evil opinion of him, and saying that he suffered those things for some sins, and was paying the penalty of wickedness: then was there trouble, then commotion, even in that great and noble-hearted man.
And David also, letting pass all that he had suffered, sought of God a retribution for the calumny alone. For, Let him curse, says he, for the Lord has bidden him: that the Lord may see my humiliation, and requite me for this cursing of his on this day. 2 Samuel 16:11-12
And Paul too proclaims the triumph not of those only who incur danger, or are deprived of their goods, but of these also, thus saying, Call to remembrance the former days, in which after you were illuminated ye endured a great fight of afflictions; partly while you were made a gazing stock by reproaches, and afflictions. On this account then Christ has appointed the reward also to be great.
After this, lest any one should say, Here you give no redress, nor stoppest men's mouths; and do you assign a reward there? He has put before us the prophets, to show that neither in their case did God give redress. And if, where the rewards were at hand, He cheered them with things to come; much more now, when this hope has become clearer, and self-denial is increased.
And observe too, after how many commandments He has put this, for surely He did it not without reason, but to show that it is not possible for one unprovided, and unarmed with all those other virtues, to go forth unto these conflicts. Therefore, you see, in each instance, by the former precept making way for the following one, He has woven a sort of golden chain for us. Thus, first, he that is humble, will surely also mourn for his own sins: he that so mourns, will be both meek, and righteous, and merciful; he that is merciful, and righteous, and contrite will of course be also pure in heart: and such a one will be a peacemaker too: and he that has attained unto all these, will be moreover arrayed against dangers, and will not be troubled when evil is spoken of him, and he is enduring grievous trials innumerable.
10. Now then, after giving them due exhortation, He refreshes them again with praises. As thus: the injunctions being high, and far surpassing those in the Old Testament; lest they should be disturbed and confounded, and say, How shall we be able to achieve these things? hear what He says: You are the salt of the earth. Matthew 5:13 Implying, that of absolute necessity He enjoins all this. For not for your own life apart, says He, but for the whole world, shall your account be. For not to two cities, nor to ten or twenty, nor to a single nation am I sending you, as I sent the prophets; but to earth, and sea, and the whole world; and that in evil case. For by saying, You are the salt of the earth, He signified all human nature to have lost its savor, and to be decayed by our sins. For which cause, you see, He requires of them such virtues, as are most necessary and useful for the superintendence of the common sort. For first, the meek, and yielding, and merciful, and righteous, shuts not up his good deeds unto himself only, but also provides that these good fountains should run over for the benefit of others. And he again who is pure in heart, and a peacemaker, and is persecuted for the truth's sake; he again orders his way of life for the common good. Think not then, He says, that you are drawn on to ordinary conflicts, or that for some small matters you are to give account. You are the salt of the earth.
What then? Did they restore the decayed? By no means; for neither is it possible to do any good to that which is already spoilt, by sprinkling it with salt. This therefore they did not. But rather, what things had been before restored, and committed to their charge, and freed from that ill savor, these they then salted, maintaining and preserving them in that freshness, which they had received of the Lord. For that men should be set free from the rottenness of their sins was the good work of Christ; but their not returning to it again any more was the object of these men's diligence and travail.
Do you see how by degrees He indicates their superiority to the very prophets? In that He says they are teachers, not of Palestine, but of the whole world; and not simply teachers, but awful ones too. For this is the marvellous thing, that not by flattering, nor soothing, but by sharply bracing them, as salt, even so they became dear to all men.
Now marvel not, says He, if leaving all others, I discourse to you, and draw you on to so great dangers. For consider over how many cities, tribes, and nations, I am to send you to preside. Wherefore I would have you not only be prudent yourselves, but that you should also make others the same. And such persons have great need to be intelligent, in whom the salvation of the rest is at stake: they ought so much to abound in virtue, as to impart of the profit to others also. For if you do not become such as this, you will not suffice even for your own selves.
Be not then impatient, as though my sayings were too burdensome. For while it is possible for others who have lost their savor to return by your means, you, if you should come to this, will with yourselves destroy others also. So that in proportion as the matters are great, which you have put into your hands, you need so much the greater diligence. Therefore He says,
But if the salt have lost its savor, wherewith shall it be salted? It is thenceforth good for nothing, but to be cast out, and to be trodden under foot of men. Matthew 5:13
For other men, though they fall never so often, may possibly obtain indulgence: but the teacher, should this happen to him, is deprived of all excuse, and will suffer the most extreme vengeance. Thus, lest at the words, When they shall revile you, and persecute you, and say all manner of evil against you, they should be too timid to go forth: He tells them, unless you are prepared to combat with all this, you have been chosen in vain. For it is not evil report that you should fear, but lest ye should prove partners in dissimulation. For then, You will lose your savor, and be trodden under foot: but if you continue sharply to brace them up, and then are evil spoken of, rejoice; for this is the very use of salt, to sting the corrupt, and make them smart. And so their censure follows of course, in no way harming you, but rather testifying your firmness. But if through fear of it you give up the earnestness that becomes you, you will have to suffer much more grievously, being both evil spoken of, and despised by all. For this is the meaning of trodden under foot.
11. After this He leads on to another, a higher image.
You are the light of the world. Matthew 5:14
Of the world again; not of one nation, nor of twenty states, but of the whole inhabited earth. And a light to the mind, far better than this sunbeam: like as they were also a spiritual salt. And before they are salt, and now light; to teach you how great is the gain of these strict precepts, and the profit of that grave discipline: how it binds, and permits not to become dissolute; and causes clear sight, leading men on to virtue.
A city that is set on a hill cannot be hid, neither do men light a candle, and put it under the bushel.
Again, by these words He trains them to strictness of life, teaching them to be earnest in their endeavors, as set before the eyes of all men, and contending in the midst of the amphitheatre of the world. For, look not to this, He says, that we are now sitting here, that we are in a small portion of one corner. For you shall be as conspicuous to all as a city set on the ridge of a hill, as a candle in a house on the candlestick, giving light.
Where now are they who persevere in disbelieving the power of Christ? Let them hear these things, and let them adore His might, amazed at the power of the prophecy. For consider how great things he promised to them, who were not known even in their own country: that earth and sea should know them, and that they should by their fame reach to the limits of the inhabited world; or rather, not by their fame, but by the working of the good they wrought. For it was not fame that bearing them everywhere made them conspicuous, but also the actual demonstration by their works. Since, as though they had wings, more vehemently than the sunbeam did they overrun the whole earth, sowing the light of godliness.
But here He seems to me to be also training them to boldness of speech. For to say, A city set on a hill cannot be hid, is to speak as declaring His own powers. For as that city can by no means be hidden, so it was impossible that what they preached should sink into silence and obscurity. Thus, since He had spoken of persecutions and calumnies, of plots and wars, for fear they might think that these would have power to stop their mouths; to encourage them, He says, that so far from being hid, it should over-shine the whole world; and that on this very account they should be illustrious and renowned.
By this then He declares His own power. In what follows, He requires that boldness of speech which was due on their part; thus saying,
Neither do men light a candle and put it under the bushel, but on the candlestick, and it gives light unto all that are in the house. Let your light so shine before men, that they may see your good works, and glorify your Father which is in Heaven.
For I, says He, it is true, have kindled the light, but its continuing to burn, let that come of your diligence: not for your own sakes alone, but also for their sake, who are to profit by these rays, and to be guided unto the truth. Since the calumnies surely shall not be able to obscure your brightness, if you be still living a strict life, and as becomes those who are to convert the whole world. Show forth therefore a life worthy of His grace; that even as it is everywhere preached, so this light may everywhere accompany the same.
Next He sets before them another sort of gain, besides the salvation of mankind, enough to make them strive earnestly, and to lead them unto all diligence. As thus, You shall not only, says He, amend the world, if you live aright, but you will also give occasion that God shall be glorified; even as if you do the contrary, you will both destroy men, and make God's name to be blasphemed.
And how, it may be asked, shall God be glorified through us, if at least men are to speak evil of us? Nay, not all men, and even they themselves who in envy do this, will in their conscience admire and approve you; even as the outward flatterers of such as live in wickedness do in mind accuse them.
What then? Do you command us to live for display and vain glory? Far from it; I say not this; for I did not say, Give ye diligence to bring forward your own good deeds, neither did I say, Show them; but Let your light shine. That is, Let your virtue be great, and the fire abundant, and the light unspeakable. For when virtue is so great, it cannot lie hidden, though its pursuer shade it over ten thousand fold. Present unto them an irreprehensible life, and let them have no true occasion of evil speaking; and then, though there be thousands of evil-speakers, no man shall be able to cast any shade upon you. And well did He say, your light, for nothing makes a man so illustrious, how manifold soever his will to be concealed, as the manifestation of virtue. For as if he were clad with the very sunbeam, so he shines, yet brighter than it; not spending his rays on earth, but surmounting also Heaven itself.
Hence also He comforts them more abundantly. For, What though the slander pain you, says He; yet shall you have many to honor God on your account. And in both ways your recompence is gathering, as well because God is glorified through you, as because you are defamed for God's sake. Thus, lest we should on purpose seek to be reproached, on hearing that there is a reward for it: first, He has not expressed that sentiment simply, but with two limitations, namely, when what is said is false, and when it is for God's sake:— and next He signifies how not that only, but also good report, has its great profit, the glory of it passing on to God. And He holds out to them those gracious hopes. For, says He, the calumny of the wicked avails not so much as to put all others in the dark, in respect of seeing your light. For then only when you have lost your savor shall they tread you under foot; but not when you are falsely accused, doing right. Yea, rather then shall there be many admiring, not you only, but for your sake your Father also. And He said not God, but your Father; already sowing beforehand the seeds of that noble birth, which was about to be bestowed upon them. Moreover, indicating His parity in honor, as He said above, Grieve not when you are evil spoken of, for it is enough for you that for my sake you are thus spoken of; so here He mentions the Father: every where manifesting His equality.
12. Since then we know the gain that arises from this earnestness, and the danger of indolence (for if our Lord be blasphemed because of us, that were far worse than our perdition), let us give none offense, neither to the Jews, nor to the Gentiles, nor to the Church of God. 1 Corinthians 10:32 And while the life which we present before them is brighter than the sun, yet if any one will speak evil of us, let us not grieve at being defamed, but only if we be defamed with justice.
For, on the one hand, if we live in wickedness, though there be none to speak ill of us, we shall be the most wretched of all men: on the other hand, if we apply ourselves to virtue, though the whole world speak evil of us, at that very time we shall be more enviable than any. And we shall draw on to follow us all who choose to be saved, for not the calumny of the wicked, but our good life, will draw their attention. For indeed no trumpet is so clear as the proof that is given by our actions: neither is the light itself so transparent as a pure life, though our calumniators be beyond number.
I say, if all the above-mentioned qualities be ours; if we be meek and lowly and merciful; if we be pure, and peacemakers; if hearing reproach, we revile not again, but rather rejoice; then shall we attract all that observe us no less than the miracles do. And all will be kindly disposed towards us, though one be a wild beast, a demon, or what you will.
Or if there should even be some who speak evil of you, be not at all troubled thereat, nor because they revile you in public, regard it; but search into their conscience, and you shall see them applauding and admiring you, and numbering up ten thousand praises.
See, for instance, how Nebuchadnezzar praises the children in the furnace; yet surely he was an adversary and an enemy. But upon seeing them stand nobly, he proclaims their triumph, and crowns them: and that for nought else, but because they disobeyed him, and hearkened unto the law of God. For the devil, when he sees himself effecting nothing, from that time departs, fearing lest he should be the cause of our winning more crowns. And when he is gone, even one who is abominable and depraved will recognize virtue, that mist being withdrawn. Or if men still argue perversely, you shall have from God the greater praise and admiration.
Grieve not now, I pray you, neither despond; since the very apostles were to some a savor of death; 1 Corinthians 2:16 to others, a savor of life. And if there be nothing to lay hold of in yourself, you are rid of all their charges; or rather, you have become the more blessed. Shine out therefore in your life, and take no account of them who speak evil of you. For it cannot, it cannot be, that one careful of virtue, should not have many enemies. However, this is nothing to the virtuous man. For by such means his brightness will increase the more abundantly.
Let us then, bearing these things in mind, look to one object only; how to order our own life with strictness. For thus we shall also guide to the life that is there, such as are now sitting in darkness. For such is the virtue of that light, as not only to shine here, but also to conduct its followers there. For when men see us despising all things present, and preparing ourselves for that which is to come, our actions will persuade them sooner than any discourse. For who is there so senseless, that at sight of one, who within a day or two was living in luxury and wealth, now stripping himself of all, and putting on wings, and arrayed to meet both hunger and poverty, and all hardship, and dangers, and blood, and slaughter, and everything that is counted dreadful; will not from this sight derive a clear demonstration of the things which are to come?
But if we entangle ourselves in things present, and plunge ourselves in them more and more, how will it be possible for them to be persuaded that we are hastening to another sojourn?
And what excuse after this shall we have, if the fear of God avail not so much with us, as human glory availed with the Greek philosophers? For some of them did really both lay aside wealth, and despised death, that they might make a show before men; wherefore also their hopes became vain. What plea then shall deliver us, when with so great things set before us, and with so high a rule of self-denial laid open to us, we are not able even to do as they did, but ruin both ourselves and others besides? For neither is the harm so great when a heathen commits transgression, as when a Christian does the same. Of course not; for their character is already lost, but ours, by reason of the grace of God, is even among the ungodly venerable and glorious. Therefore when they would most revile us, and aggravate their evil speech, they add some such taunt as, Thou Christian: a taunt which they would not utter, did they not secretly entertain a great opinion of our doctrine.
Have you not heard how many, and how great precepts Christ enjoined? Now when will you be able to fulfill one of those commandments, while you leave all, and go about gathering interest, tacking together usuries, setting on foot transactions of business, buying herds of slaves, procuring silver vessels, purchasing houses, fields, goods without end? And I would this were all. But when to these unseasonable pursuits, you add even injustice, removing landmarks, taking away houses by violence, aggravating poverty, increasing hunger, when will you be able to set your foot on these thresholds?
13. But sometimes you show mercy to the poor. I know it as well as you. But even in this again great is the mischief. For you do this either in pride or in vainglory, so as not to profit even by your good deeds. What can be more wretched than this, to be making your shipwreck in the very harbor? To prevent this, when you have done any good action, seek not thanks from me, that you may have God your debtor. For, Lend, says He, unto them from whom you do not expect to receive.
You have your Debtor; why leave Him, and require it of me, a poor and wretched mortal? What? Is that Debtor displeased, when the debt is required of Him? What? Is He poor? Is He unwilling to pay? Do you see not His unspeakable treasures? Do you see not His indescribable munificence? Lay hold then on Him, and make your demand; for He is pleased when one thus demands the debt of Him. Because, if He see another required to pay for what He Himself owes, He will feel as though He were insulted, and repay you no more; nay, He justly finds fault, saying, Why, of what ingratitude have you convicted me? What poverty do you know to be in me, that you hasten by me, and resortest unto others? Have you lent to One, and do you demand the debt of another?
For although man received it, it was God that commanded you to bestow; and His will is to be Himself, and in the original sense, debtor, and surety, affording you ten thousand occasion to demand the debt of Him from every quarter. Do not then let go so great facility and abundance, and seek to receive of me who have nothing. Why, to what end do you display to me your mercy shown to the poor. What! Was it I that said to you, Give? Was it from me that you heard this; that you should demand it back of me? He Himself has said, He that has pity upon the poor lends to God. Proverbs 19:17 You have lent to God: put it to His account.
But He does not repay the whole now. Well, this too He does for your good. For such a debtor is He: not as many, who are anxious simply to repay that which is lent; whereas He manages and does all things, with a view of investing likewise in security that which has been given unto Him. Therefore some, you see, He repays here: some He assigns in the other place.
14. Knowing therefore as we do these things, let us make our mercifulness abundant, let us give proof of much love to man, both by the use of our money, and by our actions. And if we see any one ill-treated and beaten in the market-place, whether we can pay down money, let us do it: or whether by words we may separate them, let us not be backward. For even a word has its re ward, and still more have sighs. And this the blessed Job said; But I wept for every helpless one, and I sighed when I saw a man in distress. Job 30:25 But if there be a reward for tears and sighs; when words also, and an anxious endeavor, and many things besides are added, consider how great the recompence becomes. Yea, for we too were enemies to God, and the Only-begotten reconciled us, casting himself between, and for us receiving stripes, and for us enduring death.
Let us then likewise do our diligence to deliver from countless evils such as are incurring them; and not as we now do, when we see any beating and tearing one another: we are apt to stand by, finding pleasure in the disgrace of others, and forming a devilish amphitheatre around: than which what can be more cruel? You see men reviled, tearing each other to pieces, rending their clothes, smiting each other's faces, and do you endure to stand by quietly?
What! Is it a bear that is fighting? A wild beast? A serpent? It is a man, one who has in every respect fellowship with you: a brother, a member. Ephesians 4:25 Look not on, but separate them. Take no pleasure, but amend the evil. Stir not up others to the shameful sight, but rather drive off and separate those who are assembled. It is for shameless persons, and born slaves, to take pleasure in such calamities; for those that are mere refuse, for asses without reason.
You see a man behaving himself unseemly, and do you not account the unseemliness your own? Do you not interpose, and scatter the devil's troop, and put an end to men's miseries?
That I may receive blows myself, says one; is this also your bidding? You will not have to suffer even this; but if you should, the thing would be to you a sort of martyrdom; for you suffered on God's behalf. And if you are slow to receive blows, consider that your Lord was not slow to endure the cross for you.
Since they for their part are drunken in darkness; wrath being their tyrant and commander; and they need some one who is sound to help them, both the wrong-doer, and he who is injured; the one that he may be delivered from suffering evil, the other that he may cease to do it. Draw near, therefore, and stretch forth the hand, you that are sober to him that is drunken. For there is a drunkenness of wrath too, and that more grievous than the drunkenness of wine.
Do you see not the seamen, how, when they see any meeting with shipwreck, they spread their sails, and set out with all haste, to rescue those of the same craft out of the waves? Now, if partakers in an art show so much care one for another, how much more ought they who are partakers of the same nature to do all these things! Because in truth here too is a shipwreck, a more grievous one than that; for either a man under provocation blasphemes, and so throws all away: or he forswears himself under the sway of his wrath, and that way falls into hell: or he strikes a blow and commits murder, and thus again suffers the very same shipwreck. Go then, and put a stop to the evil; pull out them that are drowning, though you descend into the very depth of the surge; and having broken up the theatre of the devil, take each one of them apart, and admonish him to quell the flame, and to lull the waves.
But if the burning pile wax greater, and the furnace more grievous, be not terrified; for you have many to help you, and stretch forth the hand, if you furnish but a beginning; and above all you surely have with you the God of peace. And if you will first turn aside the flames, many others also will follow, and of what they do well, you will yourself receive the reward.
Hear what precept Christ gave to the Jews, creeping as they did upon the earth: If you see, says He, your enemy's beast of burden falling down, do not hasten by, but raise it. And you must see that to separate and reconcile men that are fighting is a much lighter thing than to lift up the fallen beast. And if we ought to help in raising our enemies' ass, much more our friends' souls: and most when the fall is more grievous; for not into mire do these fall, but into the fire of hell, not bearing the burden of their wrath. And you, when you see your brother lying under the load, and the devil standing by, and kindling the pile, you run by, cruelly and unmercifully; a kind of thing not safe to do, even where brutes are concerned.
And whereas the Samaritan, seeing a wounded man, unknown, and not at all appertaining to him, both staid, and set him on a beast, and brought him home to the inn, and hired a physician, and gave some money, and promised more: you, seeing one fallen not among thieves, but among a band of demons, and beset by anger; and this not in a wilderness, but in the midst of the forum; not having to lay out money, nor to hire a beast, nor to bring him on a long way, but only to say some words:— are you slow to do it? And holdest back, and hurriest by cruelly and unmercifully? And how do you think, calling upon God, ever to find Him propitious?
15. But let me speak also to you, who publicly disgrace yourselves: to him who is acting despitefully, and doing wrong. Are you inflicting blows? Tell me; and kicking, and biting? Are you become a wild boar, and a wild ass? And are you not ashamed? Do you not blush at thus being changed into a wild beast, and betraying your own nobleness? For though you be poor, you are free; though you be a working man, you are a Christian.
Nay, for this very reason, that you are poor, you should be quiet. For fightings belong to the rich, not to the poor; to the rich, who have many causes to force them to war. But you, not having the pleasure of wealth, go about gathering to yourself the evils of wealth, enmities, and strifes, and fightings; and takest your brother by the throat, and go about to strangle him, and throwest him down publicly in the sight of all men: and do you not think that you are yourself rather disgraced, imitating the violent passions of the brutes; nay rather, becoming even worse than they? For they have all things in common; they herd one with another, and go about together: but we have nothing in common, but all in confusion: fightings, strifes, revilings, and enmities, and insults. And we neither reverence the heaven, unto which we are called all of us in common; nor the earth, which He has left free to us all in common; nor our very nature; but wrath and the love of money sweeps all away.
Have you not seen him who owed the ten thousand talents, and then, after he was forgiven that debt, took his fellow-servant by the throat for an hundred pence, what great evils he underwent, and how he was delivered over to an endless punishment? Have you not trembled at the example? Have you no fear, lest you too incur the same? For we likewise owe to our Lord many and great debts: nevertheless, He forbears, and suffers long, and neither urges us, as we do our fellow-servants, nor chokes and takes us by the throat; yet surely had he been minded to exact of us but the least part thereof, we had long ago perished.
16. Let us then, beloved, bearing these things in mind, be humbled, and feel thankful to those who are in debt to us. For they become to us, if we command ourselves, an occasion of obtaining most abundant pardon; and giving a little, we shall receive much. Why then exact with violence, it being meet, though the other were minded to pay, for you of your accord to excuse him, that you may receive the whole of God? But now you do all things, and art violent, and contentious, to have none of your debts forgiven you; and while you are thinking to do despite unto your neighbor, you are thrusting the sword into yourself, so increasing your punishment in hell: whereas if you will show a little self-command here, you make your own accounts easy. For indeed God therefore wills us to take the lead in that kind of bounty, that He may take occasion to repay us with increase.
As many therefore as stand indebted to you, either for money, or for trespasses, let them all go free, and require of God the recompense of such your magnanimity. For so long as they continue indebted to you, you can not have God your debtor. But if you let them go free, you will be able to detain your God, and to require of Him the recompense of so great self-restraint in bountiful measure. For suppose a man had come up and seeing you arresting your debtor, had called upon you to let him go free, and transfer to himself your account with the other: he would not choose to be unfair after such remission, seeing he had passed the whole demand to himself: how then shall God fail to repay us manifold, yea, ten thousand fold, when for His commandment's sake, if any be indebted to us, we urge no complaint against them, great or small, but let them go exempt from all liability? Let us not then think of the temporary pleasure that springs up in us by exacting of our debtors, but of the loss, rather, how great! Which we shall thereby sustain hereafter, grievously injuring ourselves in the things which are eternal. Rising accordingly above all, let us forgive those who must give account to us, both their debts and their offenses; that we may make our own accounts prove indulgent, and that what we could not reach by all virtue besides, this we may obtain by not bearing malice against our neighbors; and thus enjoy the eternal blessings, by the grace and love towards man of our Lord Jesus Christ, to whom be glory and might now and always, even forever and ever. Amen.

EXPLANATION
http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_evangile_saint_matthieu_0.html
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/frame.html
http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-10/npnf1-10-21.htm#P1331_455240
http://www.newadvent.org/fathers/200115.htm

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