SAINT JOHN CHRYSOSTOM

Saturday, 11 September 2010

EPITRE DE SAINT PAUL POUR LA FETE D'ELNAROUZ



2COR.5:11-6:13
saint JOHN CHRYSOSTOM
http://www.ccel.org/ccel/schaff/npnf112.v.xi.html
http://www.ccel.org/ccel/schaff/npnf112.v.xii.html
http://www.ccel.org/ccel/schaff/npnf112.v.xiii.html

http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-12/npnf1-12-61.htm#P2585_1621890
http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-12/npnf1-12-62.htm#P2623_1645400
http://www.bible.ca/history/fathers/NPNF1-12/npnf1-12-63.htm#P2656_1673702



http://jesusmarie.free.fr/jean_chrysostome_commentaire_sur_la_2eme_lettre_aux_corinthiens_1.html


HOMELIE XI. REMPLIS DE LA CRAINTE DU SEIGNEUR, NOUS CHERCHONS A PERSUADER LES HOMMES, ET DIEU VOIT LE FOND DE N0TRE COEUR; J'ESPÈRE AUSSI QUE VOS CONSCIENCES ONT DE NOUS UNE CONNAISSANCE EXACTE. (V, 11, JUSQU'À LA FIN DU CHAPITRE.)
Analyse.
1-3. Je ne fais aucune attention à la condition terrestre de qui que ce soit; mais je n'ai égard qu'à la nouvelle créature formée de Dieu, qui, par la médiation de Jésus-Christ, a admis l'homme à se réconcilier avec lui, et qui m'a aussi confié le ministère de la réconciliation. — Ce ministère, je l’exerce à la place de Jésus-Christ, car c'est lui qui est l’unique médiateur, Dieu en ayant fait la victime pour le péché.
3 et 4. Que nous devons plus craindre le péché que la punition du péché.
1. Tremblant nous-mêmes à la pensée de ce redoutable tribunal, nous nous efforçons de ne vous donner aucune prise contre nous, de ne vous causer aucun scandale, de ne faire naître en vos âmes aucun fâcheux soupçon. Voyez quelle perfection, quelle délicatesse de conscience! Il ne nous suffit point de ne pas. faire le mal, pour être à l'abri des reprochés; si l'on nous soupçonne, même sans fondement aucun, et que nous ne nous efforcions point d'écarter ces soupçons, nous méritons d'être punis. — " Nous ne nous recommandons point auprès de vous, nous vous donnons seulement occasion de vous glorifier à notre sujet". Que de fois il se défend de faire son propre éloge ! Rien n'offense autant les auditeurs que d'entendre un homme, se décerner de pompeux éloges. Forcé de se donner à lui-même des louanges, il reprend aussitôt: C'est à cause de vous que je m'exprime de la sorte, et non -par, à cause de moi, afin que vous ayez lieu de vous glorifier, et non pour nous arroger à nous-même quelque gloire. Il avait aussi en vue les faux apôtres. C'est pourquoi il ajoute : " Auprès de ceux qui. se glorifient extérieurement, mais non dans le coeur (12) " . Voyez-vous comme il les détourne de ces hommes dangereux, pour se les attirer à lui-même, en montrant aux Corinthiens qu'eux aussi désirent trouver une occasion de le soutenir et de le défendre contre ses détracteurs? Si nous vous parlons de la sorte, dit-il, ce n'est point afin de nous glorifier nous-même, mais bien pour que vous puissiez parler vous-mêmes librement en notre faveur. C'est ainsi qu'il leur témoigne son amour. Non-seulement je me propose votre propre gloire, mais encore. de vous prémunir contre. leurs pièges. Il ne le leur dit pas en propres termes, mais c'est la pensée qu'il exprime dans un langage plein de modération et incapable de blesser personne. " Afin que vous puissiez vous glorifier en présence de ceux qui se glorifient eux;mêmes extérieurement". Et encore leur recommande-t-il de ne point le faire sans motif, mais uniquement lorsque les faux apôtres feront paraître de l'orgueil. Partout il exige que l'on se guide sur les circonstances. Ce n'est donc point pour faire briller son mérita qu'il agit de la sorte, mais bien pour réprimer l'orgueil de ces hommes qui par leur jactance pouvaient nuire aux Corinthiens. Que signifient ces mots : " à l'extérieur? " C'est-à-dire, en ce qui. frappe les yeux, en ce qui s'étale au grand jour. Ils n'agissaient qu'en vue de la. gloire, ils étaient vides de bonnes intentions, prenaient le masque de la piété pour paraître dignes de respect, sans avoir au fond aucun mérite.
" Si nous semblons exagérer, c'est pour Dieu; si nous parlons un humble langage, c'est pour vous (13) ". Oui, dit-il, soit que (72) nous nous louions nous-mêmes (c'est ce qu'il appelle " exagérer ", comme ailleurs il dit " être insensé "), nous le faisons à cause de Dieu; à la vue de notre bassesse, peut-être nous mépriseriez-vous, et ainsi vous courriez à votre perte. Si au contraire nous parlons un langage plein de modération et d'humilité, c'est pour vous apprendre à vous-mêmes à demeurer toujours humbles. On bien encore l'apôtre veut dire . Si l'on nous traite d'insensés, c'est de Dieu que nous attendons notre récompense, après avoir été l'objet d'un tel outrage; si au contraire on reconnaît notre sagesse, on en recueillera les précieux avantages. — Ou bien encore : On nous regarde comme un insensé; eh bien ! c'est à cause de Dieu que nous sommes insensé. Aussi ajoute-t-il : à la charité de Dieu nous presse, et nous " pensons... (14) ". Ce n'est pas seulement la crainte de l'enfer qui nous défend de nous. engourdir dans un lâche sommeil, mais le souvenir du passé nous excité sans cesse à supporter pour vous de si grandes fatigues. Et quels sont donc ces événements passés ? " Si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts ". L'apôtre s'exprime donc comme si tous étaient morts. Si tous, en effet, n'eussent été morts, le Christ ne serait point mort pour tous. Ici-bas le salut est possible ; mais après cette vie, il n'est plus possible de se sauver. C'est pourquoi l'apôtre dit : " La charité du Christ nous presse" et ne nous laisse prendre aucun repos. Ne serait-ce point le pire des maux, un mal plus affreux que l'enfer lui-même que de trouver des hommes qui, après cet immense dévouement du Sauveur, ne retireraient aucun fruit de ses souffrances? Quel excès de charité de la part de Jésus-Christ que d'avoir souffert la mort pour sauver un monde si mal disposé à son égard !
" Afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux (15) ". Si donc nous ne devons point vivre pour nous-mêmes, ne vous troublez point, ne vous effrayez point à l'approche des dangers et de la mort. C'est un devoir pour nous, et la raison qu'il en donne est convaincante. Puisque c'est la mort de Jésus-Christ qui nous a donné la vie, ne devons-nous pas vivre pour celui à qui nous la devons? Saint Paul semble n'avoir exprimé qu'une seule pensée; mais, si nous y prenons garde, il y en a deux; la première, que nous vivons par. Jésus-Christ; la seconde, qu'il est mort à cause de nous. L'une ou l'autre suffit pour flous mettre sous sa dépendance. Mais quand elles se réunissent toutes deux, jugez quelles sont nos obligations ! Ou plutôt il y a là trois choses. Car il est ressuscité d'entre les morts et a transporté l'homme dans les cieux. Voilà pourquoi saint Paul ajoute : " A celui qui est mort et qui est ressuscité pour nous ". — " C'est pourquoi depuis ce temps nous ne connaissons plus personne selon la chair parmi les fidèles ". Car si toits sont morts, victimes de la tyrannie du péché, si tous sont ressuscités parle baptême de la régénération, et le renouvellement opéré par l’Esprit-Saint , l'apôtre a raison de dire : " Nous ne connaissons plus personne d'entre les fidèles selon la chair ". Ils sont encore dans la chair, je le veux bien. Mais en eux il n'y a plus de vie charnelle ; et de plus nous avons été. engendrés dans le Saint-Esprit, et maintenant nous ne connaissons plus d'autre conduite, d'autre vie que la vie du ciel. L'auteur de ce bienfait, c'est encore le Christ, ainsi que le dit l'apôtre : " Si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de la sorte (l6) ".
2. Eh ! quoi, direz-vous? Jésus-Christ a-t-il déposé la chair, et n'a-t-il plus de corps ? Loin de nous cette pensée : maintenant encore il est revêtu de sa chair. " Ce Jésus qui a été élevé au ciel et dérobé à vos regards, viendra comme vous l'avez vu remonter ". (Act. I, 14.) C'est-à-dire, dans la chair et avec son corps. Pourquoi donc l'apôtre dit- il : " Si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair ; maintenant nous ne le connaissons plus de a la sorte? " Pour nous, " être dans la chair ", c'est être dans le péché; et " n'être pas dans la chair ", c'est n'être pas dans le péché. Quand il s'agit du Christ„ cette expression "selon la chair ", signifie les affections naturelles, comme la faim, la soif, la fatigue, le, sommeil. " Car il n'a point commis le péché, et la ruse ne s'est point trouvée sur ses lèvres ". (Isaïe, LIII, 9.) Et c'est pourquoi le Sauveur disait : " Qui de vous me convaincra de péché? " Et encore : " Le prince de ce monde est venu, et il n'a rien en moi ". (Jean, VIII, 46 , et XIV, 30.) Cette expression, " non selon la chair ", nous dit qu'il n'est plus sujet à ces sortes d'affections, mais non pas qu'il n'a point de corps. Car il doit venir un (73) jour revêtu de sa chair désormais impassible et immortelle pour juger l'univers. Alors aussi nos corps seront transformés comme le sien et resplendiront d'une gloire semblable.
" En sorte que s'il y a dans le Christ une nouvelle création... (17) ". C'est l'amour de Dieu qui doit d'abord nous exciter à la vertu ; mais ensuite l'apôtre nous y porte par les choses elles-mêmes. Et c'est pourquoi il ajoute : " S'il est dans le Christ une création nouvelle ". Celui qui embrasse la foi de l'Evangile, est pour ainsi dire créé une seconde fois : L'Esprit-Saint lui a donné une seconde fois la naissance. Nous devons donc vivre pour Jésus-Christ, non-seulement parce que nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes ou parce qu'il est mort pour nous, ou parce qu'il a ressuscité les prémices du genre humain, mais aussi parce que nous sommes entrés dans une vie nouvelle. Voyez que de motifs pour nous exciter à tenir une conduite vertueuse. C'est pourquoi l'apôtre se sert d'une expression fort matérielle pour rendre cette transformation, afin que nous en sentions mieux l'importance. Il va plus loin, et nous montre en quoi consiste cette création nouvelle. — " Les choses anciennes ont passé, dit-il, voilà que tout a été renouvelé ". Quelles sont ces choses anciennes? Les péchés, les impiétés, ou bien les cérémonies judaïques, ou bien les deux ensemble. " Voilà " que tout a été renouvelé. — Or tout vient de Dieu... (l8) ". Rien ne vient de nous-mêmes. Le pardon de nos fautes, notre adoption, notre- glorification, nous tenons tout de sa munificence. A l'avenir l'apôtre joint le présent pour les exciter encore davantage. Voyez en effet : Il a dit que nous devons ressusciter, entrer dans une vie éternelle, régner éternellement avec Dieu; mais le présent aura plus d'influence que l'avenir sur ceux qui n'ont pas une foi bien ferme dans les biens futurs, et c'est pourquoi il leur rappelle les bienfaits qu'ils ont reçus et l'état où ils se trouvaient, quand Dieu les en a comblés. En quel état se trouvaient-ils donc ? Ils étaient tous morts. — " Tous sont morts, " dit-il, " et le Christ est mort pour tous " , tant il les aimait tous. Tous étaient courbés sous la vétusté des vices.
Mais tout a été renouvelé, l'âme qui a été purifiée, le corps, la manière d'adorer Dieu, les promesses, le Testament, la table, les vêtements, tout en un mot. Au lieu de la Jérusalem d'ici-bas, nous avons reçu la Jérusalem céleste; au lieu d'un temple matériel, un temple spirituel; au lieu des tables de pierre, des tables de chair; au lieu de la circoncision, le baptême; au lieu de la manne, le corps du Seigneur; au lieu de l'eau du rocher, le sang qui coule du côté de Jésus;. nous avons reçu la croix au lieu de la verge de Moïse et d'Aaron, le royaume des cieux au lieu de la terre promise, un seul Pontife au lieu de ces milliers de prêtres, l'Agneau spirituel au lieu de cet agneau privé de raison. C'est tout plein de ces pensées que l'apôtre disait : " Tout a été renouvelé. Et tout nous vient de Dieu " par le Christ; c'est un présent de la divine munificence. Aussi ajoute-t-il : " Qui nous a réconciliés avec lui par Jésus-Christ et nous a donné le ministère de la réconciliation. " De là en effet nous viennent tous les biens. Celui qui nous a rendus les amis de Dieu, nous a valu tous les autres bienfaits que Dieu nous a prodigués. Il n'a point voulu que nous fussions encore ennemis de Dieu, au moment où il nous faisait ces largesses; il a commencé par nous rétablir dans son amitié. En disant que le Christ a été pour nous l',auteur de la réconciliation, je veux parler aussi du Père; et en disant que ces bienfaits nous viennent du Père, j'entends aussi parler du Fils. " Car c'est par lui que tout a été fait ". (Jean, I, 13.) D'où il suit qu'il est lui-même aussi l'auteur de ces bienfaits. Ce n'est pas nous qui sommes accourus vers lui ; c'est lui qui nous a appelés. Et comment nous a-t-il appelés? Par la mort du Christ : " Qui nous a donné un ministère de réconciliation ". Ici il montre encore la dignité des apôtres, la grandeur de leur mission, l'amour excessif de Dieu envers nous. Les hommes ne voulurent pas entendre la voix de l'ambassadeur céleste, et cependant Dieu ne s'irrita point, ne les abandonna point, il redoubla d'instance auprès d'eux et par lui-même et par ses envoyés. Comment avoir assez d'admiration pour une telle sollicitude? Le Fils de Dieu; venu sur la terre pour nous réconcilier avec son Père, le vrai Fils de Dieu, son Fils unique, est mis à mort, et cependant le Père ne se détourne point des criminels; il ne dit point : J'ai envoyé mon Fils en ambassade, non-seulement ils n'ont pas voulu l'entendre, mais ils l'ont fait mourir, ils l'ont crucifié; il est bien juste (74) que je les abandonne. Il agit tout autrement; et quand Jésus-Christ a quitté la terre, c'est à nous-même qu'il confie le ministère de la réconciliation. " Il nous a donné, " dit saint Paul, " le ministère de la réconciliation ".
" Car Dieu était dans le Christ réconciliant " le monde avec lui-même, ne leur imputant " point leurs péchés. (19) ". Quel amour ! Ne dépasse-t-il point tout ce qu'on pourrait dire, tout ce qu'on pourrait s'imaginer? Quel était l'offensé? Dieu lui-même. — Qui se présenta le premier pour opérer la réconciliation ? — Dieu encore. — Mais, dites-vous , il a envoyé son Fils, il n'est pas venu lui-même. — Il a envoyé son Fils, j'en conviens ; mais le Fils n'était point seul à- exhorter les hommes ; le Père les exhortait aussi avec lui et par lui. — " Dieu était dans le Christ réconciliant le " inonde avec lui ".'- " Dans- le Christ. ", c'est-à-dire, " par le Christ ". L'apôtre avait dit : "Il nous a donné un ministère de ré" conciliation ". Il adoucit un peu sa pensée en disant : Ne croyez pas que nous soyons à nous seuls chargés clé, cette mission; nous ne sommes que des serviteurs. C'est Dieu qui a -fait tout cela; c'est lui qui a réconcilié le monde par son Fils unique. Et comment-? Ce qu'il y a d'admirable en effet, ce n'est pas seulement que le monde soit venu l'ami de Dieu, mais aussi la manière dont s'est opérée la réconciliation. Comment s'est-elle donc opérée? Dieu a pardonné les péchés des hommes. : l'amitié ne pouvait se contracter autrement. Aussi l'apôtre ajoute-t-il : " Sans tenir compte de leurs péchés ". Ah ! s'il eût voulu demander compte aux hommes de leurs fautes, nous étions tous perdus; car tous étaient morts. Mais ces fautes si nombreuses, il ne voulut pas en tirer vengeance, il nous rendit au contraire ses bonnes grâces; non-seulement il nous pardonna nos péchés, mais il ne nous les imputa pas même. C'est ainsi que nous aussi nous devons pardonner à nos ennemis, si nous voulons obtenir de Dieu notre pardon. " Et il a mis en nous la parole de la réconciliation ". Ce n'est point pour une mission pénible que nous sommes venus, mais pour vous rendre l'amitié de Dieu. Ils, n'ont pas voulu se rendre à mes paroles; vous, ne cessez de les exhorter, jusqu'à ce que vous les persuadiez. C’est pourquoi saint Paul ajoute : "Nous sommes les ambassadeurs du Christ; et c'est Dieu qui exhorte par notre bouche. Nous vous en conjurons au nom de Jésus-Christ: réconciliez-vous avec Dieu (20) ".
3. A quelle hauteur il. porte cette mission dont il est chargé ! C'est le Christ lui-même qui supplie dans l'apôtre. Et non-seulement Jésus-Christ, mais Dieu le Père. Car voici le sens de ces paroles : Le Père a envoyé son Fils pour, exhorter les hommes en son nom et pour remplir auprès d'eux les fonctions d'ambassadeur. Les hommes l'ont fait mourir; il a quitté ce monde , et nous lui avons succédé dans sa mission. C'est donc en son nom et en celui de son -Père que nous vous exhortons. Le père aime le genre humain à ce point qu'il a livré son propre Fils, sachant bien que les hommes le feraient mourir, et qu'il nous a faits ses apôtres à cause de vous. L'apôtre pouvait donc bien dire : " Tout est pour vous. Nous sommes les ambassadeurs du Christ ". Comme s'il disait : Nous tenons la place du Christ, nous lui avons succédé dans sa mission. Cela vous semble peut-être bien extraordinaire: Ecoutez ce qui suit, vous verrez que les apôtres tiennent la place non-seulement du Christ, mais aussi du Père. Saint Paul ajoute en effet : " C'est Dieu qui vous exhorte par notre bouche ". Ce n'est point seulement par son Fils que le Père vous exhorte, mais encore par nous qui avons pris la place de son Fils. Ne vous imaginez donc point que c'est nous qui vous prions. C'est le Christ lui-même, c'est son Père qui vous prie par notre bouche. Est-il rien de comparable à une pareille bonté? Ce Père dont on a payé les immenses bienfaits par tant d'outrages, non-seulement ne se venge point, mais il. donne son Fils pour nous réconcilier avec lui. Loin de vouloir se réconcilier, les hommes le font mourir. Il envoie d'autres ambassadeurs, et après les avoir envoyés,.il se fait lui-même suppliant en leurs personnes.. Et que demande-t- il? " Réconciliez-vous avec Dieu ". Il ne dit pas : Réconciliez Dieu. avec vous: Ce n'est pas lui qui nous hait, c'est vous qui voulez être. ses ennemis. Dieu éprouve-t-il jamais un sentiment de haine? Et il discute la cause, comme ferait un ambassadeur.— " Celui qui m'a point connu le péché, il l'a fait péché à cause de nous ". Je ne rappelle point le passé, vos outrages envers moi, qui ne vous ai jamais tait de mal, mes bienfaits si nombreux ; je ne vous dirai point que je ne vous ai point punis, que bien (75) qu'outragé le premier, je suis cependant le premier à vous prier. Non, je ne veux rien rappeler de tout cela. Ne suffit-il pas du bienfait qu'il-vous accorde aujourd'hui pour vous décider à une réconciliation? Quel est-il donc, ce bienfait? "Celui qui n'a point connu le péché, pour vous il l'a fait péché... (21) ". Ne vous aurait-il jamais accordé d'autres faveurs, n'était-ce pas une faveur immense que de livrer son Fils pour ceux qui l'avaient outragé? Oui, il l'a donné, et ce n'est pas assez, il a permis que ce Fils, l'innocence même, fût accablé d'outrages pour ceux-mêmes qui les lui infligeaient. — Ce ne sont point les paroles de l'apôtre; elles sont encore plus expressives. " Celui ", dit-il, " qui ne connaissait point le péché ; qui était la justice même, " il l'a fait péché ", c'est-à-dire, il l'a laissé condamner comme un pécheur, mourir comme un homme chargé de malédictions : " Car maudit est celui qui est pendu au bois". (Deut. XXI, 23.) Une mort ordinaire n'était rien en comparaison de cette mort si atroce. Et c'est ce que saint Paul nous donne à entendre, quand il dit : " S'étant fait obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix ". (Phil. II, 8.) Il y avait là non-seulement le supplice, mais l'ignominie. Voyez donc que de bienfaits vous avez reçus ! C'est chose admirable qu'un pécheur consente à mourir pour un autre quel qu'il soit; mais quand c'est un juste qui meurt, et qui meurt pour des pécheurs , et qui meurt comme un maudit et pour nous mériter des faveurs auxquelles nous ne pouvions prétendre (afin que par lui nous devenions justes de la justice de Dieu), comment dire, comment peindre tant de générosité? Celui qui était juste, dit l'apôtre, il l'a fait pécheur, afin de justifier les pécheurs. Et ce n'est pas même ainsi qu'il parle; il tient un langage plus sublime encore; ce n'est point l'état qu'il exprime, mais la qualité elle-même. Il ne dit pas : il l'a fait pécheur, mais : " il l'a fait péché " ; il ne dit pas : celui qui n'a point péché, mais celui qui n'a point connu le péché; il ne dit pas : afin que nous devenions justes, mais afin que nous devenions à la justice ",. et même " la justice de Dieu ". C'est en effet la justice de Dieu, quand elle ne vient point des oeuvres, quand elle n'est ternie d'aucune tache, niais bien le fruit de la grâce qui fait disparaître toute imperfection. De telles expressions ne nous permettent point de nous enorgueillir : car c'est de Dieu que nous vient ce trésor, et nous apprenons ainsi à connaître la puissance de notre bienfaiteur. La loi et les oeuvres produisaient " simplement la justice"; celle dont parle l'apôtre est. " la justice de Dieu". Pénétrons-nous bien de ces pensées, et qu'elles nous. effraient plus que la vue même de l'enfer; admirons de tels objets plus que le royaume des cieux; et regardons comme une peine non d'être châtiés, mais de tomber dans le péché. Si Dieu ne nous châtiait pas lui-même, nous devrions nous imposer à nous-mêmes un châtiment, après nous .être montrés ingrats envers un tel bienfaiteur. Que de fois un amant passionné ne s'est-il point donné la mort, parce qu'il n'a pu assouvir sa passion? et après l'avoir assouvie, que de fois ne s'est-il pas jugé indigne de vivre pour avoir outragé son amante.? Et nous qui. avons offensé un Dieu si bon, si miséricordieux, nous ne nous précipiterons pas dans le feu de l'enfer? Ce que je vais dire paraîtra singulier, étrange, incroyable à la plupart : Celui qui sera puni après avoir outragé un maître si plein de bonté, devra s'estimer plus heureux, s'il est raisonnable, et s'il aime Dieu, que celui qui n'aura pas été puni.
4. N'en avons-nous point la preuve dans la vie commune? Si vous injuriez un de vos amis, vous n'avez de repos qu'après vous être punis vous-mêmes ou reçu quelque injure à votre tour. Ecoutez ce que disait David : " Moi qui suis le pasteur, j'ai péché; moi qui suis le pasteur, j'ai commis l'injustice : et ceux-ci, qui forment mon troupeau, quel mal ont-ils fait? Je vous en conjure, tournez votre main contre moi et contré la maison de mon père ". (II Rois, XXIV, 17.) Après la mort d'Absalon, il s'infligea les plus rudes tourments; et cependant, bien loin d'être coupable, C'est lui qui avait reçu l'outrage. Mais l'amour qu'il portait à son fils, lui faisait rechercher ces douleurs où il trouvait quelque consolation. Nous aussi, quand nous péchons contre ce Dieu que nous ne devrions point offenser, empressons-nous de nous punir nous-mêmes. Ne voyez-vous point ceux qui ont perdu des enfants bien chers, se frapper la poitrine, s'arracher les cheveux? C'est une consolation pour eux de s'affliger pour ceux qu'ils aiment. Si donc, sans avoir fait aucun mal à nos amis, nous trouvons du soulagement à nous affliger de leurs propres douleurs, n'en trouverons-nous point à nous punir nous-mêmes, après (76) les avoir irrités et outragés? Qui pourrait en douter? Celui qui aime Jésus-Christ, comme il convient, comprend ce que je dis; et quand même Dieu le laisserait en repos, lui, il ne supporterait point de n'être pas puni. Le plus grand supplice que vous puissiez endurer, p'est d'avoir irrité le Seigneur. Je sais bien que ce langage vous étonne; cependant je ne dis rien d'exagéré.
Si donc nous aimons vraiment Jésus-Christ, nous nous punirons nous-mêmes de nos fautes. Ce qu'il y a de pénible pour un homme, ce n'est point de souffrir après avoir offensé son ami, mais bien d'avoir irrité celui qu'il aimait. Et si cet ami ne se venge point de l'injure qu'il a reçue, le coupable n'en est que plus tourmenté; il n'éprouve du soulagement qu'après avoir été offensé à son tour. Ne craignons donc pas tant les feux de l'enfer; craignons plutôt d'offenser Dieu. Quoi de plus affreux pour nous que de voir le Seigneur détourner de nous son visage irrité? C'est assurément le plus terrible de tous les supplices. Un exemple vous fera mieux comprendre ma pensée. Un roi vit un criminel que l'on menait au supplice; il livra son propre fils pour être immolé à la place du coupable; non content d'envoyer son fils à la mort, il transporta sur cette victime innocente le crime lui-même, afin de sauver le coupable, de l'arracher à l'infamie; bien plus, il l'éleva à une haute dignité. Or, après avoir été sauvé , de la .sorte, après s être vu combler d'honneurs, le misérable outragea son bienfaiteur. Eh bien, je vous le demande, si cet homme a encore sa raison; n'aimera-t-il pas mieux mourir mille fois, plutôt que de rester sous le poids d'une pareille ingratitude? Telle est précisément la question pour nous-mêmes. Nous avons outragé notre bienfaiteur; poussons d'amers gémissements. Et sous prétexte qu'il se montre plein de patience; n'allons pas nous rassurer; au contraire, que cette patience accroisse notre douleur. Qu'on vous frappe sur la joue gauche, et qu'ensuite vous présentiez la droite, ne vous vengez-vous pas mieux de la sorte qu'en accablant votre ennemi? Quand on vous lance des paroles outrageantes, est-ce en rendant outrages pour outrages que vous blesserez le plus vivement votre ennemi? Non, mais bien en gardant le silence, ou en lui souhaitant toutes sortes de biens. Si donc la patience de ceux que nous outrageons nous couvre de confusion, combien n'est-elle pas plus à craindre la patience du Seigneur pour ceux qui ne cessent point de pécher et qui ne reçoivent aucun châtiment. Ah ! c'est sur leur tête que s'amoncellent d'incompréhensibles tourments. Songeons-y et ne craignons rien tant que le péché ; le péché c'est notre supplice, c'est l'enfer; c'est la réunion de toits les maux. Ne nous bornons pas à le craindre, mais encore fuyons-le et efforçons-nous de plaire au Seigneur : car c'est là notre royaume, c'est là notre vie, c'est la réunion de tous les biens. Ainsi dès ici-bas nous posséderons le royaume des cieux et les biens de la vie future. Puissions-nous tous y arriver par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel soit au Père et au Saint-Esprit gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. — Ainsi soit-il.





HOMÉLIE XII. DONC, EN QUALITÉ D'AUXILIAIRES, VVOUS VOUS EXHORTONS A NE PAS RECEVOIR EN VAIN LA GRACÉ DE DIEU. — CAR IL DIT : JE VOUS AI EXAUCÉ DANS LE TEMPS FAVORABLE, ET AU JOUR DU SALUT JE VOUS AI PORTÉ SECOURS. (VI, 1, JUSQU'A 10.)
77
Analyse.
1-3. Etant donc; dit l'apôtre, l'envoyé de Dieu dans l'œuvre de votre sanctification, je vous exhorte à laisser agir en vous les grâces que vous avez reçues, et à ne pas laisser passer le temps de la grâce sans en profiter, comme aussi de mon côté je me montre un ministre de Dieu sans reproche et fidèle par ma constance au milieu de toutes les épreuves, par une conduite irrépréhensible, et par la liberté d'esprit dont je jouis au dedans de moi-même, malgré toutes les tribulations qui au dehors m'environnent.
4-6. Dans quel esprit on doit pratiquer l'aumône et les autres vertus. — De la pauvreté et des richesses.
1 . C'est, Dieu lui-même qui invite les hommes, a dit l'apôtre; et les apôtres sont les ambassadeurs de Dieu; en son nom ils les pressent de rentrer en grâce avec le Seigneur. De peur que les Corinthien; ne tiennent, à se relâcher encore, il leur inspire de nouveau un sentiment de crainte ; " Ne recevez donc pas en vain la grâce de Dieu". De. ce que Dieu nous prie lui-même et nous. envoie ses ambassadeurs, ce n'est pas un motif pour nous de vivre dans l'indolence; nous n'en devons avoir que plus d'ardeur et de zèle pour plaire à Dieu et pour faire provision de richesses spirituelles. (C'est ce que l’apôtre disait plus haut : " La charité de Dieu nous presse ", c'est-à-dire nous pousse, nous excite.) Après tant de preuves de bonté de la part de Dieu, gardons-nous de tomber et de perdre l'effet de si nombreuses grâces, en ne montrant aucune générosité. Il nous envoie maintenant ses lieutenants pour nous exciter au bien; mais cette miséricorde aura un terme : ce sera le second avènement de Jésus-Christ; après cela viendra la condamnations et les supplices. C'est pourquoi l'apôtre dit : Noirs sommes presse. Ce n'est pas seulement par la vue de si grands Biens, par la pensée de la bonté de Dieu ,qu'il excite les fidèles, mais aussi par la considération du peu de durée de la vie. Ailleurs il dit : " Notre salut est maintenant plus proche" (Rom. XIII, 11); et encore : " Le Seigneur est proche ". (Phil. IV, 5.)
Ici il fait quelque chose de plus. Ce qui doit les animer, c'est que non-seulement la vie est courte, mais une fois le temps de la vie écoulé, le salut devient impossible. " Voici ", leur dit-il, " voici le temps favorable, voici les jours de salut ". Ne les laissons donc point passer inutiles, mais que notre zèle réponde aux grâces que nous avons reçues. Si nous mettons nous-mêmes tant d'empressement à vous prêcher l'Evangile, c'est que bous songeons au peu de durée d'une vie si précieuse. Telle est le sens de ces paroles : " En qualité d'auxiliaire nous vous exhortons ".C'est vous que nous aidons, plutôt que Dieu, dont nous sommes les ambassadeurs. Dieu ne manque de rien, le salut est tout à votre avantage. L'apôtre ne craint pas non plus de s'appeler l'auxiliaire du Seigneur, car ailleurs il dit : " Nous sommes les auxiliaires de Dieu "..C'est de cette manière qu'il contribue au salut des hommes :. " Nous vous exhortons ". Dieu ne se contente pas d'une simple exhortation, mais il l'appuie des motifs les plus puissants : il a donné son fils; l'innocence même, son fils qui ne connaissait point le péché; il l'a fait " péché " pour nous qui. étions pécheurs, afin de nous rendre justes à ses. yeux. Et ce Jésus qui est Dieu, ce n'est pas lui qui devrait prier les (78) hommes coupables de tant d'offenses; ce sont les hommes qui devraient le prier. Néanmoins c'est lui qui les prie. Pour nous, quand nous vous prions, nous ne pouvons mettre en avant aucun droit, aucun bienfait : c'est au nom du Dieu qui vous a comblés de grâces que nous vous prions. Nous vous conjurons donc de recevoir le bienfait qui vous est offert; de ne pas refuser. ce présent de la part de Dieu. Obéissez-nous donc et prenez garde de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu..
En effet, l'apôtre ne veut pas qu'ils s'imaginent que la foi leur suffit pour être réconciliés ; il leur demande avec la foi le zèle dans leur conduite. Si après s'être vu délivré de ses péchés, après être devenu l'ami de Dieu, on le plonge, de nouveau dans ses anciens désordres, on redevient ennemi de Dieu, et la grâce de Dieu ne sert de rien désormais pour la vie éternelle. A quoi peut en effet servir la. grâce du baptême, si nous vivons dans l'impureté ? Au contraire, elle nous devient funeste, elle aggrave nos fautes, puisque nous retournons à .nos péchés après avoir connu Jésus-Christ et après à voir joui de ses dons. Mais cette pensée, il ne l'exprime pas tout de suite, pour ne pas tenir un langage par trop rebutant ; il se borne à dire qu'il ne nous en revient aucun avantage. Il rappelle ensuite les paroles du prophète, pour les exciter. davantage à mettre la main à l'oeuvre de leur salut. Car le prophète a dit : " Je vous ai exaucés en temps favorable, et je vous suis venu en aide au jour du salut. " Voici maintenant un temps favorable, voici maintenant des jours de salut ". Un temps favorable, quel est-il donc? Le temps du bienfait et de la grâce, temps où l'on né demande pas compte des fautes commises, où l'on ne subit point de châtiment, mais où après avoir été réconcilié avec Dieu, on jouit de biens sans nombre, la justice, la sainteté, et tant d'autres faveurs. Quels travaux ne s'imposerait-on point pour trouver une occasion aussi précieuse ? Et voici que, sans effort de notre part, elle s'offre à nous et nous apporte la rémission de toutes nos fautes passées. C'est pourquoi l'apôtre appelle ce temps un temps favorable; car il accueille les plus criminels, et non-seulement il les accueille; mais il les élève au sommet des honneurs. C'est ainsi que l'arrivée de l'empereur annonce non pas un jugement, mais des bienfaits. et le salut; voilà le temps que l'apôtre appelle un temps favorable : c'est le temps où nous sommes dans la carrière, où nous cultivons la vigne, c'est en un mot la onzième heure, comme dit l'Evangile.
2. Courage, menons une vie toujours pure, cela ne nous est point difficile. Combattre, alors que Dieu répand de tels dons et de telles grâces, c'est être sûr de remporter aisément la victoire. Quand on célèbre les fêtes. des empereurs, quand ils sont revêtus des ornements consulaires; ne suffit-il pas d'une faible démarche pour obtenir de grandes faveurs? Et quand ils rendent la justice, ne faut-il pas une enquête minutieuse et active ? Eh bien ! nous aussi, combattons dans ce temps des bienfaits ce sont les jours de grâces, les jours de la grâce divine, et rien de plus facile que d'obtenir des couronnes. Nous étions chargés de vices, et Dieu nous a accueillis, nous a délivrés de ce fardeau; et quand après cela nous nous acquittions de nos devoirs, il ne nous accueillerait pas plus favorablement encore ! Ensuite, selon sa coutume, l'apôtre se propose comme modèle, il ajouté : " Nous ne scandalisons personne, pour que notre ministère ne soit point déshonoré (3) ". Il ne s'agit donc plus seulement d'un temps opportun ; mais encore il leur met sous les yeux de grands exemples pour les porter au bien : et cela sans orgueil, sans arrogance. Il ne dit pas : regardez-nous, et voyez notre conduite; mais il se contente de prévenir le reproche, et c'est pour cette raison uniquement qu'il parle de lui. Voici deux caractères d'une vie sans tache : " Nous ne donnons aucun scandale à personne ". Il ne dit pas : aucun motif d'accusation, son expression a moins d'énergie : "Aucun scandale ". C'est comme s'il disait : Nous ne donnons à personne l'occasion du moindre reproche et de la moindre plainte : " De peur que notre ministère ne soit déshonoré ", c'est-à-dire, de peur qu'on n'y trouve quelque chose de répréhensible. Il ne dit point non plus : De peur qu'on ne puisse. l'accuser, mais : De peur qu'on n'y surprenne la moindre faute, qu'on ne puisse y soupçonner quoi que ce soit.
" Mais en toutes choses nous nous présentons comme les ministres de Dieu... (4)". Ceci est d'un. ordre bien plus élevé. Ce n'est certes pas la même chose d'être exempt de tout reproche , et de se montrer aux yeux de tous comme les ministres de Dieu. Il y a bien plus de gloire à mériter des éloges qu'à se mettre simplement à l'abri des reproches. (79) L'apôtre n'a point dit : nous apparaissons, mais. " nous nous présentons ", ou : " nous nous montrons ". Et comment se montrent-ils les ministres de Dieu ? " Par une patience sans bornes " , dit-il. Vous avez dans cette parole le fondement de tous les biens. Aussi n'a-t-il pas dit : " patience ", mais : " une grande patience ", pour faire voir l'étendue de cette vertu dans son âme. Ce serait peu de chose d'avoir supporté une ou deux tentations. Mais les tentations qu'il a subies, il les représente tombant sur lui comme une grêle, en disant ; " Dans les tribulations, dans les nécessités ". Quel surcroît d'accablement quand les maux sont inévitables, quand il y a comme une nécessité de les souffrir, quand on ne peut s'en délivrer ! " Dans les angoisses ". Dans les angoisses de la faim et des autres besoins, ou simplement des tentations: " Dans les corps, dans les prisons, dans les séditions... (5) ". Chacun de ces maux n'est-il pas insupportable? Ne suffit-il pas, pour faire perdre patience, d'être battu de verges, d'être enchaîné, d'être sans cesse persécuté, sans jamais trouver de repos? Car c'est ce que signifie ce mot: "dans les séditions ". — Quand tous ces maux viennent fondre ensemble sur quelqu'un , songez quelle fermeté d'âme il faut à cet homme ! Voilà pour les afflictions qui lui viennent du dehors; mais il souffre aussi de soif plein gré " Dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes, dans la chasteté... (6) ". Il désigne par là ces fatigues qu'il éprouvait en courant çà et là, en gagnant sa vie de ses propres mains, en passant- les nuits à enseigner et à travailler. Il n'omet point le jeûne, quoique toutes ces fatigues valussent mille fois cette privation de nourriture. Par " chasteté " il entend ou bien la pureté, ou bien une intention droite en toutes choses, ou bien la prédication de l'Evangile faite gratuitement et sans recevoir aucune espèce de dons.
" Dans la science ". Que veut dire cette expression? Dans la science qui lui vient de Dieu, et c'est la vraie science. Ce n'est point la science de ces sages qui se glorifient d'une science toute profane et qui n'ont pont celle-là. — " Dans la longanimité, dans la douceur". C'est encore une vertu d'une âme généreuse, que de souffrir patiemment la colère et les injures d'autrui. — Enfin, pour montrer le principe d'une telle patience; il ajoute : " Dans l'Esprit-Saint ". C'est lui, en effet, qui est l'auteur de tous ces dons. Mais ce secours de l'Esprit-Saint, il n'en parle qu'après avoir énuméré toutes ses vertus. Dans ces paroles, il me semble avoir voulu faire entendre autre chose encore. Quoi donc? L'abondance avec laquelle il avait reçu la grâce de l'Esprit-Saint. C'était une nouvelle preuve de sa mission, que ces dons spirituels déposés dans son âme. Sans doute toutes ces vertus étaient l'effet de la grâce; mais cependant il les avait méritées en quelque façon par ses bonnes oeuvres et par ses fatigues. Dire que saint Paul ait voulu montrer aussi qu'enrichi de tant. de grâces, il en avait fait le meilleur usage, ce n'est pas s'éloignée de la pensée de l'apôtre. Car ceux qui parmi les chrétiens avaient reçu le don des langues, furent blâmés d'avoir conçu des sentiments d'orgueil : il peut donc bien arriver qu’on ne fasse pas un bon usage des grâces de l'Esprit-Saint. Pour nous, dit l'apôtre, il n'en est pas ainsi : on ne peut rien nous reprocher dans l'usage que nous en avons fait : " Dans une charité toujours sincère ".
3. Telle était pour lui la cause .de tous les biens ; voilà ce qui le rendait si parfait; c'est eu vertu de cette charité que l'Esprit-Saint, par le secours de qui il pratiquait tant de -bonnes oeuvres', demeurait au dedans de lui. — " Dans la parole de la vérité... (7) ". C'est une pensée qu'il exprime souvent : Nous avons annoncé la parole de Dieu sans aucun déguisement et sans jamais l'altérer. " Dans la vertu de Dieu ". Comme toujours, il ne s'arroge rien à lui-même ; c'est à Dieu qu'il rapporte toutes ses actions, tout ce qu'il fait d'éclatant. Il s'était donné des éloges en disant que sa vie n'avait cessé d'être à l'abri de tout reproche, et qu'il avait toujours fait preuve d'une grande sagesse ; il attribue maintenant toutes ces vertus à l'Esprit-Saint et à Dieu: Ce n'étaient certes point des vertus ordinaires que celles dont il parle. Si en menant une vie paisible, il est difficile d'arriver à la vertu et de demeurer irréprochable , quelle difficulté n'était-ce pas que de jeter tant d'éclat par sa vertu, au sein de pareilles afflictions ? quelle force d'âme ne fallait-il point, pour cela? Et ce ne sont pas les seules afflictions qu'il ait endurées; il en endura beaucoup d'autres qu'il énumère plus loin. Ce qu'il y a de plus admirable ici, ce n'est pas de le voir toujours irrépréhensible au milieu de ces torrents de souffrances, ni de contempler sa patience invincible, mais de le (80) voir joyeux au milieu de ces épreuves; il nous le dit dans ces paroles : " Par les armes de la justice, à droite et à gauche " ; quelle présence d'esprit, quelle. fermeté de sentiment ! Les afflictions sont pour lui des armes, elles ne le renversent pas, elles le protègent, elles le fortifient. — Par ce qui est à gauche, il entend les chagrins apparents, car ces sortes de peines nous méritent aussi une récompense. Pourquoi leur donne-t-il ce nom ? C'est pour se conformer à l'opinion du vulgaire, ou bien parce que Dieu nous a ordonné de prier pour que nous n'entrions pas en tentation.
" Par la gloire et l'ignominie, par l'infamie et la bonne renommée". Que dites-vous? Quel mérite y a-t-il donc à être glorifié? Un très-grand mérite , reprend l'apôtre. — Et comment donc? — C'est une grande chose assurément que de supporter l'ignominie; mais vivre entouré de gloire, n'est-il pas besoin pour cela d'une âme énergique? Oui, il faut beaucoup d'énergie pour ne pas se laisser accabler par la gloire. Et c'est pourquoi l'apôtre se glorifie de sa gloire comme de son ignominie : car l'une et l'autre sont pour lui une occasion de mérite. — Mais comment la gloire peut-elle être une arme de justice? C'est qu'un grand nombre conçoivent des sentiments de piété, quand ils voient leurs maîtres comblés d'honneurs: ces honneurs sont une preuve de leurs bonnes oeuvres, et Dieu se trouve par là glorifié. C'était aussi le dessein de Dieu d'ouvrir la porte à la prédication de l'Evangile par des moyens opposés. Voyez en effett Paul était-il chargé de chaînes? Cette captivité tournait au profit de l'Evangile. " Ces chaînes que je porte, contribuent au progrès de l'Evangile; plusieurs de mes frères, pleins de confiance dans mes liens; osent maintenant annoncer la parole de Dieu sans aucune crainte ". (Phil. I, 12-14.) Etait-il entouré d'honneurs? Cette circonstance donnait encore aux fidèles une nouvelle assurance. — " Par l'infamie " et " la bonne renommée ". Ce n'étaient pas seulement les afflictions corporelles qu'il endurait avec patience, ce n'étaient pas seulement les maux qu'il a énumérés; mais aussi ces douleurs qui ne se font sentir qu'à l'âme, et qui causent d'ordinaire des troubles qui ne sont pas médiocres.
Jérémie, après avoir souffert de nombreuses afflictions, se sentait accablé, et quand on l'avait accablé d'injures, il disait : " Non, je ne prophétiserai point, je ne parlerai plus au nom du Seigneur ". (Jérém. XX, 9.) David, lui aussi, se lamente au sujet des outrages qu'il reçoit. Isaïe, après beaucoup d'autres conseils, donne celui-ci : " Ne craignez point les injures des hommes, et ne redoutez point leur mépris ". (Isaïe, LI, 7.) Et le Christ disait à ses disciples : " Quand on vous accablera de calomnies, réjouissez-vous et tressaillez d'allégresse : car votre récompense est abondante dans les cieux.". (Matth. V, 11, 12.) Ailleurs il dit encore. " Tressaillez d'allégresse ". (Luc, VI, 23.) Eût-il promis de si belles récompenses, si l'épreuve n'eût été terrible? Dans les tourments le corps partage les douleurs avec l'âme : cette douleur affecte également l'âme et le corps; mais par les outrages c'est l'âme seule qui est affligée. Que d'âmes ils ont accablées et perdues ! Job lui-même ne trouvait-il pas moins pénibles les vers et les ulcères que les outrages dont ses amis l'accablaient? Non, pour ceux qui souffrent, il n'est rien de plus insupportable que des paroles blessantes. Et voilà pourquoi à côté des dangers et des fatigues, l'apôtre nomme aussi la gloire et l'ignominie. Que de Juifs refusèrent de croire en Jésus-Christ, de peur de perdre cette gloire dont la multitude les entourait. Ce qu'ils redoutaient, ce n'était point d'être châtiés, mais d'être chassés de la synagogue. C'est pourquoi le Christ disait : " Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez de la gloire les uns des autres? " (Jean, V, 4.) On en voit un grand nombre qui, après avoir triomphé des dangers les plus terribles, se laissent vaincre par le, désir. de la gloire. — " Comme séducteurs et comme véridiques ". Ces paroles expriment la même pensée que celles-ci : " Par l'infamie et la bonne renommée. — Comme ceux qui sont inconnus, et comme ceux qui sont connus ", est la même chose que : " Par la gloire et l'ignominie ". Ils étaient connus de quelques-uns et en étaient respectés; d'autres ne daignaient pas même les connaître. — " Comme mourants; et voici que nous vivons... (9) ": Comme destinés et condamnés à mourir : ce qui aussi était une ignominie.
4. Le dessein de. l'apôtre était de montrer la puissance de Dieu et la patience des apôtres. Les. persécuteurs n'ont rien négligé pour nous donner la mort, et ils croient avoir réussi; mais Dieu nous a tiré du danger que nous courions. Pour expliquer ensuite pourquoi (81) Dieu permet ces souffrances, il ajoute : " Comme châtiés ; mais non jusqu'à être tués ". Ainsi donc les afflictions offrent de grands avantages même avant la récompense, et les ennemis deviennent utiles, même malgré eux. " Comme si nous étions tristes, et en réalité " nous sommes dans la joie… (10)". Les païens nous croient plongés dans la tristesse, mais peu nous importent leurs imaginations; notre âme goûte une joie délicieuse. Remarquez que saint Paul ne dit pas seulement: nous sommes dans la joie, mais il ajoute : " toujours. Nous sommes toujours dans la joie ", dit-il. Y a-t-il rien de comparable à cette vie, où les périls mêmes ne font que redoubler la joie ? " Comme pauvres, et nous enrichissons un grand nombre d'hommes ". Selon plusieurs, il s'agirait ici des richesses spirituelles; pour moi, je crois qu'il est question même des richesses temporelles. Car ces richesses mêmes leur arrivaient en abondance ; toutes les maisons, par une sorte de prodige, leurs étaient ouvertes. Et ce qu'il dit ensuite ne le prouve-t-il pas? " Comme n'ayant rien, et nous possédons tout ".
Et comment cela se peut-il faire? Direz-vous. — Mais, vous répondrai-je, c'est le contraire, qui est impossible. Celui qui possède beaucoup de choses, n'a rien; et celui qui n'a rien, possède tout. Cela ne se voit pas seulement en cette circonstance; mais c'est en toutes choses que les contraires naissent des contraires. Vous vous étonnez, vous demandez comment il se fait qu'on manque de font et qu'on possède tout : Eh bien ! je vous montre saint Paul qui commandait à l'univers, qui avait- en son pouvoir non-seulement l’argent mais les yeux des fidèles. " S'il eût été possible, vous vous fussiez arraché les yeux pour me les donner ". (Gal. IV, 14.) Ne nous troublons donc point des opinions de la foule. On nous traite d'imposteurs, on nous méconnaît, on nous croit condamnés, plongés dans le chagrin, accablés par le besoin, la pauvreté, la tristesse, quand au contraire nous sommes dans,la joie. Eh ! les aveugles peuvent-ils contempler l'éclat du soleil, et les insensés peuvent-ils goûter les plaisirs de la sagesse? Il n'y a de justes appréciateurs que les hommes pieux : ils s'affligent et se réjouissent autrement que les autres. Qu'un spectateur; peu familiarisé avec les jeux du stade, voie un athlète couvert de blessures et le front ceint d'une couronne, il s'imaginera qu'il souffre beaucoup de ses blessures, parce qu'il ignore la joie que cause une couronne. De même on est témoin de nos afflictions, sans savoir pourquoi nous souffrons; il n'est pas étonnant qu'on n'aperçoive que les afflictions : c'est la lutte, c'est le péril qui frappe les regards ; on n'aperçoit point le mobile de ces combat si c'est-à-dire les récompenses et les couronnes.
Quelles étaient donc ces richesses que possédait l'apôtre, quand il disait : " Comme n'ayant rien et nous possédons tout? " C'était à la fois les richesses temporelles et les richesses spirituelles. Cet homme que les cités recevaient comme un ange, auquel les fidèles eussent donné leurs yeux, pour qui ils étaient tout disposés à sacrifier leur vie, ne possédait-il pas tous leurs biens? S'agit-il des richesses spirituelles? Il n'en est point qu'il ne possède. Admis dans l'intimité du Roi des cieux, il était le confident. de ses secrets; pouvait-il donc ne point surpasser tous les autres en richesses surnaturelles, pouvait-il ne point les posséder toutes? Autrement les démens ne lui eussent. point si facilement cédé; il n'aurait pu mettre en fuite les douleurs et les maladies. Nous aussi, quand nous souffrons pour le Christ, montrons-nous, non-seulement courageux, mais pleins de joie. Si nous jeûnons, tressaillons, comme si le jeûne était un plaisir. Si l'on nous outrage, formons des choeurs, comme si l'on nous comblait d'éloges. Si nous dépensons nos richesses, croyons que nous en amassons de nouvelles. Si vous n'êtes dans cette disposition, vous ne donnerez pas facilement. Voulez-vous donc faire des largesses? Ne considérez pas seulement la dépense que vous faites, songez au gain qui vous en revient; que ce soit là votre première pensée.
Ce n'est pas seulement pour l'aumône, mais pour toute espèce de vertus, qu'il faut envisager non point l'âpreté des fatigues, mais la suavité des récompenses, qu'il faut se mettre sous les yeux Jésus-Christ pour qui nous combattons. Ainsi vous engagerez la lutte avec ardeur, et votre vie se passera tout entière dans la joie. Rien ne donne plus de plaisir qu'une bonne conscience. Paul, malgré tant d'afflictions, se réjouissait et tressaillait d'allégresse. De nos jours au contraire une ombre de souffrance suffit pour jeter dans la tristesse, et cela, parce qu'on manque de sagesse. Dites-moi, je vous prie, quelle est la cause de vos (82) larmes? Votre pauvreté, l'indigence qui vous accable? Il faut vous plaindre, non point de ce que vous pleurez, de ce que vous êtes; dans-le besoin, mais de ce que vous avez l'âme si peu élevée ; non pas de ce que vous manquez de richesses, mais de ce que vous avez tant d'amour pour les richesses. Saint Paul mourait, pour ainsi dire, chaque jour, et, cependant, loin de se plaindre, il se réjouissait : Il souffrait sans cesse de la faim, et cependant, loin de s'en attrister, il s'en glorifiait.
5. Vos récoltes ne sont pas encore serrées, c'est ce qui vous afflige, ce qui vous tourmente. Oui, dites-vous, saint Paul n'avait à s'inquiéter que de lui-même ; moi, je songe à mes serviteurs, à mes enfants, à mon épouse: Détrempez-vous, saint Paul ne se préoccupait point uniquement de ses intérêts, mais des intérêts du monde entier. Vous, c'est une seule maison qui vous tient en souci, lui, c'étaient les pauvres de Jérusalem, ceux de Macédoine, tous ceux en un mot quittaient dans le besoin ; c'étaient eux qui donnaient aussi bien que ceux qui recevaient. Il se préoccupait non pas seulement de procurer au monde les choses nécessaires,à la vie, mais aussi l'abondance des richesses spirituelles. Vous vous affligez moies. de voir vos enfants souffrir de la faim qu'il ne s'affligeait des peines des chrétiens. Que dis-je, des chrétiens? Mais les infidèles eux-mêmes étaient l'objet de sa sollicitude, et cette sollicitude allait jusqu'à lui faire souhaiter d'être pour eux anathème. Et vous, quand même la famine sévirait mille fois, vous ne voudriez pas donner votre vie pour un de vos frères. L'objet de toute votre inquiétude, c'est une épouse unique ; l'apôtre s'inquiétait de toutes les Eglises de l'univers. " Ma sollicitude ", disait-il en effet, " s'étend sur toutes les Eglises ". (II Cor. XI, 28.) Jusques à. quand, ô homme, te feras-tu un jeu de te comparer à saint Paul ? Quand cesseras-tu d'avoir cette faiblesse! Pleurons, non pas d'être pauvres, mais d'être pécheurs : voilà ce qui mérite que nous versions des larmes; tout le reste devrait nous faire rire.
Mais ce n'est point la pauvreté qui m'afflige, c'est de voir tel ou tel au faîte des honneurs; tandis que moi, je suis dans l'obscurité et le mépris. Eh quoi ! Saint Paul ne semblait-il pas aussi méprisable, et la plupart ne le rebutaient-ils pas? — Oui, mais c'était saint Paul, direz-vous. — Donc ce ne sont point les maux eux-mêmes qui vous découragent, mais la faiblesse de votre volonté. C'est pourquoi, ne .pleurez point sur votre pauvreté, pleurez sur vos mauvaises dispositions. Ou plutôt ne pleurez point, mais corrigez-vous, et au lieu de briguer, les richesses, cherchez ce qui enfante plus de joie que toutes les richesses ensemble : je veux dire la sagesse et la vertu. Avec la. vertu, la pauvreté ne peut nuire. Sans elle, à quoi les richesses peuvent-elles servir? Quel bonheur peut-on goûter, quand on est riche de biens temporels, en demeurant pauvre des biens spirituels? Vous vous trouvez moins malheureux que ne se croit à plaindre ce riche de ce qu'il ne possède point toutes les richesses. Et s'il ne pleure pas comme vous, pénétrez dans son âme, et vous verrez ses lamentations et ses sanglots. Voulez-vous que je vous montre vos richesses, afin que vous cessiez d'envier le bonheur des riches ?
Voyez-vous ce ciel, si beau si grand, si élevé ? Ce spectacle, le riche n'en jouit pas plus que vous, il ne peut point vous en priver pour en faire sa propriété exclusive : il a été créé pour vous aussi bien que pour lui. Et ce soleil, cet astre si brillant si radieux, qui charme nos regards? Ne luit-il pas pour tous, et tous, riches et pauvres, n'en jouissent-ils point? Et ce choeur des étoiles, et ce disque de la. lune, n'ont-ils pas été donnés à tous les hommes ? Sans doute, et. chose admirable, les pauvres en jouissent bien plus que les riches. Ceux-ci, en effet, la plupart du temps plongés dans l'ivresse, passant leur vie dans les festins et le sommeil, ne jouissent pour ainsi dire point de ces magnifiques spectacles; ils se tiennent , renfermés à l'ombre de leurs splendides demeures. Les pauvres au contraire, par leur condition même, goûtent ce bonheur plus que les autres mortels. Et cet air répandu par tout l'espace, le pauvre le respire plus pur et plus abondant, Les voyageurs, les laboureurs n'éprouvent-ils pas en cela plus de jouissances que ceux des villes; et parmi ceux-ci les artisans ne sont-ils pas dans une atmosphère plus salubre que ceux qui passent le jour à s'enivrer ?
Que dirai-je de la terre ? N'est-elle pas aussi la propriété de tous? — Non? Direz-vous . — Et pourquoi? — C'est que le riche, possède dans la ville une vaste étendue de terrain, il y plante des vergers, et à la (83) campagne il retient pour lui une bonne partie des champs. — Et quoi donc? De ce qu'il possède ces terrains, s'ensuit-il qu'il en jouisse tout seul? Nullement, quoi qu'il veuille. Il est obligé en effet de distribuer les fruits qu'il récolte; c'est pour vous qu'il fait venir le blé, le vin et l'huile, et partout il soigne vos propres intérêts. C'est encore pour vous qu'il élève à si grands frais, au prix de tant, de travaux, ces palais et ces enceintes, dont il vous livre là jouissance, moyennant une somme modique d'argent. Les bains et tout le reste vous montrent que les riches sont accablés de dépenses, de soucis et de travaux; les pauvres profitent de tout cela pour quelques oboles, et ils en' jouissent dans la plus grande sécurité. Non, le riche ne jouit pas plus des fruits de la terre que vous n'en jouissez, vous-mêmes : il n'a pas dix ventres à- rassasier tandis que vous n'en avez qu'un. — Mais ses mets sont plus délicats? — Qu'importe, vraiment? Au contraire, le pauvre a encore ici l'avantage. Ce luxe d e la table volis semble désirable en ce qu'il donne plus de plaisir. Le pauvre en goûte bien davantage, puisqu'il a pour lui la santé. Tout ce qui revient au riche de tant de somptuosité, c'est l'affaiblissement du corps et le germe de nombreuses maladies. Le pauvre dans son régime prend conseil de la nature ; mais le riche mange avec dérèglement, et les excès n'engendrent que faiblesse et corruption.
6. Un exemple vous le fera mieux comprendre. Allumez un bûcher; jetez-y des robes de soie; les tissus les plus fins; qu'un autre jette des branches de chêne ou de pin? Que vous restera-t-il de plus qu'à lui ? Rien assurément; vous aurez même moins de reste que lui. . Comment cela ? Rien ne nous empêche de modifier cet exemple. On jette du bois sur un bûcher, sur un autre des cadavres; près duquel resterez-vous de préférence ? Celui que le ,bois alimente, ou bien relui où les cadavres sont entassés ? Le premier, sans aucun doute, il n'y a rien que de naturel dans les flammes de ce bûcher, et il vous. offre un spectacle agréable L'autre au contraire, par la graisse qui ruisselle de toutes parts, par le sang que l'on voit couler; l'épaisse fumée qui s'en élève, la puanteur qui s'en exhale, fera fuir tout le monde. Ce tableau voue fait horreur, et volts ne pouvez le regarder. Eh bien ! voilà les ventres des riches, vous y trouverez plus de pourriture que dans ce bûcher. Quelle haleine fétide, quelles exhalaisons pestilentielles, quel malaise dans tout le corps et dans chaque partie du corps , résultat d'une nourriture trop abondante. Quand la chaleur naturelle ne suffit plus pour digérer les aliments, quand elle est comme engloutie sous leur masse, ils pèsent sur l'estomac, y produisent des vapeurs, et causent un malaise général.
Ces ventres, à quoi les comparerai-je encore? Ne vous offensez pas de ce que je vais dire. Si je ne dis pas la vérité, reprenez-moi. Oui, à quoi puis-je comparer les ventres des riches ? Car tout ce que nous avons dit ne suffit pas encore pour peindre leur misère. Voici donc un autre tableau. Dans les cloaques où il y a, quantité de fumier, de paille, de jonc, de pierres, de boue, il se produit souvent des obstructions , et alors toute la boue remonte comme un flot à la surface. C'est ce qui se passe dans leurs ventres : il est aussi obstrué, et les matières corrompues refluent vers le haut du corps. Chez les pauvres, il en est tout autrement. Semblables à des fontaines d'où s'écoule une onde pure et qui arrosent ,les jardins et les prairies, leurs ventres sont vides de toute cette corruption. Les riches au contraire, ou plutôt ceux qui s'abandonnent aux délices de la table, sont tout remplis d'humeurs malfaisantes, de sang corrompu, de déjections pourries. Aussi ne peuvent-ils garder longtemps leur santé; sans cesse ils sont malades. Aussi il me prend , envie de leur demander pourquoi la nourriture nous a été accordée, si c'est pour-nous donner la mort, ou pour soutenir notre vie? Si c'est pour ruiner notre santé, ou bien pour l'entretenir? Pour cous affaiblir ou nous fortifier? Il est bien évident que la nourriture est destinée à entretenir chez nous la santé et les forces. Pourquoi donc en abuser, pourquoi l'employer à rendre le corps infirme et malade ? Le pauvre au contraire, par une nourriture simple et frugale, se ménage une santé robuste. Cessez donc de déplorer une pauvreté qui vous donne la santé; réjouissez-vous plutôt d'être. pauvres; et si vous voulez être riches, méprisez les richesses. La vraie richesse consiste taon pas à posséder les richesses, mais à ne pals même les désirer: Ah ! si nous arrivons à ce dégagement des biens de la terre, mous serons plus abondamment pourvus que les riches et nous obtiendrons les biens de la vie future. Puissions-nous y (84) parvenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.







HOMÉLIE XIII. NOTRE BOUCHE S'EST OUVERTE POUR VOUS, Ô CORINTHIENS, NOTRE COEUR S'EST DILATÉ. — VOUS N'ÊTES PAS A L'ÉTROIT DANS NOTRE COEUR, C'EST DANS LES VÔTRES QUE VOUS ÉTES RESSERRÉS. (VI, 11, JUSQU'À VII, 1.)
Analyse.
1-3. Je laisse mon coeur se répandre sur ce sujet, afin que vous puissiez connaître l'amour ardent que j'ai pour vous, et me rendre amour pour amour . — Fuyez particulièrement toute société avec les infidèles, car Jésus-Christ et Satan ne peuvent aller, ensemble, et le temple du Dieu vivant, qui est vous-mêmes, ne peut contracter aucune liaison avec les idoles.
3 et 4. Qu'il ne faut pas divulguer ses aumônes, et que l'état du pauvre est plus avantageux que celui du riche.
1. L'apôtre vient de passer en revue ses épreuves et ses afflictions: " J'ai vécu dans la patience ", dit-il, "dans les afflictions, dans le besoin, dans les angoisses, sous les verges, dans les prisons, changeant souvent de demeure, dans les fatigues, dans les veilles ". C'est là, dit-il, un grand bien : " On nous croit tristes, et nous sommes toujours dans la joie; on nous croit pauvres, et nous enrichissons beaucoup de nos frères; on nous croit dans l'indigence,et nous. possédons toutes les richesses ". Toutes ces épreuves sont pour lui autant de ressources: "Par là, Dieu nous instruit, et nous ne mourons point ". De plus elles manifestent là puissance de Dieu et sa sollicitude envers nous : " Afin que notre patience semble l'effet de la toute puissance divine, et ne paraisse pas venir de nous-même ". En outre il nous dit ses combats : " Nous portons en tous lieux la mortification de Jésus " Il ajoute que c'est là une preuve évidente de la résurrection du Sauveur : " Afin que la vie de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle ". Voici maintenant la mission qui lui a été confiée : " Nous sommes les ambassadeurs du Christ, comme si Dieu exhortait par notre parole ".Ensuite il indique l'objet de son ministère; c'est non point la lettre, mais l'esprit. Ce n'est point par son ministère seulement qu'il mérite le respect, mais aussi par ses afflictions : " Grâces soient rendues à Dieu ", dit-il, " qui nous fait partout triompher ".
Puis il s'apprête à les blâmer de leur négligence. Mais, avant d'en venir là, il leur témoigne son affection, et il passe ensuite au reproches. Sans doute les belles actions commandent le respect envers celui qui blâme; mais ses reproches sont mieux accueillis encore s'il .fait preuve d'une véritable amitié. Saint Paul laisse donc maintenant de côté ses souffrances, ses fatigues, ses combats, pour parler de son amour pour les Corinthiens, et pouvoir ensuite leur faire entendre le langage de la sévérité. Comment leur témoigne-t-il de son affection ? " Notre bouche s'est ouverte pour vous, ô Corinthiens ". Et quelle preuve d'affection renferment ces paroles ? que signifient-elles? Nous ne pourrions garder le silence; quand il s'agit de vous; c'est un besoin pour nous de vous faire entendre notre voir, de nous entretenir avec, vous. N'est-ce point (85) la conduite de ceux qui aiment? Comme deux corps s'unissent par la jonction des mains, ainsi deux âmes se lient par la conversation. Mais il v a un autre sens dans ces paroles. Lequel? Vous nous êtes chers, et nous vous parlons en toute franchise, sans rien dissimuler, sans rien vous cacher. Il va leur adresser des reproches; il s'en excuse d'abord; ces reproches eux-mêmes seront une preuve de la vite affection qu'il a pour eux. Il ajoute le nom des Corinthiens, et c'est encore là une marque d'une vive , d'une ardente amitié. N'aimons-nous pas à répéter sans cesse les noms de ceux que nous aimons? — " Notre coeur s'est dilaté ". C'est la chaleur qui dilate ; c'est aussi le propre de la charité : car la vertu est ardente. C'est elle qui ouvrait la bouche de saint Paul, et 'qui dilatait son coeur. — Je n'aime pas seulement de bouche, dit-il; mon coeur. est d'accord avec mes lèvres; et c'est pourquoi je vous parle avec confiance de toute ma bouche et de toute mon âme.



GENERAL JUDGEMENT
http://www.newadvent.org/cathen/08552a.htm

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