SAINT JOHN CHRYSOSTOM

Sunday 29 August 2010

LE DERNIER JOUR

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SERMONS LXXVI ET LXXVII
EXTRAIT


" Et le signe du Fils de l’homme paraîtra " alors dans le ciel (30) ". C’est-à-dire, sa croix qui paraîtra alors plus éclatante que le soleil, dont la lumière est souvent offusquée par un nuage, au lieu que celle de la croix brillera alors plus que les rayons de cet astre, sans que rien la puisse obscurcir. Mais pourquoi Jésus-Christ fera-t-il paraître alors ce signe, sinon (592) pour confondre l’orgueil et l’insolence des Juifs, et pour rendre sa croix même la marque de sa justification et le trophée de son innocence? Il ne se contentera pas de montrer seulement ses plaies, mais il fera voir encore ce bois sacré sur lequel on l’a fait mourir si cruellement et si honteusement, tout couvert des rayons de sa majesté et de sa gloire.

" Et alors toutes les tribus de la terre se e frapperont la poitrine (30) ". Les hommes n’auront plus besoin de témoin ni d’accusateur pour les convaincre de leur crime. La seule vue de la croix les remplira de confusion. Ils " se frapperont la poitrine " parce qu’ils n’auront tiré aucun avantage d’une mort si salutaire, et qu’ils auront méprisé Celui qu’ils devaient adorer attaché à cette croix. Considérez, mes frères, de quelle manière Jésus-Christ représente la terreur de son dernier avènement, et comme pour relever le courage de ses disciples, il doit d’abord ce qui se verra de plus triste, et rapporte ensuite ce qui doit être plus consolant. Il les fait souvenir de sa passion et de sa résurrection en leur parlant de l’éclat de sa croix; et il les encourage par ce souvenir à n’en point rougir durant cette vie, puisqu’il la fera paraître alors devant lui dans une si grande gloire, comme un signe qui marquera son prochain avènement. Un autre évangéliste dit : " Ils verront quel est celui qu’ils ont percé ". (Jean, XIX, 37.) C’est ce qui fera soupirer alors toutes les tribus de la terre, lorsqu’elles verront que leur Juge sera celui même qu’elles auront crucifié.

" Et ils verront le Fils de l’homme qui viendra sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande gloire. Parce que le Sauveur avait parlé de sa croix, il marque ici qu’on le verra non sur la croix, " mais sur " les nuées du ciel avec une grande puissance " et une grande gloire". Car il ne faut pas que cette " croix ", qui paraîtra alors au milieu de l’air, nous fasse craindre encore quelque chose de triste pour le Sauveur, Il ne faut point douter qu’il ne paraisse alors revêtu de gloire. Il ne fera voir sa croix que pour condamner le crime de ceux qui i’y ont attaché sans être obligé de les en accuser lui-même. Il fera comme quelqu’un qui, ayant été frappé d’une pierre, porterait la pierre même, ou ferait voir ses habits ensanglantés pour prouver le mauvais traitement qu’il a souffert. Il descendra du ciel sur " une nuée " de même qu’il y est monté. " Toutes les tribus " voyant ces choses " pleureront ", mais leur malheur ne se bornera pas à pleurer. Ces coupables pleureront seulement pour se condamner eux-mêmes, pour que leurs larmes témoignent de leurs, péchés.

" Mais il enverra ses anges qui feront entendre la voix éclatante de leur trompette, et qui rassembleront ses élus des quatre vents et des quatre coins du monde, depuis une extrémité du ciel jusqu’à l’autre (31) ". Lorsque vous entendez ces choses, mes frères, représentez-vous quel sera le regret de ceux qui ne seront point rassemblés avec les élus. Jésus-Christ déclare qu’ils ne seront pas seulement punis eu cette vie, mais aussi dans l’autre. Et comme il assurait auparavant qu’ils diraient " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ", il assure ici de moine qu’ils se frapperont la poitrine.

Après avoir prédit des guerres et des maux qui seraient sans nombre, il ne veut pas que l’on croie que le malheur des méchants se terminerait à cette vie. Il déclare qu’ils passeront de la terre dans les enfers, et des misères de l’une dans les supplices de l’autre. Il prédit qu’il les séparera de ses élus, qu’il les condamnera à demeurer avec les démons, " et qu’ils se frapperont la poitrine ". Et lorsqu’il menace ainsi les Juifs, il console ses disciples en leur faisant voir de combien de maux sa grâce les délivrera, et de quels biens elle les comblera un jour.

4. Mais puisque le Sauveur viendra si manifestement lui-même, pourquoi appellera-t-il ses élus par ses anges, sinon pour honorer " encore ses élus par le ministère de ces bienheureux esprits "? Saint Paul semble être contraire à ce que dit l’Evangéliste. Car il dit que les élus "seront emportés dans les nuées". Lorsqu’il parle de la résurrection, il dit : " Le Seigneur descendra du ciel aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l‘archange ". (I Thess. IV, 16.) Mais il faut répondre à cela, mes frères, que les anges d’abord rassembleront les élus, et qu’après qu’ils les auront ainsi rassemblés, ils seront emportés dans les nuées. Et tout ceci se passera en un moment. Car il n’appellera pas ses élus en demeurant lui-même au haut des cieux. Il viendra au milieu des airs au signal de la trompette. Vous me demanderez peut-être pourquoi on entendra ces " trompettes " et (593) ces " sons " ? Ce sera pour réveiller les esprits, pour les animer et pour leur inspirer de la joie, pour imprimer la terreur de ce jugement, et pour représenter les regrets de ceux que ce Juge irrité rejettera, et qu’il bannira éternellement de son royaume.

Je ne puis, mes frères, m’empêcher de déplorer notre malheur, lorsque je pense à ce jour terrible. Au lieu que nous devrions être dans la joie quand on nous en parle, nous sommes au contraire saisis de frayeur et abattus de tristesse. Mais peut-être qu’il n’y a que moi qui me trouve dans cette disposition, et que pendant que je suis frappé de crainte vous n’avez que de la joie. Car pour moi, je vous avoue que lorsque je me retrace l’image de ce jugement futur, je suis pénétré de crainte, et que la douleur dont je suis percé me fait fondre en larmes.

Comme je n’ose espérer aucune part à ce bonheur que Jésus-Christ vient de promettre à ses apôtres, il me semble que je me vois dépeint dans ce qui est dit ensuite de ces vierges insensées et de ce méchant serviteur qui ne fit pas profiter le talent qu’il avait reçu de son maître. Ces exemples m’épouvantent et m’arrachent les larmes des yeux, lorsqu’ils me représentent dans quelle confusion nous serons alors, de quelle gloire nous serons privés, de quel bonheur nous serons exclus, non pour un temps qui ait ses bornes et ses limites, mais pour une éternité, et tout cela parce que nous n’aurons pas voulu endurer ici un peu de travail.

Si le joug que Jésus-Christ nous impose était pesant, et si sa loi était pénible, quoiqu’on dût encore s’y soumettre, les lâches néanmoins et les négligents pourraient- alors se couvrir de quelque excuse apparente. Ils représenteraient la difficulté des préceptes, la longueur des travaux et la pesanteur de ce joug qu’on leur aurait imposé. Mais maintenant tous ces prétextes même nous sont ôtés. Nous n’avons point de travaux ni de peines dont nous nous puissions couvrir. C’est là sans doute, mes frères, ce qui nous sera plus insupportable que l’enfer même, lorsque nous reconnaîtrons que. pour avoir voulu nous épargner un travail si léger, nous nous serons attirés une éternité de peines. Le temps de cette vie est court. Le travail n’est rien, et nous nous laissons aller au relâchement et à la mollesse. C’est sur la terre que vous combattez, et c’est dans le ciel que sera votre couronne. Ce sont les hommes qui vous affligent et qui vous outragent, et ce sera Dieu qui vous consolera et qui vous couronnera de sa gloire. Vous n’avez à courir qu’un moment, et au bout de votre carrière il vous offre un prix et un repos qui ne finira Jamais. Vous combattez dans un corps corruptible, et vous serez récompensé dans un corps incorruptible.

Mais nous devons considérer, mes frères, avec grande attention, que quelque répugnance que nous ayons à souffrir pour Jésus-Christ, nous souffrirons néanmoins beaucoup sur la terre. Refusez tant que vous voudrez de mourir pour celui qui est mort pour vous, vous n’en deviendrez pas pour cela immortels. Et quelque passionnés que vous soyez pour vos richesses, elles vous quitteront un jour malgré voilas, et vous ne les emporterez pas en sortant du monde. Jésus-Christ ne vous demande que des choses que vous seriez contraints de quitter bientôt, et la mort au moins vous arrachera ce que vous aurez refusé de donner à Jésus-Christ. Je vous exhorte à prévenir cette nécessité par un renoncement volontaire, et de faire de’ bon gré ce que vous ferez enfin malgré vous.

Dieu ne vous demande qu’une chose, qu’en faisant ce que vous ferez pour l’amour de lui, vous le fassiez de bon coeur, et non par contrainte. Peut-on rien trouver de plus aisé et de plus facile? Souffrez pour moi, nous dit-il, ce qu’il vous faudrait nécessairement souffrir, Ayez seulement cette intention, et cela me suffira. Vous voulez donner votre argent à un homme pour le faire profiter, donnez-le-moi à moi-même. Il profitera davantage et sera plus assuré. Vous voulez porter les armes pour un prince de la terre, faites la guerre sous mes étendards, et je vous récompenserai d’une gloire que tous les princes ensemble n’ont pas le pouvoir de vous donner.

Lorsque vous voulez vendre quelque chose, vous le donnez à celui qui vous en offre davantage, et vous rejetez le Fils de Dieu lorsqu’il vous offre sans comparaison plus que tout le monde ne peut vous donner. D’où vient cette aversion que vous avez pour lui? D’où vient cette guerre que vous lui faites? Comment vous excuserez-vous un jour de n’avoir pas préféré Dieu à un homme pour les mêmes raisons pour lesquelles vous avez coutume de préférer un homme à un homme?

Pourquoi, vous dit-il, voulez-vous mettre en (594) dépôt votre trésor dans la terre? Que ne m’en rendez-vous le dépositaire? Le maître de la terre ne vous paraît-il pas plus propre pour assurer votre bien, que la terre ? La terre ne vous peut rendre que ce que vous lui avez prêté. Elle en perd même, et elle en gâte souvent quelque chose. Mais Jésus-Christ ne vous ôte rien de tout ce que vous lui avez confié. Il a pour vous une bonté infinie: Si vous voulez lui donner votre argent à usure, il est toujours prêt à l’accepter. Si vous voulez semer, vous dit-il, je vous donnerai un champ où vous recueillerez au centuple; et si vous voulez bâtir, je vous donnerai un fonds où tous bâtirez pour l’éternité. Pourquoi voulez-vous traiter avec des hommes qui sont si pauvres, qui ne vous rendront point votre argent ou qui ne vous, le rendront qu’en partie. Traitez plutôt avec Dieu, qui s’engage à vous donner beaucoup pour peu que vous lui aurez prêté.

5. Mais rien de tout cela ne bous touche, et nous aimons mieux un commerce bas et honteux qui est pour nous une semence de procès et une source de querelles et de calomnies. N’est-il donc pas bien juste qu’il nous punisse très-sévèrement, puisque quand il nous fait de si grandes offres nous noue opiniâtrons toujours à les rejeter? Il nous prévient et il nous dit lui-même : Je m’offre à vous pour faire ce que vous voudrez. Soit que vous désiriez d’être paré des mêmes ornements que moi, soit que vous vouliez être revêtu des mêmes armes, soit que vous souhaitiez d’être à la même table que moi, ou de marcher par le chemin où je marche, ou de régner dans la ville dont je suis moi-même l’ouvrier et l’architecte, ou de vous bâtir une maison sur un fonds qui est à moi: vous pouvez faire tout ce que vous voudrez. Non-seulement je n’en exigerai aucune récompense de vous, mais je croirai même vous en être redevable. Que pouvez-vous trouver qui égale ma bonté? Je suis moi seul votre père, votre nourricier et votre époux. Je suis la maison où vous habitez, la racine qui vous soutient, le fondement qui vous porte et le vêtement qui vous couvre. Je suis tout ce que vous voulez que je vous sois. Vous ne pouvez manquer avec moi d’aucune chose. Je serai même celui qui vous servira : puisque je suis venu au monde non pour y être servi, mais pour y servir les autres. Je suis votre ami, je suis la tête et le chef du corps dont vous êtes les membres; je suis votre frère, je suis votre soeur, je suis votre mère, je suis votre tout. Ayez soin seulement de vous unir à moi très-étroitement. Je suis devenu pauvre pour vous enrichir. J’ai souffert la croix pour vous racheter. J’ai voulu mourir et être enseveli pour vous tirer de la mort et du tombeau, et après être descendu pour vous au fond des enfers, je prie maintenant mon Père pour vous au plus haut des cieux. Vous me tenez lieu de tout. Vous êtes mon frère, vous êtes mon ami, vous êtes mon cohéritier et l’un de mes membres. Que désirez-vous davantage? Pourquoi fuyez-vous celui qui vous aime tant? Que faites-vous dans le monde par tous vos empressements, sinon de travailler à vous rendre misérable, de verser de L’eau dans un vase percé, de tirer l’épée contre le feu et de lutter contre l’air? Pourquoi courez-vous tant sans avoir un but où vous tendiez? Chaque art a le sien; mais quel est le vôtre, sinon le vide et le néant, selon la parole du Sage: " Vanité des vanités, et tout n’est que vanité ".

Allons ensemble aux tombeaux des morts. Venez me montrer votre père ou votre femme. Faites-m’y voir ceux qui étaient ici revêtus de pourpre, qui étaient superbement traînés dans des chars de triomphe, qui conduisaient les armées, qui étaient environnés de gardes et. accompagnés d’une foule d’officiers; ceux qui frappaient insolemment les uns, qui mettaient les autres en prison, qui tuaient ou sauvaient de la mort ceux qu’ils voulaient. Montrez-moi, dis-je, ces personnes. Je ne vois maintenant que des os secs et pourris, que des vers, que des araignées; qu’un peu de poussière et de pourriture. Toutes ces grandeurs sont évanouies comme une ombre, comme un songe, comme une fable et comme un tableau, si l’on peut dire, néanmoins qu’il s’y trouve même la réalité d’une image. Et plût à Dieu que tout se terminât à ce néant. Mais si d’un côté toutes ces grandeurs, tous ces honneurs et tous ces plaisirs se sont évanouis comme une ombre, ils ont produit de l’autre une misère stable et réelle, qui subsistera éternellement. Les violences, les injustices, les impuretés, les adultères et tous les autres crimes ne se réduisent point en cendres comme nos corps. Toutes nos oeuvres suivent nos âmes dans l’autre vie, et nos actions aussi bien que nos paroles y sont écrites sur la pierre et le diamant.

De quels yeux donc contemplerons-nous alors Jésus-Christ?Si nous n’avons pas assez (595) de hardiesse pour oser regarder notre Père, lorsque nous l’avons offensé, comment oserons-nous alors jeter les yeux sur celui qui a plus de tendresse pour nous que les pères de la terre n’en peuvent avoir pour leurs enfants ? Com ment pourrons-nous supporter ses regards lorsque nous serons au pied de son tribunal, et qu’on examinera avec tant de sévérité toutes les actions de notre vie?

Que s’il se trouve quelqu’un, mes frères, qui ne croie point ce jugement dont Jésus-Christ nous menace, qu’il considère ce qui se passe en ce monde. Qu’il voie tant de misérables dont les uns gémissent dans les prisons, les autres sont condamnés aux métaux, les autres pourrissent sur un fumier, les autres sont tourmentés par les démons, les autres tombent dans l’égarement d’esprit, les autres souffrent des maladies incurables, les autres sont accablés de la pauvreté, les autres endurent la faim et les dernières extrémités, et les autres enfin soupirent dans une très-dure servitude. Représentez-vous, dis-je, tous ces maux, et dites-vous à vous-même que Dieu ne permettrait point que tous ces hommes souffrissent tant, s’il ne devait, punir de même ceux qui ne sont pas moins coupables qu’eux. Que si vous voyez quelquefois des méchants qui ne souffrent rien en ce monde, c’est une marque que Dieu réserve leur punition pour un autre temps. Etant juste comme il est, et le commun Seigneur de tous, il ne laisserait pas les uns, impunis pendant qu’il traite si sévèrement les autres, s’il ne leur réservait ailleurs un très-grand supplice.

Considérons donc, mes frères, ces vérités terribles. Humilions-nous .profondément devant Dieu. Que ceux qui jusqu’ici n’avaient point cru le jugement à venir, commencent maintenant à le croire et à le craindre, afin que, vivant tous ici d’une manière digne du ciel, nous évitions les supplices de l’enfer et nous méritions de posséder les biens éternels, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (596)

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