SAINT JOHN CHRYSOSTOM

Friday 20 August 2010

LE BON BERGER

LE BON BERGER
JEAN 10:1-16
EXPLICATION PAR SAINT JEAN CHRYSOSTOME

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/jean/061.htm
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/jean/062.htm

« En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui n'entre pas par la porte dans la bergerie des brebis , mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un larron ». (Chap. X, 1.) Observez, mes frères, les marques du larron : premièrement, il n'entre pas de jour, ni publiquement; en second lieu, il n'entre pas par l'autorité des Ecritures, car, entrer par les Ecritures , c'est entrer par la porte. Au reste, le Sauveur désigne ici les faux prophètes, les faux pasteurs qui l'avaient précédé, et ceux qui devaient le suivre : l'Antechrist, les faux christs, Judas, Théodas (Act. V, 36), et tous les autres de cette espèce; et c'est avec justice qu'il appelle les Ecritures la porte. Ce sont elles qui nous mènent à Dieu et nous le font connaître : ce sont elles qui font les brebis : ce sont elles qui les gardent et qui ferment l'entrée aux loups. En effet, les Ecritures, comme une porte sûre , empêchent les hérétiques d'entrer, nous garantissent la possession de tout ce que nous tenons à conserver, et nous préservent de toute erreur. Et si nous n'ouvrons pas nous-mêmes cette porte, nos ennemis ne pourront pas facilement nous prendre. Par là nous discernerons et nous connaîtrons ceux qui sont véritablement pasteurs , et ceux qui ne le sont pas. Mais que signifie ce mot : « Dans la bergerie? » il fait allusion aux brebis et à leur garde. Car, celui qui n'entre pas par la sainte Ecriture, mais qui monte par un autre endroit, c'est-à-dire, celui qui se fraye un chemin différent de celui que les Ecritures ont tracé et nous ont ouvert, celui-là, dis-je, est un voleur.

Ne le remarquez-vous pas , mes frères, que Jésus-Christ, en invoquant le témoignage des Ecritures , montre de cette façon son union avec le Père ? C'est pourquoi il disait aux Juifs : « Lisez avec soin les Ecritures » (Jean, V, 39); c'est pourquoi il a pris Moïse à témoin, et aussi tous les prophètes. « Tous ceux », dit-il, « qui écoutent les prophètes, viendront à moi ». Et : « Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi ». (Jean, V, 46.) Mais ici il dit ces choses métaphoriquement. Et lorsqu'il a dit : « Qui monte par un autre endroit », il a désigné les scribes, qui transgressaient la loi, enseignant les opinions des hommes comme la vraie doctrine et les préceptes du Seigneur. Jésus-Christ leur en fait un reproche, en disant : « Nul de vous n'accomplit la loi ». (Jean, VII, 19.) Le divin Sauveur a fort bien dit: « Qui monte », et non pas qui entre : ce qui marque l'action d'un voleur qui fait ses efforts pour franchir une cloison et ne cesse pas de s'exposer au péril. Voyez-vous ce portrait du voleur? A présent, observez ce qui désigne le pasteur. « Celui qui entre par la porte , est le pasteur des brebis (2). C'est à celui-là que le portier ouvre, et les brebis entendent sa voix : il appelle les brebis par leur nom (3). Et lorsqu'il a fait sortir ses propres brebis, il va devant elles (4) ». Jésus-Christ a fait le portrait et du pasteur et du larron; voyons de quelle sorte il leur applique les paroles qui suivent : « C'est à celui-là », dit-il, « que le portier ouvre ». Il continue la métaphore pour donner plus de force et d'énergie à ses paroles. Que si vous voulez examiner en particulier chaque terme de la parabole, rien ne nous empêche d'entendre ici Moïse sous ce nom de portier, car c'est à lui que Dieu a confié ses oracles; c'est sa voix que les brebis entendent, « et c'est lui qui appelle ses propres brebis par leur nom ».



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En effet, comme les scribes et les pharisiens appelaient souvent Jésus un séducteur, et confirmaient le peuple dans cette opinion par leur incrédulité, disant : « Y a-t-il quelqu'un a des sénateurs qui ait cru en lui? » (Jean, VII, 48), il leur fait voir, et leur dit qu'il n'est pas un séducteur parce qu'ils le croient tel, mais que c'est eux-mêmes qu'il faut appeler séducteurs et méchants, parce qu'ils ne l'écoutent pas et ne croient point en lui ; et aussi que, pour cette raison, ils sont justement chassés de la bergerie. S'il est du pasteur d'entrer par la vraie porte , et si c'est par là que Jésus est entré, tous ceux qui le suivent pourront être des brebis; ceux au contraire qui se sont séparés, n'ont pas pour cela fait tort au pasteur, mais ils s'en sont fait à eux-mêmes en se séparant de la société des brebis. Que si ensuite il se dit lui-même la porte, ne vous troublez pas : il se dit lui-même et le pasteur et la brebis, selon les différentes fonctions qu'il s'attribue. Ainsi quand il nous offre à son Père , il se dit la porte ; quand il prend soin de nous, il se dit le pasteur. Et il se dit le pasteur, afin que vous ne croyiez pas que nous offrir à son Père, ce soit là toute son oeuvre.

« Et les brebis entendent sa voix , et il appelle ses propres brebis, et il va devant elles ». Cependant, dans l'usage commun , c'est tout le contraire , les pasteurs suivent les brebis. Mais Jésus-Christ, pour montrer qu'il mènera tous les hommes à la vérité, agit contre la coutume des pasteurs; de même que, quand il a fait sortir ses brebis, il ne les a pas éloignées des loups (Matth. X, 16), mais il les a envoyées au milieu d'eux le soin pastoral chez le divin pasteur est bien différent de ce qu'il est chez nous; il est autrement admirable.

3. Au reste, il me semble que c'est l'aveugle qui est ici désigné, puisque Jésus l'a appelé lorsqu'il était au milieu des Juifs, et que celui-ci a entendu sa voix et l'a reconnu. « Et elles ne suivent point un étranger, parce qu'elles ne connaissent point la voix des étrangers (5) ». En cet endroit Jésus-Christ parle de ceux qui ont suivi Théodas ou Judas (Act. V, 36), dont il est écrit que tous ceux qui ont cru en eux, se sont dissipés,,ou encore des faux christs qui devaient séduire bien des gens dans la suite. Et de peur que les pharisiens ne disent qu'il était un de ces faux christs, il fait voir qu'il est bien différent d'eux.

La première différence qu'il apporte consiste en ce que sa doctrine provenait des Ecritures, et que c'est par là qu'il conduisait ses brebis : or, les autres ne faisaient pas de même. La seconde, c'est l'obéissance de ses brebis. Ses brebis n'ont pas seulement cru en lui, lorsqu'il vivait, mais aussi après sa mort; au lieu que les autres brebis se sont incontinent séparées de leurs pasteurs. Nous pouvons en ajouter une encore, qui n'est pas des moins considérables : c'est que ces faux christs, ces faux prophètes agissant en tyrans, faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour exciter le peuple à la révolte : mais Jésus-Christ était si éloigné de cette conduite, qu'il s'enfuit lorsque le peuple voulut le faire roi (Jean, VI, 15); et que quand on vint lui demander s'il était permis de payer le tribut à César, il répondit qu'il fallait le payer (Matth. XXII, 17), et le paya lui-même. (Ibid. XVII, 26.) De plus, il est venu pour le salut de ses brebis, afin qu'elles aient la vie et qu'elles l'aient abondamment (Jean, X, 10) ; mais les autres leur ont même ôté cette vie présente. Ceux-là ont trahi les brebis qui s'étaient confiées à eux, et ont pris la fuite; mais Jésus-Christ est demeuré si ferme, et les a si courageusement défendues, qu'il a donné sa vie pour elles. Ceux-là ont souffert malgré eux et à contre-coeur; mais Jésus-Christ n'a rien souffert que librement et volontairement.

« Jésus leur dit cette parabole : mais ils ne comprirent point ce qu'il disait (6) ». Pour. quoi donc leur parlait-il d'une manière obscure? C'était polir les rendre plus attentifs. Mais aussitôt après il ôte toute obscurité par ces paroles : « Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il entrera, il sortira, et il trouvera des pâturages » ; c'est-à-dire il vivra en sûreté et en liberté. Jésus-Christ appelle ici pâturages la nourriture des brebis, et la puissance et l'autorité qu'il leur donne c'est-à-dire la brebis demeure dans le bercail, et personne ne pourra l'en faire sortir. Et c'est là aussi ce qui est arrivé aux apôtres, qui entraient et sortaient librement comme maîtres de tout le monde, et personne n'a pu les chasser. « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des larrons, mais les brebis ne les ont point écoutés (8) ». Jésus. Christ ne parle point là des prophètes, comme le prétendent les hérétiques: car les brebis les [391] ont écoutés, et c'est par eux qu'ont cru en Jésus-Christ, tous ceux qui ont cru en lui; mais il parle de Théodas, de judas et des autres séditieux. De plus, ces paroles : les brebis ne les ont point écoutés, il les dit à la louange des brebis. Or, jamais il ne loue ceux qui n'ont point écouté les prophètes; au contraire, il les blâme et les reprend fortement : d'où il est évident que c'est de ces séditieux que le Sauveur dit que les brebis ne les ont point écoutés.

« Le voleur ne vient que pour voler, pour égorger et pour perdre (10) ». Comme il arriva dans la sédition de Théodas, où tous furent égorgés et massacrés. « Mais pour moi, à je suis venu, afin que » les brebis « aient la «vie, et qu'elles l'aient plus abondamment ». Qu'est-ce, je vous prie, qu'une vie plus abondante? C'est le royaume des cieux. Mais il ne le dit pas encore, et il se sert du nom de vie, comme désignant une chose qui leur est connue. « Je suis le bon pasteur (11) ». Ici enfin Jésus-Christ parle de sa passion, il fait voir qu'il souffrira pour le salut du monde, et qu'il n'ira point à la mort malgré lui.

Après cela le divin Sauveur apporte encore un moyen de reconnaître le pasteur et le mercenaire. « Car le bon pasteur », dit-il, « donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire, et celui qui n'est point pasteur et à qui les brebis n'appartiennent pas, voyant venir le loup, abandonne les brebis et s'enfuit : et le loup vient et les ravit (12) ». Par ces paroles Jésus-Christ montre qu'il est égal à son Père en puissance et- en autorité; car il est lui-même le pasteur, à qui les brebis appartiennent. Ne remarquez-vous pas, mon cher auditeur, que dans les paraboles Jésus-Christ parle d'une manière plus élevée, parce que le discours y est plus enveloppé et plus obscur, et n'y donne pas manifestement prise aux critiques des auditeurs? « Le mercenaire voit venir le loup et il abandonne les brebis; et le loup vient et les ravit ». C'est là ce qu'ont fait les faux christs; mais le vrai Christ a fait tout le contraire; lorsqu'on l'a pris, il a dit : « Laissez aller ceux-ci », afin que cette parole fût accomplie: « Nul d'eux ne s'est perdu ». (Jean, XVII, 12.) On peut aussi en cet endroit entendre le loup spirituel, à qui Jésus n'a point permis de ravir les brebis. Celui-là n'est pas seulement un loup, mais encore un lion : « Car le démon, notre ennemi, tourne autour de nous comme un lion rugissant». (I Pierre, V, 8.) Il est le serpent et le dragon: « Foulez aux pieds les serpents et les scorpions ». (Luc, X, 19.)

4. C'est pourquoi je vous conjure; mes chers frères, de demeurer sous la conduite du pasteur. Nous y demeurerons, si nous écoutons sa voix, si nous lui obéissons, si nous ne suivons point un étranger. Et quelle est la voix qu'il fait entendre ? « Bienheureux les pauvres d'esprit : bienheureux ceux qui ont le coeur pur : bienheureux ceux qui sont miséricordieux ». (Marc, V, 3, 7, 8.) Si nous observons ces choses nous demeurerons sous la garde du pasteur, et le loup ne pourra point trouver d'entrée dans nous : mais quand même il se jeterait sur nous, ce serait à sa confusion et à sa perte. Car nous avons un pasteur qui nous aune si fort, qu'il a donné sa vie pour nous,. Puis donc que notre pasteur est tout-puissant et nous aime, qu'y a-t-il qui puisse nous en pêcher de faire notre salut? Rien, si nous ne faisons pas nous-mêmes défection. Et en quoi consisterait cette défection? Ecoutez-le, il vous l'apprend : « Vous ne pouvez servir deux maîtres, Dieu et les richesses» . (Matth. VI, 24.) Si donc nous servons Dieu, nous échapperons à la tyrannie des richesses. Rien de plus tyrannique, en effet, que l'amour des richesses : il ne nous laisse aucun plaisir, mais il nous plonge dans les inquiétudes, dans l'envié; il nous fait tomber dans des piéges, il suscite les haines, les calomnies, et mille choses qui sont autant d'obstacles pour la vertu; il nous jette dans l'oisiveté, dans la mollesse, dans l'avarice, dans l'ivrognerie, dans tous ces vices qui changent les hommes libres en esclaves, et lés rendent plus misérables que les esclaves : oui, dis-je, ils les rendent esclaves, non des hommes, mais de la plus terrible de toutes les maladies de l'âme.

Celui qui est atteint de cette maladie n'hésite plus à faire mille choses qui déplaisent à Dieu et aux hommes, et il ne craint rien tant que quelqu'un ne le délivre dé son esclavage. O dure servitude ! ô domination diabolique ! En effet, est-il un état plus affreux et plus misérable? Nous sommes accablés d'une infinité de maux et nous en avons de la joie; nous sommes dans les fers et nous aimons nos chaînes. Logés dans une obscure prison, nous refusons la lumière qu'on nous présente; loin de là, nous cherchons à accumuler nos maux [392] et nous nous réjouissons de notre maladie. C'est pourquoi, nous ne pouvons point recouvrer la liberté et nous sommes de pire condition que ceux qui sont condamnés aux mines, puisque, accablés de travaux et de misères, nous n'en recueillons aucun fruit, et ce qu'il y a encore de plus terrible, c'est que si quelqu'un veut nous tirer de cette cruelle servitude, nous ne le souffrons pas et même nous nous fâchons et nous nous mettons en colère. Nullement différents des fous, ou plutôt encore bien plus misérables qu'eux, nous ne voulons point guérir de notre folie.

Mais, ô homme, est-ce pour cela que vous êtes venu au monde ? Est-ce pour travailler aux mines et amasser de l'or que Dieu vous a fait homme? Non, certes, ce n'est point à cette fin que le Seigneur vous a formé à son image, mais c'est afin que vous vous rendiez agréable à sa divine Majesté, afin que vous acquériez les biens futurs, afin qu'un jour vous soyiez associé aux concerts des anges. Pourquoi vous dégradez-vous d'une si haute dignité et vous laissez-vous tomber dans un avilissement si honteux et si infâme? Celui qui est né du même enfantement que vous, je parle de l'enfantement spirituel, se consume de faim, et vous, vous regorgez de toutes sortes de biens. Votre frère marche tout nu dans les rues, et vous, vous entassez habits sur habits comme une pâture préparée pour les vers; ne serait-il pas beaucoup mieux d'en couvrir le corps des pauvres? De cette sorte, ces habits ne seraient point perdus, vous seriez délivrés de bien des soins, et les pauvres vous procureraient la vie éternelle. Si vous ne voulez pas que vos habits soient dévorés des vers, donnez-les aux pauvres, ils sauront fort bien les secouer et les garantir des vers. Le corps de Jésus-Christ est de plus grand prix et plus sûr que toutes vos armoires. Non seulement il conserve les habits, mais encore il les rend plus magnifiques. Pour peu que votre coffre soit emporté avec tous les vêtements que vous y gardiez, c'est pour vous une perte très-considérable. Mais le dépôt dont je parle, la mort même ne peut l'endommager, ni le ravir. Vous n'avez ici nullement besoin ni de portes, ni de serrures, ni de valets qui veillent, ni d'aucune autre précaution. Ce qui est caché dans le ciel est pleinement à couvert de toutes sortes de dangers ; nulle injustice ne peut approcher de ce lieu. Nous ne cessons point de vous dire ces choses, vous les écoutez et vous n'en profitez pas. En voici la raison : nous avons l'âme basse, rampante et attachée uniquement aux choses terrestres.

Mais, à Dieu ne plaise que je vous condamne tous également, comme si vous étiez tous malades sans espoir de guérison ! Quand même ceux qui s'enivrent de leurs richesses se boucheraient les oreilles pour ne me point entendre, ceux du moins qui passent leur vie dans la pauvreté pourront m'écouter. Et en quoi, dira-t-on, ce que vous prêchez intéresse-t-il les pauvres, qui n'ont, ni or, ni argent, ni coffres pleins d'habits? Mais ils ont du pain et de l'eau froide; ils ont deux oboles, des pieds pour aller visiter les malades; ils ont une langue et la parole pour consoler celui qui est dans l'affliction ; ils ont une maison et un toit pour recevoir l'étranger. Des pauvres, nous n'exigeons pas tant et tant de talents d'or: c'est aux riches que nous demandons cela. Que si ;le Seigneur vient à la porte du pauvre, du mendiant, il n'aura point de honte de recevoir même une petite obole (Marc, XII, 43) ; au contraire, il dira qu'il a plus reçu de lui que de ceux qui lui ont beaucoup donné.

Combien de gens aujourd'hui voudraient avoir été au monde dans le temps que Jésus. Christ, revêtu de notre chair, allait de côté et d'autre sur la terre, pour avoir part à ses entretiens et manger à sa table. Maintenant, oui maintenant, ce désir, il ne tient qu'à nous de le satisfaire nous pouvons l'inviter à notre table, nous pouvons manger avec lui et, avec plus d'avantage et de profit, car plusieurs de ceux qui ont mangé avec lui se sont perdus comme Judas et ceux de sa sorte. Mais quiconque maintenant l'invitera à entrer dans sa maison pour le loger et le faire manger à sa table, sera comblé de bénédictions. « Venez », dit-il, « venez, vous qui avez été bénis par mon Père , possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. (Matth. XXV, 34.) Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire; j'ai eu besoin de logement et vous m'avez logé ; j'ai été malade et vous m'avez visité (35) ; j'étais en prison et vous m'êtes venu voir (36) ». Afin donc qu'un jour nous nous entendions dire ces paroles, revêtons celui qui est nu, logeons l'étranger, nourrissons celui qui a faim, donnons à boire à celui qui a soif, visitons celui qui est malade, celui qui est en prison. Voilà, [393] mes frères, le plus sûr moyen de paraître avec confiance devant Jésus-Christ , d'obtenir la rémission de ses péchés, d'acquérir ces biens qui surpassent toutes nos paroles et toute notre intelligence; veuille le ciel nous les départir à tous, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui la gloire et l'empire appartiennent, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.
HOMÉLIE LX.
JE SUIS LE BON PASTEUR, ET JE CONNAIS MES BREBIS, ET MES BREBIS ME CONNAISSENT. — COMME MON PÈRE ME CONNAÎT, JE CONNAIS MON PÈRE : ET JE DONNE MA VIE POUR MES BREBIS.
1. C'est une grande tâche que la garde de l’Eglise, une tâche qui requiert beaucoup de sagesse et un courage tel que celui dont parle Jésus-Christ, tel qu'on donne sa vie pour ses brebis, que jamais on ne les abandonne, qu'on soit ferrite et qu'on résiste courageusement au loup. C'est là en quoi le pasteur diffère du mercenaire. Celui-ci s'inquiète peu de ses brebis, et n'a de vigilance que pour ses propres intérêts; mais l'autre s'oublie soi-même, et veille uniquement au salut de son troupeau.

Jésus-Christ donc, après avoir caractérisé le pasteur, parle de deux autres sortes de gens qui nuisent au troupeau : du voleur, qui ne [394] cherche qu'à ravir les brebis, qu'à les égorger, et de celui qui ne les perd pas lui-même, mais qui ne repousse pas le voleur et ne le chasse pas. Par celui-là il désigne Théodas; dans la personne de celui-ci il flétrit les docteurs des Juifs, qui ne prenaient aucun intérêt au troupeau qui leur avait été confié : c'est de quoi longtemps auparavant Ezéchiel leur avait fait des reproches, en leur disant : « Malheur aux pasteurs d'Israël ! Ne se paissent-ils pas eux-mêmes? les pasteurs ne paissent-ils pas leurs troupeaux?» (Ezéch. XXXIV, 2.) Mais les pasteurs d'Israël faisaient le contraire, ce qui est d'une extrême méchanceté et la source de tous les autres malheurs. Voilà pourquoi le prophète dit : Ils ne ramènent pas au troupeau les brebis qui se sont égarées; celles qui se sont perdues, ils ne les cherchent pas; ils ne bandent- point les plaies de celles qui se sont blessées; ils ne travaillent point à fortifier et à guérir celles qui sont faibles et malades, parce qu'ils se paissent eux-mêmes, et non leur troupeau (Ezéch. XXXIV, 4).

Saint Paul déclare la même chose en d'autres termes: « Tous cherchent », dit-il, « leurs « propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ » (Philip. II, 21); et encore: « Que personne ne cherche sa propre satisfaction, mais le bien des autres ». (I Cor. X, 24.) Jésus-Christ se sépare de ces deux sortes de pasteurs, de ceux qui s'ingèrent dans ce ministère pour la ruine du troupeau, quand il dit : « Pour moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie, et qu'elles l'aient abondamment (10) »; et de ceux qui ne se soucient pas que les loups ravissent les brebis, en ne les abandonnant point, et donnant, au contraire, sa vie pour leur salut. Lorsque les Juifs cherchaient à le faire mourir, il n'a point cessé de prêcher et d'instruire, il n'a point abandonné ses disciples; mais il est demeuré ferme et il a voulu souffrir la mort. C'est pourquoi partout il dit : « Je suis le bon pasteur ».

Ensuite, comme on ne voyait point encore de preuve de ce qu'il avançait (car ce ne fut que quelque temps après que cette parole « Je donne ma vie », eut son accomplissement, et celle-ci : « Afin qu'elles aient la vie, et « qu'elles l'aient abondamment », ne devait l'avoir qu'après sa mort) ; que fait-il? Il confirme une des choses par l'autre : en donnant sa- propre vie, il prouve qu'il donne aussi la vie, et c'est là ce que saint Paul nous apprend; car il dit : « Si, lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison étant maintenant réconciliés avec lui, nous serons sauvés ». (Rom. V, 10.) Et encore ailleurs : « S'il n'a pas épargné son propre a Fils, mais l'a livré à la mort pour nous tous, que ne nous donnera-t-il point après nous l'avoir donné? » (Rom. VIII, 32.)

Mais maintenant, comment les Juifs ne font-ils pas des reproches à Jésus, et ne lui disent-ils pas comme auparavant : « Vous vous rendez témoignage à vous-même », ainsi « votre témoignage n'est point véritable? » (Jean, VIII, 13.) C'est parce qu'il les avait, souvent obligés de se tire, et que les miracles qu'if avait faits lui donnaient plus de liberté vis-àvis d'eux.

Après cela, ayant dit ci-dessus : « Les brebis entendent sa voix, et le suivent »; de peur

que quelqu'un ne demandât : et en quoi cela importe-t-il à ceux qui ne croient point? faites attention à ce qu'il ajoute : « Et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent ». L'apôtre l'a aussi déclaré de même : « Dieu, n'a point rejeté son peuple qu'il a connu; dans sa prescience ». (Rom. xi, 2.) Et Moïse: « Le Seigneur connaît ceux qui, sont à lui ». (Nomb. XVI, 5; LXX et 11; Tim. II, 19.) Je parle de ceux, dit Jésus-Christ, que j'ai connus dans ma prescience. Et pour vous empêcher de croire que le degré de connaissance soit égal, observez avec quel soin il corrige, par ce qui suit, la fausse idée qu'on s'en pourrait former: « Je connais mes brebis », dit-il, « et mes brebis me connaissent » : mais ces connaissances, savoir, la mienne et celle des brebis, ne sont point égales. Et où y a-t-il égalité de connaissance? Dans mon Père et dans moi, car : « Comme mon Père me connaît, je connais mon Père (15) ». En effet, si le Sauveur n'avait pas voulu prouver cela, pourquoi aurait-il- ajouté ce qui suit immédiatement? Comme il se confond souvent d'ans la foule, de peur qu'on ne pensât qu'il connaissait son Père seulement à la manière d'un homme; il, a ajouté : « Comme mon Père me connaît, je connais mon Père ». Je le connais aussi parfaitement qu'il me connaît lui-même. Voilà pourquoi il disait : « Nul ne connaît qui est le Fils, que le Père; ni qui est le Père, que le Fils» : marquant par là une connaissance [395] qui lui est propre et particulière, et telle que nul autre n'y peut atteindre.

« Je donne ma vie ». Jésus-Christ le répète souvent, pour montrer qu'il n'est pas un imposteur, puisque saint Paul, pour faire voir qu'il est un docteur et un maître véritable, et pour confondre les faux prophètes, se prévaut des périls et des supplices qu'il a bravés, en disant : « J'ai plus reçu de coups, je me suis a souvent vu tout près de la mort ». (II Cor. XI, 23.) Jésus-Christ ayant dit : Je suis la lumière, je suis la vie, des insensés l'auraient pu regarder comme un homme vain qui ne parlait que pour s'élever au-dessus des autres; mais en disant: je veux mourir, il ne s'attirait l’envie de personne. C'est ainsi pour cela que les Juifs maintenant ne lui disent pas : « Vous vous rendez témoignage à vous-même », ainsi « votre témoignage n'est point véritable ». Par cette parole, il montrait son infinie sollicitude, lui qui voulait se livrer à la mort pour ceux mêmes qui le lapidaient.

2. C'est pourquoi le divin Sauveur en vient à parler, fort à propos, des gentils : « J'ai en« tore d'autres brebis », dit-il, « qui ne sont pas de cette bergerie : il faut aussi que je les amène (16) ». « Il faut » : Jésus-Christ se sert de ce terme, non pour marquer une nécessité, mais pour montrer que ce qu'il promet arrivera infailliblement ; c'est comme s'il disait : Pourquoi vous étonner de ce que ces hommes soient prêts à me suivre, de ce que mes brebis écoutent ma voix? Lorsque vous en verrez d'autres encore me suivre et écouter ma voix, alors il y aura lieu de vous étonner davantage. Mais s'il dit : « Qui ne sont pas de cette bergerie », ne vous troublez pas : la différence n'est que dans la loi, selon ces mots de saint Paul : « Ce n'est rien d'être circoncis, et ce n'est rien d'être incirconcis ». (I Cor. VII, 19.) « Et il faut que je les amène ». Jésus-Christ déclare que les unes et les autres sont toutes dispersées et mêlées ensemble, n'ayant point de pasteur, parce que le bon pasteur n'est pas encore venu. Après quoi il annonce qu'elles seront toutes unies : « Et il n'y aura a qu'un troupeau ». Cette union, saint Paul l'a aussi marquée, en disant: « Afin de former en soi-même un seul homme nouveau de ces deux peuples ». (Ephés. II, 15.)

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